vendredi 2 décembre 2016

697 Libérer le champ amoureux

Dans l'expression de son amour pour l'autre, chaque humain occupe plus ou moins un espace autour de lui : le champ amoureux. À nos débuts nous occupons ce champ tout entier, dans le ventre de notre mère, puis juste après notre naissance. Avec le temps, les règles imposées par la société, les idées dominantes et envahissantes, notre champ amoureux se réduit de plus en plus. Parfois nous finissons par ne plus en occuper qu'une portion congrue. Par exemple si âgé nous ne sortons plus de chez nous et évitons pratiquement totalement les contacts avec les autres. J'ai vu ainsi faire des personnes âgées à Paris dans les années 1970 qui évitaient même d'ouvrir leur porte si on sonnait.

Occuper le champ amoureux signifie aussi accepter l'autre. Et l'accepter c'est lui accorder son espace, son droit à la différence, à l'originalité, au mystère. Par définition l'autre reste et restera toujours et de manière enrichissante et heureuse en partie étranger à nous. De plus, un homme ne peut par définition tout connaître d'une femme et réciproquement. La rencontre n'est jamais fusionnelle. L'amour fusionnel est une illusion.

La différence entre les humains est fondamentale et indissociable de l'amour. Pour aimer il faut au minimum être deux et accepter cette différence. Deux ne font et ne feront jamais un, quoiqu'en disent les poètes inspirés ou les démagogues. Et aussi jamais un humain ne peut prétendre « appartenir » à un autre humain ou le « posséder ».

Les petits enfants vivent la différence de l'autre, quand ils l'aiment, sur un mode léger et joyeux. Les adultes, échaudés par de mauvaises expériences et abreuvés d'idées inquiétantes vivent la différence de l'autre avec crainte. Ils rêvent de tout comprendre et contrôler, dominer, vaines prétentions !

L'amour est une science que la plupart des hommes ignorent. Déjà si les hommes faisaient aux femmes ce qu'elles attendent d'eux et non pas ce qu'ils ont envie de leur faire, ça changerait beaucoup de choses. Ça rouvrirait pleinement le champ amoureux. Si la femme qu'il rencontre est vraiment femme, l'homme peut la prendre pour guide. Elle connaît mieux les chemins du cœur que lui. Mais combien d'hommes savent et osent le faire, plutôt qu'exiger l'impossible et se lamenter de ne pas l'obtenir ?

La plupart des hommes, au lieu de chercher à aimer l'autre cherche à se masturber dedans, au sens figuré comme au sens propre. Ce qui interdit à la relation d'amour de naître et s'épanouir. Ce comportement explique aussi l'origine de la violence homophobe de la part d'hommes. Ils rencontrent chez les gays à leur égard l'attitude qu'ils ont vis-à-vis des femmes. Et ils la trouvent insupportable, sans remettre en question leur manière d'agir identique avec les femmes. Plus les hommes hétérosexuels sont violents avec les femmes, plus ils sont violents avec les gays. L'homophobie est un parent proche du machisme.

Il faut oser s'ouvrir à notre champ amoureux et oublier nos idées fausses et nos expériences décourageantes. C'est possible, car la vie est comme un jardin qui attend d'être semé pour se charger de fleurs. Mais il faut pour cela patience, délicatesse, bienveillance, insouciance et générosité. Et surtout cesser de croire que nous savons ce que nous ignorons. Si nos échecs sont nombreux, c'est que notre ignorance est grande. Il nous faut apprendre. Et ce que nous avons à apprendre n'est pas écrit dans les livres de papier, mais dans le livre de la vie.

Pas plus qu'on ne saurait décrire la couleur rouge ou le goût du sucre on ne saurait décrire l'amour. Et il ne faut surtout pas écouter les pessimistes. Ce sont des ignorants qui veulent que nous partagions leur ignorance. Ignorons-les. Et libres d'eux laissons la vie et l'amour nous émerveiller.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 décembre 2016

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