samedi 3 juin 2017

777 Le patriarcat et la mort

Je n'ai jamais entendu parler du patriarcat, sauf dans des cercles féministes très politisés, jusqu'à ce que je commence à diffuser depuis avril dernier des écrits personnels contre lui. Voilà que les femmes auxquelles je les donne à lire m'approuvent, donnent leur opinion, alors que jusqu'à présent elles ne m'ont rien dit à ce propos. Pourquoi un tel silence règne ?

Des souvenirs d'enfance : la mort ne me fait pas peur. Elle est si terriblement lointaine ! Quand je prends le métro parisien, de vieilles et bruyantes rames de type Sprague-Thomson, il m'arrive trois ou quatre fois au moins à me dire : « comme c'est curieux, toutes les personnes ici présentes que je vois ou sais être dans cette rame, dans cent ans, elles seront toutes mortes ! » Il ne me vient pas à l'idée « et moi aussi ». Je me vois comme un spectateur.

Un soir dans mon lit, je ne dois pas avoir bien plus de sept ans... Une pensée me traverse l'esprit : « mais si nous changeons en permanence, nous mourons en permanence. Et donc la mort si lointaine est en fait toute proche. Le moi de cet instant dans un instant d'après sera mort. Je vais mourir !!! Et à l'instant !! Quelle horreur !! »

Affolé par cette pensée, je me lève aussitôt de mon lit, descend l'escalier de la loggia où je me trouve et rejoins mon père, dans la cuisine. Je lui explique comme je peux le motif de ma frayeur. Je ne me souviens pas ce qu'il m'a répondu. Il est resté calme et a du noyer le poisson, je suppose. Rassuré, je remonte me coucher. La mort, il m'en parlera par la suite en évoquant les croyances des théosophes qui disent que les âmes des morts vont dans l'espace tourner autour de la Terre... Je l'écoute comme on écoute des fables ou des contes. Une fois de plus je considère ces idées en qualité de spectateur. Je ne suis pas concerné.

Tout se passe bien et tranquille pour moi jusqu'au sept janvier 1968, durant ma dix-septième année, où une pensée terrorisante vient me paralyser de peur : « je vais mourir, n'existerai plus, ne penserai plus !! » Je n'ose en parler à personne. Cette pensée me hante, seul enfermé dans la salle de bains familiale. Finalement, j'en conclus que je deviens fou ! Cherche dans une Matière médicale homéopathique un remède à la folie. Trouve un nom : « Stramonium ». Et demande à ma mère de me l'acheter sans dire pourquoi. Prends ce médicament, et suite à ça ou pas, ma frayeur passe. Elle reviendra.

Durant des années quand cette peur me hante par périodes d'environ une semaine, je n'en parle à personne. Jusqu'à un soir, ça devait être en 1977, où n'en tenant plus je dis à ma mère : « j'ai peur. » « Peur de quoi ? » me demande-t-elle. « Peur de la mort », je réponds. Elle s'est esclaffé et a dit : « que veux-tu, le Bon Dieu a mal fait les choses. » Précision : elle n'était ni croyante ni à fortiori pratiquante. Pour me répondre elle s'est senti obligée d'utiliser un concept religieux. J'avais espéré quelque chose de rassurant de la part de ma mère.

La mort est la petite sœur du patriarcat. On évite d'en parler. Ce que la plupart des hommes reprochent à la femme, c'est de les avoir engendré mortels. Elle faillit ici à son devoir de protection et les abandonne face à la mort grimaçante et sans pitié. La femme, de son côté, culpabilise de cet abandon. Ce qui fait qu'elle a souvent du mal à dénoncer le patriarcat et ses innombrables abus et exactions. Si on parle si peu du patriarcat, c'est aussi parce qu'on croit souvent à une partie de ses fables, des femmes « coupables » de provoquer qui sont violées, par exemple. Bien des gens répugnent à dénoncer les crimes et agressions sexuelles, car ils ont l'impression en le faisant de soulever le couvercle d'un cercueil où quelque chose pourrit depuis très longtemps... Le patriarcat pue la mort. Débarrassons nous-en !!!

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 juin 2017

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