« Et avant ton
mariage, tu as été au bordel ? »
« Non. »
« Ah ! Tu as
manqué quelque chose. »
Cette brève conversation
s'est déroulée en Allemagne, dans un camp de prisonniers de guerre
au tout début des années 1940. Le premier à parler était un
chirurgien toulousain, le second était mon futur père. En ces
temps-là la maison de tolérance était une institution fondamentale
et incontournable de la très patriarcale société française. Elle
n'a pas disparu.
Durant des siècles, la
société française officiellement monogame a été monoandre et
polygame. C'est-à-dire que la femme « honnête » et
mariée avait droit à un seul partenaire sexuel officiel et
obligatoire via « le devoir conjugal ». L'homme avait
droit en plus de sa femme a fréquenter le bordel, qui n'est rien
d'autre qu'un harem à usage collectif.
C'est là également que
se faisait l'« éducation sexuelle » des mâles. Le père
amenait au bordel son fils adolescent pour le faire déniaiser par
une péripatéticienne. Ceux qui prétendent que la société
française était monogame sont des menteurs.
Qu'en est-il
aujourd'hui ? Le rôle « éducatif » du bordel a
laissé une large place à la pornographie déversée sur la toile et
aux articles des sexologues auto-proclamés. La société est
toujours patriarcale. Quelle est l'origine de ce fléau ? Elle
est très ancienne.
Il y a plus de dix mille
ans était inventé l'agriculture et l'élevage. Les humains donc
savaient au moins à partir de ce moment que l'acte sexuel amenait la
grossesse et la parturition. Mais s'ils connaissaient une partie du
fonctionnement de la reproduction, les humains ignoraient tout de
l'ovulation. Le rôle actif de la femme dans la reproduction n'a été
révélé par la science qu'à partir du dix-neuvième siècle.
Durant tout un tas d'années les hommes se sont cru les semeurs
actifs de la semence humaine dans le ventre passif des femmes. Cette
manière erronée de voir la reproduction est à l'origine du
patriarcat.
Se croyant les seuls
facteurs actifs de la reproduction, les hommes se sont cru
dominateurs, supérieurs, possesseurs des femmes. Et ont fait une
invraisemblable fixation sur l'acte sexuel. Cette obsession du coït
vient gravement perturber toutes les relations humaines.
Un propos ancien qu'on
peut entendre à l'occasion à propos de l'acte sexuel est :
« l'homme propose, la femme dispose ». La réalité
serait plutôt : « l'homme harcèle et emmerde la femme,
qui passe son temps à fuir, esquiver ou se résigner à se conformer
aux ennuyeuses obsessions sexuelles masculines. » Ce qui ne
signifie pas que les femmes n'ont pas de vie sexuelle. Mais elles ont
des millions de désirs autres que la stupidité masculine ignore. En
premier chef, la tendresse, que l'homme ignore très souvent, obsédé
qu'il est d'aller au plus vite se branler dans le ventre de la femme.
Et non pas, comme il le croit « faire l'amour ».
Le sexe patriarcal est
insatisfaisant et conduit à l'échec sentimental. Mais le sexe
patriarcal est présentement le sexe régnant dans notre société.
Il subordonne tous les gestes affectueux entre adultes à la recherche empressée
de l'acte sexuel. Cette recherche porte un nom : « le plan
cul ». Il faut lui substituer un sexe respectueux des désirs
réels et des partenaires impliqués. Et ne conduisant pas du tout
forcément à un sempiternel acte sexuel sans qualité. Il faut
développer des « plans tendresse », qui satisferont au mieux possible la
réalité des désirs et de la sensibilité de chacun.
Basile philosophe naïf,
Paris le 7 juillet 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire