Les ombres du passé
représentent un des phénomènes les plus étranges et irrationnels
du fonctionnement individuel et sociétal chez les humains. Prenons
un exemple : un homme vit à Paris au XXIème siècle. Il subit
des conditions de vie qui font qu'il a toutes les raisons de se
révolter contre sa condition sociale, familiale, personnelle... Il
ne le fait pas durant des décennies. Soudain il se révolte,
pourquoi ? Parce que sa condition est entrée en écho avec le
souvenir d'une obscure révolte oubliée d'il y a plusieurs siècles.
Souvenir qu'il porte en lui avec des milliers d'autres, sans en avoir
conscience.
Ce sont là les ombres du
passé. C'est ainsi : bons ou mauvais ; ces souvenirs par
moments s'emparent de nous. Ils peuvent être agréables ou tristes.
Ils ne sont pas clairement formulés dans notre conscience. C'est en
quelque sorte le squelette d'événements, d'émotions passés. Et
quand ce phénomène de réveil d'une ombre du passé touche des
dizaines de milliersde personnes à la fois, ça devient un phénomène
de masses.
Inversement, une idée, un projet qui ne trouve pas d'échos avec les ombres du passé n'arrive pas à déboucher sur sa réalisation. Depuis des années je propose certains projets festifs et artistiques simples, appréhendables, qui n'ont jusqu'à présent pas connu beaucoup d'écho : la renaissance de la société festive étudiante universelle de la Corda Fratres, celle des goguettes, petites sociétés chantantes ou bien encore la renaissance de la merveilleuse musique festive de danses de Paris au XIXème siècle, que j'ai proposé d'appeler « musique musardienne ».
Même facile à réaliser,
ces projets ne sont pratiquement pas suivi. Ils n'ont pas trouvés
d'échos avec les ombres du passé. Ce qui arrivera peut-être un
jour.
Les ombres du passé se manifestent aussi au plan individuel. Depuis la nuit des temps
des humains ont individuellement maltraité d'autres humains. Le
souvenir de ces méfaits est présent dans les ombres du passé et
explique la fascination que les mauvaises conduites exercent souvent.
Nos journaux en sont garnis. C'est qu'il y a une demande !
Un jour un ami de longue
date brusquement se conduisait sans raisons très mal à mon égard.
J'ai réussi à comprendre pourquoi : il vit dans les ombres du
passé. Se passionne pour des époques historiques tragiques passées.
Il a fini par m'y englober. En prendre conscience m'a permis d'éviter
de me brouiller avec cet ami. Son comportement relève plus de la
psychologie que de la relation avec la réalité.
La présence des ombres
du passé explique la séduction des traditions ou des objets
anciens. Mais si les ombres du passé expliquent bien des choses,
peut-on s'en émanciper ? Plus ou moins en faisant de la poésie.
Cette émancipation est utile pour vivre sereinement et apprécier la
vie à sa juste valeur, qui est très grande.
Le phénomène des ombres
du passé explique que des personnes intelligentes et raisonnables en
bien des domaines, vont se passionner pour des questions qui ne les
concernent pas et feront preuve d'une grande naïveté. Inversement,
on a vu il y a des années un illustre homme politique français à
qui on proposait de se faire élire président de la République
décliner la proposition. Il avait toutes les chances d'être élu.
Mais il a préféré choisir une autre voie. Il n'était pas ici
prisonnier des ombres du passé. Ou, au contraire, celles-ci lui
interdisait l'ambition électorale suprême. Toujours est-il qu'il a
agit ainsi à l'inverse de bien d'autres qui se seraient fait élire
président. Nous n'avons pas, loin de là, fini d'avoir affaire avec
les ombres du passé.
Basile philosophe naïf,
Paris le 30 décembre 2018
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