mercredi 10 juin 2015

389 Essai sur la solitude intérieure

Anne Franck écrivit un jour en marge d'une photographie : « Je crois à la bonté foncière de l'être humain ». Je cite de mémoire. Son destin tragique pourrait nous enseigner le contraire. Mais, je pense qu'elle avait raison. L'homme est foncièrement bon à de rares exceptions près. Cependant il lui arrive hélas d'être circonstanciellement méchant. Mais, qu'est-ce qui rend circonstanciellement méchants les humains, pas tous heureusement ? C'est probablement le sentiment de solitude intérieure. Confinant au désespoir, il amène les humains à faire n'importe quoi pour attirer l'attention des autres sur eux. Dire « regardez-moi j'existe ! » de n'importe quelle façon. Parfois en étant trop bons et aussi, malheureusement, en étant méchants.

Je pense à l'exemple actuel de la Grèce. Suite aux politiques d'austérité des mémorandums, la mortalité infantile y a augmenté de 40 % depuis 2010. Il y a eu 4000 suicides. Aujourd'hui 44,8 % des retraités disposent de moins de 300 euros par mois pour survivre. 300 000 foyers se sont vus couper l'alimentation en électricité faute d'avoir pu régler leurs factures. 500 000 enfants vivent officiellement sous le seuil de la pauvreté. 27 % de la population, dont 60 % des jeunes hommes et 72 % des jeunes filles sont au chômage. Et ce drame ne ferait que s'amplifier avec les exigences de la troïka et de quelques de ses amis, comme Merkel, Hollande, etc. Ils veulent toujours plus martyriser la Grèce. Et pour justifier leurs méfaits ils font des discours. Les hommes de la troïka et leurs copains veulent, par exemple, réduire plus encore le montant des retraites grecques. Alors qu'avec la misère régnante, chaque retraité nourrit mal, mais nourrit quand même trois ou quatre personnes. Vouloir réduire les retraites, c'est de la méchanceté. Pourquoi cette méchanceté et quelles en sont les causes ? C'est le résultat du sentiment très répandu de la solitude intérieure.

Beaucoup d'entre nous ont eu l'occasion d'éprouver ce sentiment. Par exemple, quand nous sommes « amoureux » et nous voulons absolument nous attirer la bienveillance et l'attention de l'objet de notre « amour ». Il est classique alors d'arriver à faire n'importe quoi. Y compris exactement l'inverse de ce qu'on considère habituellement comme raisonnable.

Mais on peut aussi chercher à attirer l'attention de l'autre à tous prix... en lui tapant dessus ! C'est hélas une chose des plus courantes. En France, des dizaines de femmes meurent chaque année sous les coups de leur compagnon.

Le sentiment de manque d'amour, plus exactement définissable comme le sentiment de solitude intérieure, conduit à l'émergence du mythe du Nirvana amoureux. Quelque part existe la personne unique et merveilleuse dont un simple regard vous plongera dans l'extase. Ce mythe conduit à toutes sortes de dégâts chez les humains.

Il conduit déjà à l'insatisfaction du plus grand nombre, qui se dit : « je n'ai pas eu la chance de connaître cette créature unique et merveilleuse ! » Moi, je l'ai connu. Suis monté sur mon petit nuage... Et quand celui-ci s'est révélé pour ce qu'il était, j'en suis dégringolé en me faisant très mal. Car croire qu'on a atteint le Nirvana amoureux, est un sentiment produit d'illusions et de shoots endorphiniens à répétitions. Comme toutes les toxicomanies, il ne dure pas indéfiniment.

Les conséquences fâcheuses de ce mythe nirvanesque crée des troubles et incidents relationnels des plus curieux. Un jour, dans les années soixante-dix j'étais dans une sorte de camp de vacances pour jeunes. Débarque une grande fille blonde âgée de vingt-deux ans taille mannequin au visage de poupée. Il fallait voir les garçons, leur affolement ! Les voilà en meutes qui chasse la fille en question. Chacun espérant foutre sa queue dans le vagin de la nenette ! Ah ! Les odieux cons !!! Tout ça pourquoi ? Parce que la belle blonde, jeune, très jolie et surtout taille mannequin était à leurs yeux la créature amenant au Nirvana amoureux et sexuel ! La pauvre fille, je l'ai revu une fois à Paris. Elle était d'une tristesse infinie. Je ne l'ai pas revu ensuite. Mais, comment aurait-elle put être gaie en étant maltraitée de la sorte par des troupeaux de crétins ?

Autre exemple, bien plus récent celui-là : il s'agit d'un couple. Elle et lui très beaux, jeunes, artistes. La fille est un rêve ambulant : gentille, amoureuse, serviable, hyper-féminine... et désespérée, par quoi ? Par l'inconduite de son amoureux qui la maltraite en ne la respectant pas.

Et pourquoi cet imbécile se conduit de la sorte ? Parce que loin d'apprécier sa compagne à sa juste et très grande valeur, il se dit : « oui, mais ça n'est pas le Nirvana amoureux avec elle ». Il gâche la belle relation avec ses illusions. Illusions confortées par quelques souvenirs de shoots juvéniles endorphiniens et le discours sociétal sur l'amour Nirvana. Moralité : il fait souffrir sa compagne, qui prendra un jour la tangente. Et il restera seul. Comme il est beau jeune et talentueux il cherchera une nouvelle compagne. Sera déçu et la décevra de même et pour les mêmes raisons. Recommencera un certain nombre de fois. Et finira un jour par rester seul, vieux et moche physiquement et moralement. On ne fait pas souffrir impunément les autres sans en subir des conséquences.

La vie est très dure et difficile pour une femme intelligente quand elle est également aux yeux de la majorité des hommes considérée comme infiniment belle.

Je connais le cas d'une femme qui étant jeune, belle, cultivée, spirituelle, intelligente, a cru qu'elle était chanceuse de se voir adulée et recherchée par les hommes. Elle a choisi ses amants dans le troupeau. Quand un amant n'était plus à son goût ou ne faisait plus l'affaire pour une raison ou une autre, hop ! Elle en prenait un autre et se débarrassait du précédent. Ça a duré durant bien des années. Jusqu'au jour où, ayant vieillie elle s'est retrouvé jetée par son amant au bénéfice d'une plus jeune. Les beaux jours étaient finis. Et la descente commençait. Elle a pu se rattraper aux branches et trouver un compagnon qui lui assure une vieillesse accompagnée. Mais au fond d'elle-même, n'ayant jamais rejeté le mythe du Nirvana amoureux, elle reste insatisfaite. En se disant qu'elle est passée « à côté de quelque chose ».

Le désordre amoureux chez les humains est aussi causé par un problème masculin. Les humains mâles sont obsédés par leur queue. Cherchent frénétiquement le coït et dérangent leur vie et celle de leurs compagnes éventuelles. Quelle est l'origine de ce dérangement chez les hommes ?

Il y a la mauvaise éducation. Ainsi, il y a une trentaine d'années de ça, j'entendais un homme intelligent, sympathique et cultivé proférait une ânerie. Il déclarait que si on avait affaire à une jolie femme, même si on n'en avait pas envie, il fallait faire comme si on voulait la draguer. Sinon, elle se sentirait vexé.

Depuis un an que je vis nu à chaque fois que c'est possible, j'ai identifié deux phénomènes universellement répandu ou presque, qui troublent la conscience masculine.

L'un, c'est la masturbation passive permanente. A quelles occasions dans la Nature le pénis de l'homme est frotté, comprimé ? Durant le coït. Or, dès les premières heures de la vie jusqu'à la mort, les hommes sont systématiquement habillés, pratiquement en permanence. Et leur pénis est comprimé, frotté par les vêtements. Ce contact n'est pas anodin. Il contribue à leur obsession sexuelle. Elle est tellement généralisée qu'elle paraît inhérente naturellement à l'homme lui-même.

Renforçant ce désordre intervient la castration visuelle masculine qui dérobe à sa vue son organe sexuel. Celui-ci n'apparaît à sa vue qu'en de rares moments. Ce qui contribue à développer chez l'homme l'exagération de l'importance de sa queue.

Enfin, s'ajoutent ses fausses interprétation de l'érection et ses phénomènes annexes comme les sécrétions des glandes de Cowper baptisées abusivement liquide « précoïtal ». Comme si elle devait obligatoirement être le prélude au coït. Alors que c'est une « salive d'amour » que n'accompagne pas le plus souvent le désir de coït. Le membre chez l'homme est un organe réflexif, qui réagit, s'excite et s'érectionne pour toutes sortes de motifs. Le plus fréquemment pas par envie de « faire l'amour ». Mais la plupart du temps, hommes et femmes croient à tort que toutes érections expriment l'urgence d'un coït. C'est une ânerie monumentale, dévastatrice des relations humaines et des plus répandues. La confusion est étendue aux réactions génitales féminines et aux réactions au niveau des mamelons qui soi-disant exprimeraient un désir de coït en fait le plus souvent inexistant. Une jeune fille que violait son père le voyait dire en lui montrant ses réactions réflexes génitales à elle - son sexe se mettait « en fleur », - tu vois, tu en as envie ! Âneries que tout cela ! J'ai connu une jeune fille que troublait le fait d'éprouver du plaisir quand elle s'était fait violer. Mais en quoi ce plaisir ôtait le fait qu'elle ne désirait pas cet acte ? On nage dans un marais glauque où certains prétendent savoir mieux que vous ce que vous voulez. Au point d'en faire des théories. La chose est pourtant archi-simple : si on n'a pas envie de quelque chose, on n'en a pas envie. Que le sexe se « mette en fleur » ou non. Ou que le viol occasionne du plaisir à la victime ou non.

Face aux hommes qui cherchent à baiser tout le temps, la femme est bien souvent désemparée. Si elle exprime son non désir, on lui niera sa capacité de sensation et d'expression. Des ânes diplômés viennent même de lancer sur le marché une pilule sensée remédier au « manque de désir féminin » ! La bêtise humaine est sans limites !

Si la femme rejette les exigences masculines incessantes et excessives elle risque de se retrouver seule. Si elle accepte, c'est comme accepter de manger sans avoir du tout faim. A la longue ça devient absolument écœurant.

Pour refuser, la femme peut prétexter des motifs divers. Jadis, la religion permettait de justifier les refus. Plus récemment, la crainte du SIDA a servi souvent pour justifier le refus de « céder ». C'est-à-dire servir de trou à branlette masculine.

La société manifeste une ignorance crasse de la réalité du désir sexuel féminin. Une dame me disait un jour : « pour une femme, l'amour, c'est facile, elle n'a qu'à écarter les jambes... »

Visiblement - comme beaucoup de femmes et la quasi totalité des hommes, - elle ignorait qu'au moment de l'acte sexuel une femme qui a vraiment envie et fait vraiment l'amour développe une série automatique de contractions réflexes de son vagin. Curieusement, on peut retrouver cette série de contractions réflexes avec le sphincter anal chez l'homme au moment de son éjaculation. A croire que la Nature offrirait une similitude entre l'accouplement heterosexuel et homosexuel chez les hommes.

La question qui va déstabiliser la femme dans son refus de satisfaire la revendication sexuelle frénétique de l'homme pourra être celle des enfants. Elle ne voudra pas baiser aussi fréquemment que l'homme, mais, souhaitant des enfants se sentira obligée « d'en passer par là ».

Dès que la question des enfants ne se pose plus. Soit qu'ils sont là, soit qu'elle a renoncé à en faire avec l'homme en question, elle pourra arrêter les frais. C'est ainsi qu'une quantité de couples entrent en crise et explosent une fois le dernier enfant souhaité né.

Il existe trois types de viols. Le grand viol : c'est le viol « classique », imposé par la violence physique, la menace ou la drogue. Le viol par abus de confiance : on obtient des faveurs sexuelles grâce aux mensonges. Et, enfin, le petit viol : on convainque sa victime d'accepter des rapports sexuels même si au fond elle n'en a pas envie. Ce dernier type de viol est extrêmement courant. Il n'est pas considéré comme un délit. On peut y compris le pratiquer sur soi-même.



Il se pratique couramment dans l'industrie pornographique où les « actrices » et « acteurs » font des galipettes pour de l'argent. Et s'ennuient profondément à ce genre de travail. Il suffit d'étudier leur physionomie en pleine action. Et le large sourire détendu de bien des demoiselles à la fin de la séance de tournage. On sent bien leurs pensées : « ouf ! La journée de boulot est terminée. Je vais pouvoir me laver, rhabiller, toucher mon chèque et m'occuper de mes affaires. »

Quand on débat de la « sexualité » la tendance courante est d'ouvrir un faux débat : « pour ou contre la sexualité ». Ce genre de questionnement est aussi bête et déconnecté de la réalité que si, observant quelqu'un qui s'alimente trop ou trop peu ou mal, on prétendait que la question soulevée est : « pour ou contre le fait de manger ».

Certains auteurs, voulant se situer par rapport à la sexualité ont proféré des âneries. Une des plus belles consiste à présenter le coït comme une chose fantastique, la quintessence du bonheur, du plaisir, de la communication, une chose magique et merveilleuse. Le coït est en fait une chose naturelle et normale qui n'est pas toujours bien ou mal venue. Et si c'était vraiment la réalisation du bonheur, ça se saurait.

Il existe des personnes obsédées par la recherche de l'acte sexuel. D'autres qui sont obsédées par son refus. Certaines qui attachent une importance fantastique au fait de montrer ou laisser voir leur cul. D'autres qui attachent une importance fantastique au fait d'éviter de le montrer ou le laisser voir. Rien ne ressemble plus à un cul qu'un autre cul. Il n'y a vraiment pas de quoi être fier de le montrer ou laisser voir, éviter de le montrer ou de le laisser voir.

Au nombre des comportements bizarres que j'ai rencontré : une dame née en 1939 acceptait, nue et avec un bon éclairage, de faire l'amour avec son amant. Mais, pour rien au monde elle ne voulait qu'il la voit en train de se déshabiller. Cette perspective soulevait visiblement l'horreur pour elle.

Derrière les comportements sexuels humains on trouve le problème de la non reconnaissance du travail domestique et parental. Nombre de femmes travaillent à présent aussi à l'extérieur de chez elles. Sont devenues indépendantes matériellement. Alors, elles divorcent en masses.

Parler des relations hommes-femmes sans évoquer l'aspect économique est une parfaite ânerie. Les deux bases de la solitude intérieure chez les humains sont le délire sexolâtre masculin et la dépendance économique féminine.

Plus que des discours, l'établissement d'un revenu de base universel et suffisant pour vivre pour tous, tout le long de la vie, qu'on travaille ou non, résoudra le problème de l'existence de la solitude intérieure.

Quand la femme dépend économiquement de l'homme, elle n'est pas libre. Et l'homme aussi n'est pas libre. Et l'amour ne peut vivre sans la liberté. Au mieux, il survit, s'étiole et, le plus souvent, disparaît.

Vouloir retenir l'amour avec la jalousie ou des contrats : autant prétendre capturer le vent dans une cage.

La jalousie est une forme de haine subtile. Un jour, l'amour triomphera.

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 juin 2015

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