Imaginons un monde où
les aliments sucrés ne pourraient être consommés qu'exclusivement
en couples amoureux et dans l'intimité ou presque. Les habitudes,
les lois, les interdits, les traditions iraient dans ce sens.
Naturellement tout ce qui est sucré deviendrait aux yeux de tous
quelque chose de plus ou moins « sexuel ». Serait défini
comme un « préliminaire » ou postlude de l'acte sexuel.
La seule évocation du goût sucré exciterait sexuellement la
plupart des gens. Ceux qui pourraient manger sucré ou envisager de
le faire sans penser au sexe serait déclaré souffrant de « manque
de désir » ou troubles de la libido.
Remplacez à présent la
consommation d'aliments sucrés par le fait de faire des câlins et
vous aurez tout de suite une vision claire d'une aberration majeure
de la société où nous vivons. D'une part elle interdit les câlins,
les caresses entre humains adultes. D'autre part elle décrète que
ces câlins, ces caresses sont « sexuels ».
Pas plus que la
consommation d'aliments sucrés les câlins sont « sexuels ».
Mais allez l'expliquer aux gens ! Ils ne vous comprendront pas,
la plupart du temps.
Comme les câlins sont
libérés entre deux individus au début de leur relation amoureuse,
ça les amène à apprécier significativement cette relation. Et à
déclarer souvent que « l'amour au début c'est toujours
bien ». Mais il ne s'agit pas là de « l'amour »,
mais des câlins entre adultes exceptionnellement autorisés. Après,
fréquemment, ça se gâte. En particulier parce qu'on n'a pas
conscience de l'identité réelle des câlins entre adultes. Et cette
inconscience a des effets dévastateurs en cas de rupture ou
déception amoureuse.
L'individu sous-alimenté
en câlins qui avait rêvé d'être alimenté en câlins ou l'a été
momentanément durant sa relation amoureuse se retrouve brutalement
privé de câlins. Cette situation peut être vécue comme
extrêmement douloureuse de part et d'autre. Aussi bien pour celui ou
celle qui décide de rompre que pour son ou sa partenaire qui n'est
très souvent pas d'accord.
Le « chagrin
d'amour » est bien souvent le fruit empoisonné d'un brutal
sevrage en câlins. L'amour n'a ici qu'un rôle très secondaire.
Croyant les câlins liés
à l'acte sexuel, l'arrêt de celui-ci conduit à arrêter les
câlins. C''est souvent en fait là la première cause de la détresse
ressentie par les parties en présence.
La libération générale
des câlins entre adultes dans la société conduira à dédramatiser
très considérablement la plupart des déceptions amoureuses. Et
éviter nombre de suicides ou dépressions entraînés par ces
déceptions.
Pour que cette libération
intervienne, une large prise de conscience est nécessaire. Elle
résultera aussi d'un recul sensible du patriarcat qui est le cadre
contraignant régissant jusqu'à présent et depuis très longtemps
les relations dites « amoureuses » entre les humains
adultes.
Pourquoi les câlins
entre adultes sont-ils sévèrement limités, voire le plus souvent
interdits ? Parce que la carence en câlins conduit à stimuler
en compensation le désir sexuel masculin. J'ai pu éprouver ce phénomène
en 1986. Ayant pour la première fois de ma vie adulte rencontré le
toucher sensuel et pas sexuel au cours d'un week-end de massages,
j'ai été surpris de constater que durant les deux semaines qui
suivirent, mon intérêt pour le sexe s'est complètement effondré.
Je n'éprouvais spontanément aucun intérêt pour l'imagerie
érotique offerte par un kiosque à journaux auprès duquel je
passais très souvent. La masturbation ne m'intéressait pas du tout,
contrairement aux habitudes prises depuis des années. D'autres
phénomènes curieux sont à relever et j'aurai l'occasion d'en
parler. Ils concernent directement mes contacts avec les femmes à ce
moment-là.
Le désintérêt pour le
sexe habituellement artificiellement hypertrophié est tout à fait
logique, s'agissant du phénomène suivant dont on entend souvent
parler :
Dans des couples établis
l'activité sexuelle frénétique habituelle tend à disparaître. On
invoque les méfaits de « la routine », le manque
« d'imagination créative ». En fait un relatif équilibre
s'étant établi dans le domaine des câlins, du dormir ensemble,
tout naturellement la sexualité hypertrophiée du début s'éclipse.
Mais cet équilibre est souvent, mais pas toujours, mal vécu. On
croit qu'il faut suivre la norme consumériste patriarcale dans le
domaine sexuel et on se retrouve insatisfait.
C'est justement parce que tout tend à aller bien qu'on cesse de baiser à tire-larigot. Mais baptisez un état de relative bonne santé « malaise » ou « maladie » et cherchez ensuite à vous « soigner ». Je vous souhaite bien du plaisir dans votre absurde entreprise ! C'est ce à quoi se consacre nombre de gens en couples avec l'aide de « sexologues » plus ou moins honnêtes et plus ou moins charlatans.
C'est justement parce que tout tend à aller bien qu'on cesse de baiser à tire-larigot. Mais baptisez un état de relative bonne santé « malaise » ou « maladie » et cherchez ensuite à vous « soigner ». Je vous souhaite bien du plaisir dans votre absurde entreprise ! C'est ce à quoi se consacre nombre de gens en couples avec l'aide de « sexologues » plus ou moins honnêtes et plus ou moins charlatans.
La profession de
« sexologue » n'étant pas réglementée en France, un
tas de gens s'affuble du titre et donne des consultations payantes.
Il y a certainement des braves gens parmi ces spécialistes plus ou
moins auto-proclamés, mais ça ne doit pas être le cas de tous.
Le patriarcat prétendant
faire des hommes les possesseurs des femmes a déréglé les
relations inter-sexuelles. Le patriarcat a souhaité que cette
possession en fait imaginaire s'exprime par une sexualité masculine
frénétique imposée aux femmes et ignorant la variété, la
complexité et la quantité de leurs désirs. Pour le patriarcat la
femme doit « passer à la casserole » le plus de fois
possible, le plus souvent possible. Mais la psychologie et la
physiologie ne suivent pas ce projet aberrant. Alors le patriarcat
via des règles morales établies cherche à stimuler le désir
masculin. Par exemple, la pudeur vestimentaire n'a pas pour but de
réprimer la sexualité, mais au contraire de la stimuler
artificiellement. La privation de contacts tactiles entre adultes a
aussi pour but de rendre la sexualité masculine frénétique.
« Tirer sur tout ce qui bouge ».
Ce conditionnement
s'accompagne de mythes : « le Grand Amour »,
« l'épanouissement sexuel », le désir sexuel permanent,
etc. Ces mythes ont la vie dure, quand bien-même ils sont soupçonnés
d'être des mythes par un très grand nombre de personnes. Çà fait
bien d'y croire quand même !
« L'épanouissement
sexuel » est un mythe d'invention récente. Il est aussi
absurde que parler d' « épanouissement culinaire »
en mangeant la cuisine quotidienne de quelqu'un. Il n'existe pas
d'épanouissement sexuel. Il peut au mieux exister des moments
agréables et c'est tout. Bien sûr, des « spécialistes »
ne manqueront pas de vous promettre de vous aider à y arriver... Et
par ici la monnaie !
Quand la mécanique
génitale éreintée se met en grève, la pharmacie arrive prétendant
vous tirer d'affaires. L’écœurement corporel qui a fini par faire
disparaître vos érections sera baptisé « dysfonctionnement
érectile ». On vous prescrira des pilules miracle. L'érection
reviendra, mais avec un membre insensible. Ça, les spécialistes
s'abstiendront de vous en parler. Quand j'en ai parlé à un prétendu
« sexologue », il est devenu sourd et a parlé d'autre
chose.
Tous ces spécialistes
vous promettent le Paradis sur la Terre. Aucun ne vous promet
simplement une vie tranquille, agréable et équilibrée. Il faut
dire que nombre de non spécialistes ne vous la souhaite pas non
plus. Mais vous encourage à foncer droit dans le mur plutôt que
s'arrêter et réfléchir sur ce qui ne va pas, pourrait aller mieux
et comment y arriver.
Basile philosophe naïf,
Paris les 9 et 10 juin 2018
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