mercredi 11 juillet 2018

1029 Qu'est-ce que le patriarcat ?

Le patriarcat c'est la guerre. Car il est une source de conflit permanent entre tous les humains, avec de multiples lignes d'oppositions telles que : les sexes, les comportements sexuels, l'absence d'intérêt pour le sexe et l'intérêt pour lui, les générations, les cultures, les préférences esthétiques, les classes sociales, les classes d'âges, les beaux et les moches, les gros et les maigres, les biens portants et les malades, les valides et les invalides, les aveugles et les voyants, les faibles et les forts, les « traditionalistes » et les « novateurs », les nostalgiques du « passé » et les « modernistes », les amoureux, les insensibles et les sensibles, les doux et les violents, les introvertis et les extrovertis, les bêtes et les intelligents, les riches et les pauvres, les propriétaires et les locataires, les « sans domiciles fixes » et ceux qui ont un toit, les émigrés et les non émigrés, les blancs et les colorés, les coquets et les modestes, les discrets et les indiscrets, les talentueux et les « nuls », les timides et les orgueilleux, les soumis et les soumettant, les exclus et les excluseurs, les tolérants et les intolérants, les croyants et les incroyants, les superstitieux et les rationalistes, les vieux et les jeunes, les faibles et les forts, les craintifs et les courageux... bref, entre tous contre tous. Pour exister, le patriarcat ordonne aux humains de chercher le conflit avec d'autres humains. Le conflit est omniprésent et permanent chez les humains. En voici un exemple parmi d'autres. L'autre jour, un poète talentueux écrivant en alexandrins s'est mis subitement à vomir sa haine des partisans du « vers libre ». C'était à l'entendre des faux poètes. J'étais là à l'écouter. Mais en quoi les amateurs de poésies en vers libres le dérangeaient ? Parce qu'il avait besoin d'être en conflit. Pourquoi ? Parce que le patriarcat rendant la vie violente, incompréhensible, insatisfaisante et insipide, les hommes se débattent en cherchant à l'extérieur d'eux des ennemis. Alors que l'ennemi est à l'intérieur d'eux et que c'est lui qu'il faut chasser de soi pour être mieux et même pourquoi pas ? Être bien. Le patriarcat est infiltré partout, il faut l'identifier pour en débarrasser l'intérieur de soi-même.

Le patriarcat a théâtralisé la sexualité. Au lieu d'écouter son désir, l'être humain suit le petit théâtre vénéneux du patriarcat. Qui a fait de la « nudité » le costume de scène de la sexualité théâtralisée, du lit son décor, de l'érection le signe de sa présence, de l'éjaculation son triomphe, etc. Quand on quitte tous ces faux semblants, on a l'impression de renoncer à quelque chose et se retrouver nul part. En fait on n'abandonne que des illusions et on se retrouve dans la réalité. Alors on se dit qu'on est bien seul, mais est-ce bien vrai ?

Une nouvelle de l'écrivain polonais Stanislas Lem raconte ceci : sur une planète se trouve un monde peuplé de méchants robots qui détestent les humains et les appellent « les visqueux ». Pour échapper aux robots persécuteurs, les humains vivant sur cette planète se déguisent en robots. Un beau jour les robots sont tous convoqués sur la grande place devant le palais présidentiel. Et le chef des robots s'adressant à eux leur ordonne de se dévisser la tête. Les humains déguisés en robots tremblent devant cette perspective. Mais se résignent à obéir faute de pouvoir faire autrement. Et c'est là qu'ils découvrent qu'en fait il n'y a sur la place que des humains déguisés en robots !

La philosophie de cette nouvelle est à souligner. Quand on critique radicalement le patriarcat et qu'on le fait avec une autre personne d’accord avec cette critique, le commentaire classique et désabusé qu'on entend alors fréquemment est : « oui, bien sûr, nous avons ces idées, mais nous sommes seuls. » Si on se reporte aux visqueux de la planète des méchants robots, on peut alors déclarer en retour : « sommes-nous si seuls que ça ? Ne serait-il pas temps de quitter nos déguisements ? » Bien sûr, il y a des individus violents et patriarcaux dont il faut se méfier. Mais n'y aurait-il pas aussi finalement un très grand nombre d'hommes doux et pacifiques et de femmes qui ne sont pas « masculinisées » et résignées à jouer le rôle que leur assigne les règles dominantes du patriarcat ? Le monde est possiblement bien plus doux et humain. À nous de savoir le trouver et oser vivre dans celui-ci plutôt que dans le vide absurde, caricatural, et insatisfaisant du patriarcat.

Basile philosophe naïf, Paris le 11 juillet 2018

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