Il y a des années, je me
promenais avec celle qui était alors ma copine dans le jardin qui
monte au pied du Sacré-Cœur à Paris. Je lui ai dit : « tu
sais, dans quelques années, quand tous ceux qui rêvent de par le
monde de visiter Paris auront les moyens de le faire et viendront, ce
sera un problème car ils seront trop nombreux. » Comme je
parlais un peu fort, une quadragénaire qui marchait quelques pas
devant nous a tout entendu, et s'est retournée pour m'insulter, me
traitant de fasciste.
Le problème de
l’exiguïté des sites à visiter en regard du nombre de leurs
visiteurs a déjà commencé à se poser. En 1999 je visitais la
chapelle Sixtine à Rome. Les touristes dont j'étais n'avaient la
possibilité d'y accéder que par groupes de plusieurs dizaines
accompagnés. Notre « guide » se chargeait en fait de
nous virer au plus vite pour laisser la place au groupe suivant. Un
article de journal récent traite de la saturation des sites
touristiques cite Venise et le château de Versailles. Et précise
que 95 % des touristes visitent 5 % des sites visitables. Cette
situation va s'aggraver. Et quelles solutions lui trouvera-t-on ?
On peut supposer qu'on
commencera par faire payer beaucoup plus cher l'accès aux sites les
plus demandés. Seuls les riches pourront visiter les lieux les plus
fameux. On finira par les ouvrir vingt-quatre heures sur
vingt-quatre. Ensuite les sites de deuxième importance capteront une
partie des touristes refoulés des sites de première importance par
le prix et la cohue. Par exemple, les remparts d'Avallon, en
Bourgogne, qui sont très agréables à parcourir et peu fréquentés
vont gagner en notoriété.
Viendra l'étape
suivante : la copie. On copiera par exemple le château de
Versailles en Chine, Afrique, Amérique du Sud. On créera même des
parcs de copies de sites et monuments. On reconstituera également
des monuments disparus, comme le château des Tuileries ou la
citadelle de Bam.
Puis, avec les progrès
de l'image virtuelle, on pourra chez soi visiter tous les grands
monuments du monde. Enfin viendra la dernière étape. Le progrès
culturel et créatif amènera à remettre en question la fringale
touristique. Appréciant pleinement leur vie quotidienne, la plupart
des gens cesseront de courir le monde pour le visiter. Et les grands
lieux touristiques, comme jadis, seront à nouveaux déserts. Seuls
quelques originaux s'obstineront à les visiter.
Et alors, dans 132 ans,
soit en 2150, un lecteur curieux lira ces lignes et se dira, amusé :
« tiens ! Ce Basile avait donc prévu ce moment où nous
sommes arrivés ! »
Mais cet état d'incuriosité, par sa simple réflexion, on peut si on veut d’ores et déjà l'atteindre aujourd'hui.
Mais cet état d'incuriosité, par sa simple réflexion, on peut si on veut d’ores et déjà l'atteindre aujourd'hui.
Basile philosophe naïf,
Paris le 9 juillet 2018
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