mercredi 11 novembre 2015

457 Il faudra bien un jour que le pouvoir de l'argent fou laisse la place à celui des humains raisonnables et aimants. – Métamorphoses politiques actuelles.

Le concept de « pouvoir du peuple » est beau, rassurant et absurde. Le pouvoir est toujours détenu par définition par une minorité qui l'exerce sur la majorité. Il s'agit ici d'un oxymore. Ou bien on est le peuple, ou bien on est le pouvoir. On ne peut pas être les deux à la fois. De même qu'on ne peut être tout à la fois blanc et noir. Ce concept de « pouvoir du peuple » ou « pouvoir populaire » a été inventé pour rassurer le peuple et conforter, justifier le pouvoir de ceux qui l'exercent en son nom, à sa place, et souvent contre lui.

Un des visages donnés à ce « pouvoir populaire » c'est « la démocratie ». La démocratie athénienne antique c'était le pouvoir du « dème ». C'est-à-dire la dictature de 20 000 hommes libres sur 200 000 autres êtres humains : les femmes, les métèques, c'est-à-dire les étrangers résidents ou de passage à Athènes, et les esclaves.

Dans l'imaginaire collectif la « démocratie » c'est le pouvoir du peuple où celui-ci élit des « délégués » pour le « représenter ». En fait, ces délégués sensés le représenter représentent toujours les intérêts d'eux-mêmes et d'une minorité. Les élections passés, les élus oublient toujours les promesses qu'ils ont faites à la masse de leurs électeurs. Le seul « changement » qu'ils assument consiste à oublier leurs promesses et se mettre au service de ceux qui détiennent le pouvoir économique et financier. Cela se fait d'autant plus facilement qu'aujourd'hui, pour être à même d'être élus, de parvenir à gouverner un pays suite à des élections, il faut beaucoup d'argent. Une campagne électorale coute très cher. Le système politique en France vient d'ailleurs de nous annoncer la fin de la démocratie dans notre pays. Ça s'est fait par la bouche du leader du NPA Olivier Besancenot. Les élections régionales arrivent en décembre prochain. Et qu'a annoncé Olivier ? « Mon parti politique, le NPA, ne présentera pas de candidats. Car il n'a pas assez d'argent pour assumer les frais tels que l'envoi de professions de foi aux électeurs. Le papier coute trop cher. » Je cite de mémoire, ce ne sont pas les mots exacts, mais le sens y est.

On peut adorer ou détester le NPA. En tous les cas, une chose est certaine : il représente une tendance politique parmi les autres. Elle ne sera pas représentée auprès des électeurs lors des prochaines élections régionales en France. Pourquoi ? Parce que le NPA n'a pas assez de sous pour se présenter. La démocratie n'existe plus en France. Il y avait jadis le vote censitaire. Il fallait être riche pour avoir le droit de voter. À présent, nous avons la candidature censitaire : il faut être riche pour pouvoir se présenter aux élections importantes pour l’avenir du pays.

Comme est loin le temps où Marcel Barbu, simple particulier, se présentait aux élections présidentielles pour défendre ses idées ! C'était un inconnu qui fut candidat aux présidentielles françaises de 1965. Aujourd'hui une telle candidature ne serait plus possible. Il faut beaucoup d'argent et le parrainage de 500 élus de 50 départements. Ce qui signifie qu'avant-même de se présenter devant les électeurs, il faut avoir été reconnu, coopté par des politiciens. Où est la démocratie ?

Pour trouver l'argent, il faut se débrouiller. Ce qui a des implications y compris politiques. Le plus simple est d'être riche personnellement ou d'avoir une épouse ou un mari riche. Quand DSK eu ses ennuis à New York en 2011, il lui fallut trouver en urgence de quoi payer une caution de 5 millions de dollars pour satisfaire la justice new-yorkaise. Il les trouva. Et ce sans faire une campagne de souscription. Par la suite, on raconte que pour faire abandonner les poursuites en procédure civile que lui faisait son accusatrice, DSK sortit encore quelques millions de dollars.

Si on n'est pas riche soi-même, ou si on n'a pas une épouse ou un mari riche, il faut chercher l'argent. Plusieurs possibilités s'offrent alors. Solliciter un organisme riche, par exemple une secte. Solliciter une grande société privée ou une banque. Ou, enfin, accepter l'aide, bien évidemment intéressée, d'un gouvernement étranger riche qui a besoin de soutiens. Il s'agit généralement de dictatures. Tout ceci comporte bien sûr des gages de reconnaissance en retour.

Si on ne veut pas se compromettre, on reste droit, propre. Et on n'arrive jamais au pouvoir. On peut faire ce choix. Il existe des organisations politiques qui ont renoncé de facto à la perspective d'accéder un jour au pouvoir.

Mais si seuls les riches ou amis des riches vont gouverner et qu'on n'est pas d'accord avec leur orientation, que peut-on faire ?

Revenir aux fondamentaux d'origine. Avant l'invention du suffrage universel, la politique se réglait par l'affrontement direct, plus ou moins violent ou pas violent. La perte de confiance dans un système politique qui ignore les petits et les pauvres amène progressivement des pans entiers de la société à revenir aux fondamentaux anciens de la politique. En commençant pas les couches les plus mouvantes.

Les artisans en ont fait la démonstration avec l'écotaxe et ses portiques de contrôles. Les bonnets rouges se sont fait vilipender par certains représentants de la gauche officielle : il y avait parmi les manifestants des patrons et des employés... il n'empêche qu'ils ont gagné. Les portiques ont été abandonné.

La politique ultra-libérale devait faire disparaître la profession d'artisans taxis. Après avoir acheté très cher leur licence, « la plaque », c'est-à-dire le droit de travailler onze heures par jour en gagnant des clopinettes, les chauffeurs de taxis allaient se retrouver au chômage.

Alors, ils sont descendus dans la rue, faire y compris un très mauvais sort à leurs concurrents. Les taxis ont gagné eux aussi.

Autre couche de la population réputée incontrôlable : les écologistes, non pas avec attachés-caisses et cravates arpentant les ministères. Les écologistes barbus style Larzac années 1970. Ils se sont mobilisés ces temps derniers contre divers projets officiels. A Notre-Dame-des-Landes ils s'opposent à la création d'un aéroport voulu par la firme Vinci avec l'appui de certains politiques locaux ou parisiens. Depuis de longs mois, les « Camilles » comme ils s'appellent, tiennent les zones humides et les bois face aux CRS et gendarmes mobiles. Ces derniers sont formés et entrainés pour l'affrontement urbain, pas pour déloger des originaux installés dans des arbres !

À Sivens, le gouvernement a voulu « mettre le paquet » pour éviter la réédition de sa présente déconfiture à Notre-Dame-des-Landes. Il a donné des instructions à ses troupes en ce sens. Et le malheur a voulu qu'une des grenades offensives lancées a tué un jeune manifestant écologiste.

Le gouvernement a annoncé dernièrement qu'il va reprendre les zones humides et les bois où doit s'élever le futur aéroport projeté à Notre-Dame-des-Landes. Il a donc en vue – selon la terminologie en usage pour ces situations, – une « opération de maintien de l'ordre ».

Le problème est que si le gouvernement remporte une victoire sur le terrain, celle-ci se doublera d'une défaite politique. Mais nos gouvernants ne sont sans doute pas à une bourde près.

Ce qui est dommage, c'est que demain sur le terrain il y aura probablement des risques d'énervements. Avec des dégâts possibles, même très légers, qu'il serait préférable d'arriver à éviter.

Tout ceci amène à constater des phénomènes de réorganisation politique étranges et nouveaux. Ainsi, « la gauche » devient « de droite ». La politique ultra libérale de l'Union européenne, du Fond monétaire international et de la Banque centrale européenne est appliquée avec enthousiasme par des ministres et députés étiquetés « de gauche ».

Les exemples ne manquent pas. Les plus éclatants sont la France et la Grèce. En France, ça fait à présent trois ans que le pouvoir officiellement de gauche mène une politique plus à droite que la droite. Dernier fleuron de celle-ci : la promesse de liquider le code du travail. Pour « le simplifier » on va en ôter tout ce qui dérange les patrons quand ils sont en bisbilles avec leurs employés.

En Grèce, après avoir vilipendé l'austérité, le parti baptisé « radical de gauche » par la presse de droite en France est devenu l'applicateur zélé de toutes les recettes de la troïka. Sont venus à Athènes soutenir ce parti lors des dernières élections, les représentants de Die Linke, parti allemand classé à gauche, très à gauche, et le dirigeant national du PCF.

Pendant que « la gauche » suit ce chemin, il me semble que la place devenant vide, un phénomène étrange arrive dont peu de gens parlent. Une partie de « la droite »... devient de gauche.

L'exemple le plus frappant est celui du pape François. Il a multiplié des déclarations hostiles à l'argent-roi. Certes, il reste le pape et conserve des positions conservatrices traditionnelles dans le domaine des mœurs et sur le mariage. Mais, dans le domaine social, il est nettement plus « à gauche » que les ministres socialistes français mettant en application législative les consignes données par le MEDEF !

Et, derrière ce pape, certains jeunes catholiques commencent à se poser le problème de l'écologie et de la misère... contre le capitalisme !

Ainsi, certains éléments de « la droite » deviennent « de gauche ». Cependant que de très larges parties de « la gauche » deviennent « de droite ». Affaire à suivre. Cette évolution est en marche.

Certains commentateurs présentent différemment les choses : ils disent que la différenciation droite-gauche ne veut plus rien dire.

Derrière le théâtre bruyant qui voudrait nous faire croire que seuls existent « la gauche », « la droite », « l'extrême gauche » et « l'extrême droite », croissent des forces qui vont venir déranger les scénarios pré-écrits.

Ceux qui sincèrement veulent le bien des autres et suivent des chemins politiques classiques devront accepter de douloureuses remises en question. Et abandonner des certitudes périmées.

Il faudra bien un jour que le pouvoir de l'argent fou laisse la place à celui des humains raisonnables et aimants.

L'amour : un mot que, remarquons-le, on entend bien plus souvent prononcer dans des sermons sous la voûte des églises, des temples, des mosquées, des synagogues ou des pagodes, que dans des assemblées politiques et des discours officiels.

L'amour qui est tout. Et sans lequel l'homme n'est rien. L'amour, qui est plus fort que l'argent. Que l'argent ne saurait acheter.

L'amour, qui est la vie-même. Et sans lequel rien n'existe. Qui sauvera le monde plus efficacement que tous les bavardages solennels des politiciens professionnels à la COP 21 en décembre prochain.

Basile, philosophe naïf, Paris le 11 novembre 2015

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