samedi 7 juillet 2018

1026 « Plan cul » ou « plan tendresse »

« Et avant ton mariage, tu as été au bordel ? »
« Non. »
« Ah ! Tu as manqué quelque chose. »

Cette brève conversation s'est déroulée en Allemagne, dans un camp de prisonniers de guerre au tout début des années 1940. Le premier à parler était un chirurgien toulousain, le second était mon futur père. En ces temps-là la maison de tolérance était une institution fondamentale et incontournable de la très patriarcale société française. Elle n'a pas disparu.

Durant des siècles, la société française officiellement monogame a été monoandre et polygame. C'est-à-dire que la femme « honnête » et mariée avait droit à un seul partenaire sexuel officiel et obligatoire via « le devoir conjugal ». L'homme avait droit en plus de sa femme a fréquenter le bordel, qui n'est rien d'autre qu'un harem à usage collectif.

C'est là également que se faisait l'« éducation sexuelle » des mâles. Le père amenait au bordel son fils adolescent pour le faire déniaiser par une péripatéticienne. Ceux qui prétendent que la société française était monogame sont des menteurs.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Le rôle « éducatif » du bordel a laissé une large place à la pornographie déversée sur la toile et aux articles des sexologues auto-proclamés. La société est toujours patriarcale. Quelle est l'origine de ce fléau ? Elle est très ancienne.

Il y a plus de dix mille ans était inventé l'agriculture et l'élevage. Les humains donc savaient au moins à partir de ce moment que l'acte sexuel amenait la grossesse et la parturition. Mais s'ils connaissaient une partie du fonctionnement de la reproduction, les humains ignoraient tout de l'ovulation. Le rôle actif de la femme dans la reproduction n'a été révélé par la science qu'à partir du dix-neuvième siècle. Durant tout un tas d'années les hommes se sont cru les semeurs actifs de la semence humaine dans le ventre passif des femmes. Cette manière erronée de voir la reproduction est à l'origine du patriarcat.

Se croyant les seuls facteurs actifs de la reproduction, les hommes se sont cru dominateurs, supérieurs, possesseurs des femmes. Et ont fait une invraisemblable fixation sur l'acte sexuel. Cette obsession du coït vient gravement perturber toutes les relations humaines.

Un propos ancien qu'on peut entendre à l'occasion à propos de l'acte sexuel est : « l'homme propose, la femme dispose ». La réalité serait plutôt : « l'homme harcèle et emmerde la femme, qui passe son temps à fuir, esquiver ou se résigner à se conformer aux ennuyeuses obsessions sexuelles masculines. » Ce qui ne signifie pas que les femmes n'ont pas de vie sexuelle. Mais elles ont des millions de désirs autres que la stupidité masculine ignore. En premier chef, la tendresse, que l'homme ignore très souvent, obsédé qu'il est d'aller au plus vite se branler dans le ventre de la femme. Et non pas, comme il le croit « faire l'amour ».

Le sexe patriarcal est insatisfaisant et conduit à l'échec sentimental. Mais le sexe patriarcal est présentement le sexe régnant dans notre société. Il subordonne tous les gestes affectueux entre adultes à la recherche empressée de l'acte sexuel. Cette recherche porte un nom : « le plan cul ». Il faut lui substituer un sexe respectueux des désirs réels et des partenaires impliqués. Et ne conduisant pas du tout forcément à un sempiternel acte sexuel sans qualité. Il faut développer des « plans tendresse », qui satisferont au mieux possible la réalité des désirs et de la sensibilité de chacun.

Basile philosophe naïf, Paris le 7 juillet 2018

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