lundi 9 novembre 2015

453 Origine des « chagrins d'amour »

« Au début, c'est toujours bien ». Et puis ensuite, on ne sait pas pourquoi, ça se casse la figure. C'est ainsi que souvent se résument nos amours. Pourquoi parvenons-nous à réussir un plan de carrière professionnel, l'organisation d'un tour du monde, la formation par une grande école... et est-il si hasardeux, fragile, hypothétique, de réussir la chose à priori la plus naturelle qui soit au monde : l'amour ? Il y a forcément des raisons qui expliquent l'abondance d'échecs et leur caractère incompréhensible. A moins, bien sûr, de trouver des explications simplistes qui n'en sont pas, du genre : « l'amour, ça dure deux ans », « les filles (ou « les garçons ») ne savent pas ce qu'ils veulent », « je n'ai pas de chance », etc.

On a vu dans le texte précédent de ce blog, l'Anatomie du chagrin d'amour, quel genre de fantasmes nous handicapait et préparait la catastrophe inévitable. Il nous faut approfondir à présent. Comme on l'a vu on rêve de vivre avec l'autre un amour modélisé sur celui de nous enfant pour papa ou maman. Une autre conséquence dévastatrice de ce fantasme est de vouloir faire ressembler vraiment notre amour pour un garçon ou une fille avec celui de l'enfant pour ses parents. Et l'amour de l'enfant pour ses parents s'exprime dans le cadre familial : celui du foyer. Résultat, dès qu'un amour paraît pour une fille ou un gars on se précipitera souvent pour... vivre à deux, partager le même logis. Ce sera une erreur. Non pas qu'il ne faille pas vivre ensemble. Mais on brulera les étapes. Alors qu'on n'est absolument pas prêt à partager sa vie quotidienne avec quelqu'un, on voudra absolument enfermer notre amour dans une résidence commune. J'ai moi-même commis cette très lourde erreur. Dès que j'ai trouvé « ma moitié d'orange », j'ai annoncé pratiquement la fusion théorique de nos deux logis respectifs, suivi de mon quasi déménagement chez l'autre. Qui n'a pas su dire non. En nous enfermant dans le même cadre de vie nous avons brulé des étapes. Un jour, peut-être, naturellement, nous en serions venus là. Mais là j'ai cru qu'il le fallait d'urgence. Je suivais le modèle papa-maman. C'était une erreur qui allait handicaper à terme notre amour. On ne brule pas les étapes ainsi sans finir par avoir finalement à payer la note.

La seconde erreur relève de la prodigieuse ignorance de la sexualité que partagent la plupart des humains. Qui amène la folie absolue qui consiste à prendre l'acte sexuel comme un produit de consommation. L'acte sexuel ne doit se pratiquer qu'à la condition exclusive, mais pas forcément suffisante, qu'il existe un vrai et authentique désir réciproque. Ce désir est rare. Pour aller au coït, on se contente le plus souvent de la possibilité technique de la réalisation de l'acte, jointe à une relative excitation. Les humains, dans leur ignorance abyssale de leur sexualité, croient en particulier que l'érection masculine et les réactions génitales féminines correspondantes expriment le désir et même l'urgence de l'acte sexuel. Alors que ces réactions physiologiques interviennent fréquemment en l'absence du désir, qui est un sentiment très particulier. La colossale et dévastatrice stupidité humaine conduit au galvaudage de l'acte sexuel. Ce galvaudage rongera la relation et finira par la rendre insupportable à l'un des partenaires. Il ne supportera plus l'autre et rompra. Ce schéma relationnel explique la plupart des ruptures entre des amoureux qui avaient, semble-t-il, très bien débuté leur idylle. Un troisième phénomène destructeur de l'amour est l'oubli de la pratique du toilettage originel. Nous portons en nous des pratiques instinctives animales où les humains sauvages, comme les autres grands singes, usaient de la langue pour se nettoyer et nettoyer l'autre. Aujourd'hui, l'oubli de notre comportement instinctif singe fait que nous croyons voir dans ces gestes spontanés des « préludes » à l'acte sexuel. Allez expliquer à un homme ou une femme adulte que lécher le sexe ou l'anus de l'autre, même si c'est agréable, n'est en fait pas « sexuel » et relève du toilettage ! Même l'écrire ici paraîtra loufoque à certains qui me liront. La tendresse en général apparaît souvent comme un continent inconnu pour les analphabètes tactiles que nous sommes pour la plupart. Toucher simplement l'autre, il est courant que nous ne savons même pas le faire. Et il n'est pas rare que nous savons mieux caresser un chien ou un chat qu'un homme ou une femme.

Basile, philosophe naïf, Paris le 9 novembre 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire