dimanche 30 décembre 2018

1129 Les ombres du passé

Les ombres du passé représentent un des phénomènes les plus étranges et irrationnels du fonctionnement individuel et sociétal chez les humains. Prenons un exemple : un homme vit à Paris au XXIème siècle. Il subit des conditions de vie qui font qu'il a toutes les raisons de se révolter contre sa condition sociale, familiale, personnelle... Il ne le fait pas durant des décennies. Soudain il se révolte, pourquoi ? Parce que sa condition est entrée en écho avec le souvenir d'une obscure révolte oubliée d'il y a plusieurs siècles. Souvenir qu'il porte en lui avec des milliers d'autres, sans en avoir conscience.

Ce sont là les ombres du passé. C'est ainsi : bons ou mauvais ; ces souvenirs par moments s'emparent de nous. Ils peuvent être agréables ou tristes. Ils ne sont pas clairement formulés dans notre conscience. C'est en quelque sorte le squelette d'événements, d'émotions passés. Et quand ce phénomène de réveil d'une ombre du passé touche des dizaines de milliersde personnes à la fois, ça devient un phénomène de masses.

Inversement, une idée, un projet qui ne trouve pas d'échos avec les ombres du passé n'arrive pas à déboucher sur sa réalisation. Depuis des années je propose certains projets festifs et artistiques simples, appréhendables, qui n'ont jusqu'à présent pas connu beaucoup d'écho : la renaissance de la société festive étudiante universelle de la Corda Fratres, celle des goguettes, petites sociétés chantantes ou bien encore la renaissance de la merveilleuse musique festive de danses de Paris au XIXème siècle, que j'ai proposé d'appeler « musique musardienne ».

Même facile à réaliser, ces projets ne sont pratiquement pas suivi. Ils n'ont pas trouvés d'échos avec les ombres du passé. Ce qui arrivera peut-être un jour. 

Les ombres du passé se manifestent aussi au plan individuel. Depuis la nuit des temps des humains ont individuellement maltraité d'autres humains. Le souvenir de ces méfaits est présent dans les ombres du passé et explique la fascination que les mauvaises conduites exercent souvent. Nos journaux en sont garnis. C'est qu'il y a une demande !

Un jour un ami de longue date brusquement se conduisait sans raisons très mal à mon égard. J'ai réussi à comprendre pourquoi : il vit dans les ombres du passé. Se passionne pour des époques historiques tragiques passées. Il a fini par m'y englober. En prendre conscience m'a permis d'éviter de me brouiller avec cet ami. Son comportement relève plus de la psychologie que de la relation avec la réalité.

La présence des ombres du passé explique la séduction des traditions ou des objets anciens. Mais si les ombres du passé expliquent bien des choses, peut-on s'en émanciper ? Plus ou moins en faisant de la poésie. Cette émancipation est utile pour vivre sereinement et apprécier la vie à sa juste valeur, qui est très grande.

Le phénomène des ombres du passé explique que des personnes intelligentes et raisonnables en bien des domaines, vont se passionner pour des questions qui ne les concernent pas et feront preuve d'une grande naïveté. Inversement, on a vu il y a des années un illustre homme politique français à qui on proposait de se faire élire président de la République décliner la proposition. Il avait toutes les chances d'être élu. Mais il a préféré choisir une autre voie. Il n'était pas ici prisonnier des ombres du passé. Ou, au contraire, celles-ci lui interdisait l'ambition électorale suprême. Toujours est-il qu'il a agit ainsi à l'inverse de bien d'autres qui se seraient fait élire président. Nous n'avons pas, loin de là, fini d'avoir affaire avec les ombres du passé.

Basile philosophe naïf, Paris le 30 décembre 2018

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