mercredi 1 janvier 2014

192 La vie comme un théâtre

Ah ! L'Amour ! Quel motif de rêve et aussi quel cauchemar bien souvent ! L'humour aide à vivre. J'avais fini par imaginer une plaisanterie à ce sujet : « l'Amour, c'est comme le Communisme, en théorie c'est le Paradis, en pratique c'est l'Enfer ! »

Mais, blague à part, qu'ai-je rencontré effectivement comme exemples dans ce domaine ? Essentiellement, j'ai observé trois types de situations :

Ceux ou celles qui, pensant avoir rencontré l'Amour avec un grand A se mettent « ensemble », décident de « vivre à deux », « fonder un foyer », une « famille », avoir des enfants, devenir « père », et « mère ». Ils sont très nombreux à en rêver... Au début, c'est « toujours bien ». Puis, au bout d'un certain temps qui peut aller de quelques jours à vingt années de vie commune, c'est insupportable. Il y a douloureuse séparation, morale, ou effective, ou morale puis effective. Elle est douloureuse pour l'une, l'autre ou les deux personnes concernées.

Les chiffres sont là, imparables, implacables et connus grâce au mariage « légal » : en région parisienne, un divorce pour deux mariages. Le maire ou le conseiller municipal qui vous déclare « uni par les liens du mariage » a beau jouer au grand sorcier et lire ensuite les articles du Code civil concernant la situation, « les faits sont têtus », comme disait Lénine. Les très fameux liens, la cérémonie, le champagne, les photos souvenirs et le bisou sur la bouche entre les mariés en haut du perron de la mairie n'y peuvent rien. Au bout d'un laps de temps variable, les fameux « liens » font un flop.

Alors, d'autres se croient malins. Pour éviter la souffrance du déchirement de la séparation, on va décider... de ne rien décider. Plus exactement, on ne va pas « s'engager », prétendre « construire quelque chose ». Ce sera juste « pour le plaisir », pour le « meilleur » et pas pour le « pire ». Choix rendu d'autant plus possible en France et dans quantité d'autres pays par l'indépendance matérielle des femmes. On « sort » juste ensemble, c'est-à-dire on baise et c'est tout. Il y en a qui aime. C'est leur choix. Nombre de ceux qui agissent ainsi, arrivé à un certain âge sont désespérément seuls.  

Troisième possibilité que j'ai vu choisie et dont d'autres m'ont parlé, l'ayant vécu : on se rencontre, on se plaît. Alors on décide d'être mari et femme, tout comme, durant huit jours. Par exemple le temps d'un séjour en vacances où on s'est rencontré. Après, d'un commun accord, on se quitte. Et on ne se revoit jamais. Les personnes qui ont pratiqué ce genre de choses en avaient gardé un excellent souvenir. C'est ce qu'elles m'ont dit. Peut-être, je ne le saurais jamais, ce genre de propos correspondait aussi à une proposition coquine pour au moins deux cas que j'ai rencontré.

Alors, devant ce tableau de l'Amour somme toute pas particulièrement satisfaisant le plus souvent, les propositions fusent :

Arrêter tout. Pas très faisable, humain, enthousiasmant, de faire ce choix. Tricher, on peut ne pas en avoir envie. Retourner en arrière, en des temps où l'« Amour » signifiait la soumission étroite de l'un à l'autre. Ou, très précisément de l'une à l'autre, j'ai connu des hommes nostalgiques du temps ou la femme était soumise à son mari.

Certains bâtissent même des théories à ce sujet. Un livre est sorti récemment en Italie, propulsé et soutenu par l’Église catholique. Il a été traduit en espagnol, portugais, polonais et français. Il porte ce titre : « Sois soumise et tais-toi », oh ! pardon ! je me trompe, le titre authentique est très légèrement différent : « Maries-toi et sois soumise ». Officiellement il a été rédigé par une femme. On imagine le tollé s'il avait été signé par le Pape ! Le pape François est un très bon communicant. Il sait y faire. Car son message émane officiellement d'une femme. Ensuite, il ne lui reste plus qu'à l'encourager via ses réseaux, et le tour est joué. En ce sens, le pape actuel est vraiment un pape du XXIème siècle. Il sait se servir des moyens modernes de communications pour faire passer son message du Moyen-Âge : femmes, soyez soumises ! Certains y trouvent leur compte. Personnellement ça ne m'intéresserait absolument pas d'avoir une compagne soumise. Ça me choquerait. Je trouverais ça absolument insupportable. C'est contraire à toutes les valeurs que j'ai adopté dans ma vie. Et à ma manière de vivre ma relation avec les autres.

D'autres ont déjà relayé cette vision de la femme idéalement soumise. Ils prônent, via d'autres traditions religieuses, la lapidation des femmes « adultères »...

Certains Français malins ne défendent pas aujourd'hui la thèse de la soumission des femmes. Ils la mettent paisiblement en pratique, en allant se chercher des épouses exotiques éduquées selon ces antiques principes qui n'ont plus court en France. Car la mise à mort des femmes adultères se pratiquaient aussi jadis chez nous. Je me souviens avoir lu dans le journal de Pierre de l'Estoile qu'une femme « coupable » d'adultère fut pendue à Paris au début du XVIIème siècle. Il y en eu certainement beaucoup d'autres dans les époques passées.

Mais, si on peut ne pas être d'accord. Et je ne le suis pas, avec ces pratiques barbares, quelles solutions trouver pour éviter les pièges de « l'Amour » ? J'en propose une, mais comme toutes les vraies solutions, elle ne dispense pas de faire des efforts et n'apporte pas un résultat positif automatique et immédiat. C'est comme le début d'une piste à suivre. Et à découvrir. Pour aller où ? On verra bien.

La grande faille qui existe dans les pratiques amoureuses est la suivante : aimer, tout le monde y arrive. Mais ensuite il y a le « scénario ». On est dans la réalité. On va commencer à prendre la vie comme un théâtre. Sans le réaliser, on sortira ainsi de la réalité. Et on sera ensuite comme une personne qui ferme les yeux. Se déplace. Et fini forcément par heurter un obstacle.

Il ne FAUT PAS se dire quand on aime quelqu'un : « ça y est, c'est la bonne personne, j'ai trouvé ma princesse, mon prince charmant, la femme ou l'homme de ma vie, mon quartier d'orange, ma moitié... » NON !!! Il ne faut pas se dire non plus : « on va se marier, former un couple, vivre ensemble, avoir des enfants... » NON PLUS. Et si l'entourage applaudit à « ces choix », envoyez-là en pensée à tous les diables. Ce qui ne signifie pas qu'être ensemble, etc. soit un mal. Ce qui est horrible et détestable et conduit obligatoirement à l'échec et à de grandes souffrances et déceptions, c'est se couler dans un scénario. La vie est réelle, ça n'est pas un théâtre.

Et là comme ailleurs, la tentation de suivre un scénario est énorme. Il suffit d'ouvrir un journal pour trouver la vie ainsi théâtralisée. Les chefs d'états, les chefs politiques, les vedettes de cinéma, de la télévision, de la chanson, les milliardaires, sont des gens exactement comme vous et moi qui n'ont strictement rien de plus que nous. Le président des États-Unis Barack Obama et le président de la République française François Hollande sont deux hommes, rien de plus, rien de moins. On en fait autre chose dans le théâtre de la politique. Et des tas de gens croient qu'ils sont autre chose que de banals humains comme vous, moi et l'épicier ou le clochard du coin. Le maréchal Wellington vainqueur de Napoléon 1er était d'accord avec moi. Il disait, je l'ai lu et le cite de mémoire : « je voudrais qu'il y ait en permanence auprès de moi un homme qui me rappelle que je suis seulement un homme ». Et le philosophe Michel de Montaigne, pourtant très royaliste, disait néanmoins : « si haut soit le trône sur lequel on est assis, on n'est jamais assis que sur son cul ».

Cette erreur de croire des humains être plus que des humains, nous la commettons bien souvent aussi avec des êtres proches de nous dans la vie quotidienne. Nous faisons de nos parents des dieux, régnants ou déchus, de notre patron ou notre chef au travail un dieu bienfaisant ou un diable malfaisant, de nos enfants la suite de nous (quelle blague ! et de nous celle de nos parents, de nos parents celle des leurs et ainsi de suite jusqu'à de gros velus tout nus ou vêtus de peaux de mammouths ?). Et nous faisons AUSSI de la charmante personne qui nous ébloui un être de lumière qui va faire notre bonheur. Pauvre être de lumière, regardez bien, c'est juste un être humain. Et c'est parce que c'est juste un être humain qu'il est parvenu à vous toucher vous, juste un autre être humain. Alors, au lieu de jouer aux dieux ou aux adorateurs d'un dieu qui est juste un être humain, évitons de théâtraliser !

Nous avons rencontré quelqu'un de bien ? Alors, écoutons très soigneusement notre sentiment, notre raison, son sentiment, sa raison. Et jetons aux orties tout ce qui ressemble à des scénarios, si merveilleux soient-ils. Ou alors, continuons à être déçus et malheureux. 

La vie, c'est autre chose, à condition de refuser ce théâtre qui n'est pas la vie. Et c'est quelque chose de passionnant et de très bien, la vie.

Dernière remarque : si nos chefs d'états sont juste des humains comme vous et moi et qu'ils disposent d'autant de pouvoirs, n'est-ce pas terrifiant ? Louise Michel disait : « le pouvoir est maudit et il pourrit ce qui l'exerce ». C'est manifestement le cas. Il serait bien de trouver un autre moyen d'organiser le monde. C'est à réfléchir. Et bonne année 2014 !!!

Basile, philosophe naïf, Paris le 1er janvier 2014

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