Amie de Voltaire,
La Russie a compté
Une impératrice allemande,
Catherine la deuxième,
Qui était très portée
Sur la chose.
Mon père m'a raconté
Que des jeunes officiers
Russes étaient
Contactés ainsi :
« La tsarine s'intéresse à vous
« Pour ce que vous devinez.
C'était dit comme ça,
Ou autrement,
Je ne sais pas.
Une fois l'affaire faite,
Le récipiendaire,
N'ayant pas « servi la tsarine »
Mais « servi à la tsarine »,
Recevait d'une cassette
Réservée à cet effet
Un dédommagement.
En résumé,
Les jeunes officiers
Se prostituaient.
C'est pourquoi je crois
Que mon ancêtre
Qui eut droit
Aux faveurs
De l'impératrice,
N'eut probablement pas
Trop de mal
Pour arriver
A trouver ses entrées.
Mais que me reste-t-il
De mes ancêtres ?
Leur palais à Moscou
N'est plus dans la famille
Depuis 1835.
De toutes les richesses
De la famille
Que me reste-t-i ?
Venue de mon père,
Une coupelle en porcelaine
Décorée de muguets
A la feuille d'or
A miraculeusement
Traversé l'Histoire.
De ma mère,
De riche famille bourgeoise,
Deux jolies pelles à tarte.
C'est à peu près tout.
De la Suisse,
Traversée dans sa fuite,
Ma maman m'a aussi laissé
Le cadran émaillé d'un coucou
Absent, qui ne chante plus
Depuis longtemps.
Quelques épaves du passé
Me restent encore,
Comme une tasse chinoise
Largement ébréchée.
Mais j'ai conservé intacts
De mes ancêtres
Trois trésors inestimables,
Qui ont traversé les siècles :
Ils avaient
Le désir de servir
En Russie, le tsar.
Je vis en France
Et il n'y a plus de tsar.
Alors je lui ai substitué
L'intérêt général,
La poésie et le carnaval.
Ils avaient la foi orthodoxe,
J'ai une foi imprécisée.
Enfin, ils avaient
Pour les meilleurs
L'amour de leur prochain.
Je l'ai conservé,
Et il m'aide à exister.
Ce sont là
Mes trois trésors,
Héritage en or
De mes ancêtres.
Basile, Paris le 8 novembre 2020
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