Un événement dont je
garde le souvenir a marqué ma vie. Je devais avoir au maximum cinq
ou six ans, peut-être même moins, certainement guère plus. J'étais
malade et avais la grippe. Pour cette raison, en journée je dormais
sur le divan qui servait la nuit de lit à mes parents. Je me suis
réveillé le soir. Il faisait déjà nuit dehors. Et je vis de loin,
en pleine lumière sur la table où nous prenions habituellement nos
repas, il y avait quelque chose de tout à fait nouveau et tout à
fait inédit pour moi. Dans une cage bondissaient de petits êtres.
C'était des mériones, sorte de souris du désert, que mon frère
aîné s'était fait prêter par le Muséum d'histoire naturelle de
Paris où il connaissait un responsable important. Ce contact avec
les mériones fut le premier que j'ai eu avec « la Nature ».
J'ai toujours cherché par la suite comment la Nature se présentait
dans l'être humain. C'est ue constante dans ma recherche
philosophique. Aller à l'originel, au plus simple possible. Chercher
à l'identifier par delà le fatras culturel de la Civilisation.
À
force de chercher, je finis par trouver des réponses intéressantes.
Elles sont simples et font avancer la compréhension de nos problèmes
habituels. Je constate aussi que mon propos n'intéresse guère les
autres. Car les secrets les mieux gardés sont ceux qu'on ne cherche
pas à percer. Quand on est malheureux en amour, au lieu de
chercher pourquoi on en est arrivé là, le commun des gens se dit :
« j'aurai plus de chances la prochaine fois » ou bien
encore : « c'est la faute aux autres ». Il ne faut
surtout pas chercher à démonter le cheminement qui a conduit à la
douleur morale intense baptisée « chagrin d'amour »,
sans autre précision. Pour ce qui me concerne, je cherche à
comprendre les tenants et les aboutissants qui ont pu m'amener là, à
cette situation que je vais partager avec des dizaines de millions
d'autres. Je refuse de me résigner à penser : « c'est la
faute à pas de chance » ou bien encore : « c'est la
faute aux femmes ».
Le
fonctionnement des relations amoureuses chez les humains est soumis
au patriarcat dominant notre société. Celui-ci prétend à la
supériorité des hommes sur les femmes et détraque les relations
inter-sexuelles. L'interaction entre le patriarcat produit culturel
et la physiologie et la psychologie naturelles des humains a des
conséquences directes sur nos vies.
Prétendre
dominer, posséder la femme conduit l'homme à s'opposer à l'amour.
Le manque d'amour qui en résulte exacerbe la sexualité masculine.
Le comportement sexuel masculin devient obsessionnellement fixé sur
la recherche de l'acte sexuel, qui dénaturé, se révélera
insatisfaisant.
Le
tragique manque général d'amour entre les humains, qui résulte de
cette quête abusive et absurde conduit à l'hypertrophie de la
sexualité masculine dans la société humaine. En témoigne le
chiffre d'affaires colossal de la prostitution et de la pornographie.
Mais ce dérangement s'exprime aussi simplement au quotidien. En
voici trois exemples :
Un
homme et une femme sont très amis. Comme ils sont tous les deux
célibataires, la femme se dit : « pourquoi ne
deviendrions-nous pas un couple ? » Elle drague l'homme.
Au début et durant plus d'une vingtaine de mois la relation paraît
s'exalter. Car la libération de la tendresse physique interdite en
temps normal entre adultes ne se fréquentant pas sexuellement
émerveille et joue à fond. Mais la tendresse physique n'est pas
l'amour. Pendant ce temps-là, à contrario les deux amis recherchent
« l'harmonie sexuelle » et ne la trouve pas. Car on ne la
décide pas et on n'a pas non plus de raisons de l'idolâtrer. Cette
recherche insatisfaisante va ronger la relation. Progressivement elle
se fera insupportable. Et débouchera finalement sur une très
douloureuse rupture. La volonté de bricoler un amour sur la base
d'une amitié vraie a fini par détruire celle-ci. Croire à la
réussite de « la sexualité » en fait masculine, conduit
toujours à l'échec et la déception.
Autre
exemple : une jeune fille très jolie recherche « l'amour ».
Elle se dit qu'il suffit pour ça de se rapprocher d'un très beau
jeune homme sympathique. Faire des câlins, des bisous et l'acte
sexuel, déclarer à l'entourage qu'on est « ensemble »,
être jalouse et le tour est joué. Elle bricole ainsi une première
relation avec un premier jeune homme. Relation qui fini par lui être
insupportable. Elle rompt. Remet ça avec un second jeune homme, et
ainsi de suite. Elle en est au quatrième et ça continuera sans
doute ainsi si rien ne change dans la démarche adoptée. Le
bricolage amoureux n'est pas l'amour. Les câlins font illusion. Le
passage à la casserole et la jalousie proclamée à la cantonade tiennent lieu de « mariage ». Mais
on n'invente pas une relation d'amour qui n'existe pas.
Troisième
exemple : un jeune homme et une jeune femme s'aiment. Pour des
motifs secondaires ils se séparent. Se sentant « libre »
le jeune homme drague une jolie fille, puis une seconde. S'en vante
auprès des copains. Puis réalise le caractère insipide de ces deux
aventures sans amour. Et retourne vers l'amie qu'il avait quitté. Il
a compris que c'était là une relation précieuse et qui ne se
remplaçait pas avec des aventures.
Dans
tous ces cas de figure, les personnes concernées cherchent à
adapter les normes patriarcales à leurs vies. En les édulcorant
éventuellement un peu. Mais la Nature en eux ne se laisse pas
dompter. On n'invente pas l'amour là où il n'est pas. On ne le
remplace pas de manière satisfaisante par autre chose.
Ces
temps derniers une tendance se développe. Devant le chaos
indescriptible des relations dites « amoureuses » entre
nombre de personnes, certains ont recours au mariage. Ils en font une
sorte de solution miracle qui va tout arranger. Bien sûr, quand la
base est pourrie, ce n'est pas la couverture qu'on met dessus qui
rend la relation solide et satisfaisante. En témoigne le nombre
imposant de divorces qui sont répertoriés chaque année.
Il
faut respecter la Nature et l'authenticité. Hors de cela, il n'y a
point de salut.
Basile
philosophe naïf, Paris le 12 juin 2018
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