lundi 9 juillet 2018

1028 Les remparts d'Avallon

Il y a des années, je me promenais avec celle qui était alors ma copine dans le jardin qui monte au pied du Sacré-Cœur à Paris. Je lui ai dit : « tu sais, dans quelques années, quand tous ceux qui rêvent de par le monde de visiter Paris auront les moyens de le faire et viendront, ce sera un problème car ils seront trop nombreux. » Comme je parlais un peu fort, une quadragénaire qui marchait quelques pas devant nous a tout entendu, et s'est retournée pour m'insulter, me traitant de fasciste.

Le problème de l’exiguïté des sites à visiter en regard du nombre de leurs visiteurs a déjà commencé à se poser. En 1999 je visitais la chapelle Sixtine à Rome. Les touristes dont j'étais n'avaient la possibilité d'y accéder que par groupes de plusieurs dizaines accompagnés. Notre « guide » se chargeait en fait de nous virer au plus vite pour laisser la place au groupe suivant. Un article de journal récent traite de la saturation des sites touristiques cite Venise et le château de Versailles. Et précise que 95 % des touristes visitent 5 % des sites visitables. Cette situation va s'aggraver. Et quelles solutions lui trouvera-t-on ?

On peut supposer qu'on commencera par faire payer beaucoup plus cher l'accès aux sites les plus demandés. Seuls les riches pourront visiter les lieux les plus fameux. On finira par les ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ensuite les sites de deuxième importance capteront une partie des touristes refoulés des sites de première importance par le prix et la cohue. Par exemple, les remparts d'Avallon, en Bourgogne, qui sont très agréables à parcourir et peu fréquentés vont gagner en notoriété.

Viendra l'étape suivante : la copie. On copiera par exemple le château de Versailles en Chine, Afrique, Amérique du Sud. On créera même des parcs de copies de sites et monuments. On reconstituera également des monuments disparus, comme le château des Tuileries ou la citadelle de Bam.

Puis, avec les progrès de l'image virtuelle, on pourra chez soi visiter tous les grands monuments du monde. Enfin viendra la dernière étape. Le progrès culturel et créatif amènera à remettre en question la fringale touristique. Appréciant pleinement leur vie quotidienne, la plupart des gens cesseront de courir le monde pour le visiter. Et les grands lieux touristiques, comme jadis, seront à nouveaux déserts. Seuls quelques originaux s'obstineront à les visiter.

Et alors, dans 132 ans, soit en 2150, un lecteur curieux lira ces lignes et se dira, amusé : « tiens ! Ce Basile avait donc prévu ce moment où nous sommes arrivés ! »

Mais cet état d'incuriosité, par sa simple réflexion, on peut si on veut d’ores et déjà l'atteindre aujourd'hui.

Basile philosophe naïf, Paris le 9 juillet 2018

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