jeudi 22 octobre 2015

434 Comment devient-on voleur, violeur, suicidaire ?

« Si tu ne veux pas te brouiller avec tes amis, ne leur prête jamais d'argent », disait à sa fille le père d'une amie. Et, effectivement, que de brouilles causées par des prêts d'argent non rendus ? Quand on observe bien des gens, dès qu'on aborde avec eux un sujet : l'argent, ou un autre : « le sexe », on a souvent l'impression qu'on n'a plus affaire aux mêmes personnes.

Ainsi, par exemple, voilà qu'on a en face de soi quelqu'un de doux, gentil, généreux. Dès qu'on entre dans un de ces deux domaines, l'argent ou « le sexe », on a subitement face à soi une brute obtuse. Comment expliquer ce phénomène désagréable et surprenant ?

En Angleterre on prétend prévenir les viols par des stages sur « le consentement ». Comme si les agressions sexuelles relèveraient simplement d'un manque de perception de l'inexistence du désir chez sa victime. Mais, la cause des agressions est toute autre. Elle se trouve dans la terreur intérieure fruit de la sortie de l'enfance prolongée. Pour fuir cette terreur on cherchera désespérément un refuge. Ici dans la sexualité. Ailleurs dans la possession d'argent, l'essentiel restant la possession destinée à vous rassurer. Soit celle d'une femme, ou d'un homme, soit celle d'un tas d'or. La peur sera le stimulant qui poussera vers la violence. Qu'elle soit celle de l'agresseur sexuel ou de l'agresseur social, financier. On sera prêt à tout pour chercher à se rassurer. Y compris en adoptant un comportement violent et odieux.

Il n'est pas étonnant dans ce cas que les agresseurs voient souvent leurs voisins en tracer un portrait doux et pacifique. C'est quand la terreur surgit au bout du chemin que l'être doux et pacifique se transforme en bête féroce. Sa férocité est le reflet de sa terreur intérieure qui l'affole et le rend fou d'agressivité. Il est comme une bête traquée par un chasseur intérieur. Il cherche une issue qui n'existe pas, pour se sauver d'un péril imaginaire. Une des fuites les plus irrationnelles qui soit consiste à se créer, s'imaginer une identité, une famille. Soit on y appartient et elle vous rassure. Soit ce qui vous rassure c'est de ne pas appartenir à ladite identité qui est « maudite ». Soit sa motivation est justement de la combattre, la pourchasser. L'absurdité de ce remède imaginaire fera qu'on pourra préférer mourir que mettre en doute cette appartenance. On parlera alors de « fanatisme » ou de « fidélité à un idéal », selon qu'on est hostile ou sympathise avec les tenants de cette identité.

Quand j'étais petit, je me rassurais en me disant appartenir à une famille originale d'artistes et donc forcément merveilleuse. Bien plus tard, j'entrais à l'école des Beaux-Arts. Et alors, comme ça me rassurait de répondre à ceux qui me questionnaient : « je suis étudiant des Beaux-Arts ». C'était là mon identité. Vers la trentaine j'écrivais des poèmes, les photocopiais et faisais lire autour de moi. Alors, je me rassurais intérieurement en me disant : « je suis poète ». Pitoyables consolations destinées à chaque fois à se trouver une « famille » pour échapper à la panique devant la terreur intérieure ! Plus dangereux : je me fabriquais l'identité du « chercheur d'amour ». Ma motivation de vie devenait la recherche de ma « moitié d'orange ». C'est ainsi qu'on passe le temps dans la quête d'une personne qui n'existe pas. Quête qui vous empêche d'apprécier la vie. Et quand on croit trouver « l'autre », on veut tellement y croire qu'on se refuse à considérer la réalité. Enfin, on se retrouve manipulé et roulé par « l'autre » qui en profite. Cette dernière fini par vous jeter quand vous ne l'amusez plus. Et alors, jouet cassé, la tentation du suicide paraît la solution réparatrice. La terreur intérieure est vraiment une cause de désordres interminables et souffrances infinies. Mais comment parvenir à échapper à une peur partagée aussi par votre entourage ? A présent que j'en suis largement sorti, je vois d'autres qui s'agitent, se ruinant le moral à courir derrière des identités fausses et des moitiés d'orange imaginaires. Et la conscience claire au milieu des égarés n'est pas toujours facile à assumer, car elle tend aussi à vous isoler. Mais quel confort que de cesser de courir après des chimères et des costumes fabuleux et imaginaires, des identités de pacotilles !

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 octobre 2015

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