Le patriarcat c'est la
guerre. Car il est une source de conflit permanent entre tous les
humains, avec de multiples lignes d'oppositions telles que : les
sexes, les comportements sexuels, l'absence d'intérêt pour le sexe
et l'intérêt pour lui, les générations, les cultures, les
préférences esthétiques, les classes sociales, les classes d'âges,
les beaux et les moches, les gros et les maigres, les biens portants
et les malades, les valides et les invalides, les aveugles et les
voyants, les faibles et les forts, les « traditionalistes »
et les « novateurs », les nostalgiques du « passé »
et les « modernistes », les amoureux, les insensibles et
les sensibles, les doux et les violents, les introvertis et les
extrovertis, les bêtes et les intelligents, les riches et les
pauvres, les propriétaires et les locataires, les « sans
domiciles fixes » et ceux qui ont un toit, les émigrés et les
non émigrés, les blancs et les colorés, les coquets et les
modestes, les discrets et les indiscrets, les talentueux et les
« nuls », les timides et les orgueilleux, les soumis et
les soumettant, les exclus et les excluseurs, les tolérants et les
intolérants, les croyants et les incroyants, les superstitieux et
les rationalistes, les vieux et les jeunes, les faibles et les forts,
les craintifs et les courageux... bref, entre tous contre tous. Pour
exister, le patriarcat ordonne aux humains de chercher le conflit
avec d'autres humains. Le conflit est omniprésent et permanent chez
les humains. En voici un exemple parmi d'autres. L'autre jour, un
poète talentueux écrivant en alexandrins s'est mis subitement à
vomir sa haine des partisans du « vers libre ». C'était
à l'entendre des faux poètes. J'étais là à l'écouter. Mais en
quoi les amateurs de poésies en vers libres le dérangeaient ?
Parce qu'il avait besoin d'être en conflit. Pourquoi ? Parce
que le patriarcat rendant la vie violente, incompréhensible,
insatisfaisante et insipide, les hommes se débattent en cherchant à
l'extérieur d'eux des ennemis. Alors que l'ennemi est à l'intérieur
d'eux et que c'est lui qu'il faut chasser de soi pour être mieux et
même pourquoi pas ? Être bien. Le patriarcat est infiltré
partout, il faut l'identifier pour en débarrasser l'intérieur de
soi-même.
Le patriarcat a
théâtralisé la sexualité. Au lieu d'écouter son désir, l'être
humain suit le petit théâtre vénéneux du patriarcat. Qui a fait
de la « nudité » le costume de scène de la sexualité
théâtralisée, du lit son décor, de l'érection le signe de sa
présence, de l'éjaculation son triomphe, etc. Quand on quitte tous
ces faux semblants, on a l'impression de renoncer à quelque chose et
se retrouver nul part. En fait on n'abandonne que des illusions et on
se retrouve dans la réalité. Alors on se dit qu'on est bien seul,
mais est-ce bien vrai ?
Une nouvelle de
l'écrivain polonais Stanislas Lem raconte ceci : sur une
planète se trouve un monde peuplé de méchants robots qui détestent
les humains et les appellent « les visqueux ». Pour
échapper aux robots persécuteurs, les humains vivant sur cette
planète se déguisent en robots. Un beau jour les robots sont tous
convoqués sur la grande place devant le palais présidentiel. Et le
chef des robots s'adressant à eux leur ordonne de se dévisser la
tête. Les humains déguisés en robots tremblent devant cette
perspective. Mais se résignent à obéir faute de pouvoir faire
autrement. Et c'est là qu'ils découvrent qu'en fait il n'y a sur la
place que des humains déguisés en robots !
La philosophie de cette
nouvelle est à souligner. Quand on critique radicalement le
patriarcat et qu'on le fait avec une autre personne d’accord avec
cette critique, le commentaire classique et désabusé qu'on entend
alors fréquemment est : « oui, bien sûr, nous avons ces
idées, mais nous sommes seuls. » Si on se reporte aux visqueux
de la planète des méchants robots, on peut alors déclarer en
retour : « sommes-nous si seuls que ça ? Ne
serait-il pas temps de quitter nos déguisements ? » Bien
sûr, il y a des individus violents et patriarcaux dont il faut se
méfier. Mais n'y aurait-il pas aussi finalement un très grand
nombre d'hommes doux et pacifiques et de femmes qui ne sont pas
« masculinisées » et résignées à jouer le rôle que
leur assigne les règles dominantes du patriarcat ? Le monde est
possiblement bien plus doux et humain. À
nous de savoir le trouver et oser vivre dans celui-ci plutôt que
dans le vide absurde, caricatural, et insatisfaisant du patriarcat.
Basile
philosophe naïf, Paris le 11 juillet 2018
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