mercredi 7 août 2013

131 La morve, le crachat et le vomi : la peur de l'excrétion à l'origine de la répression de la sexualité dans la Civilisation humaine

La Civilisation humaine est née il y a des centaines de milliers, voire des millions d'années. Quand l'homme par son industrie s'est détachée de son animalité initiale. De l'histoire de notre Civilisation nous ne connaissons presque rien. A peine les 10 000 dernières années. Pour la connaître nous devons en chercher les traces dans nos sociétés présentes.

Les transgressions et comportements apparemment absurdes, inexplicables, insensés des hommes ont tous une explication et nous aident à mieux comprendre notre histoire et ce que nous sommes.

Un phénomène récurrent dans toutes les sociétés humaines est la répression de la sexualité. Loin d'être la marque unique et l'apanage des traditions judéo-chrétiennes, on la retrouve dans quantité de cultures. Avec cette répression on trouve la situation déplorable faite aux femmes : infériorisées, détestées, battues à mort, martyrisées, mutilées, violées, exploitées, culpabilisées, calomniées, chargées de tous les maux, toutes les tares de l'Humanité. Le mâle, en dépit de ses défauts visibles, est à l'inverse porté au pinacle et gratifié d'une supériorité imaginaire sur sa compagne.

La femme représente aussi la sexualité, la tentation, le pêché, de chair en particulier.

Toutes les sociétés répriment férocement les « déviances » et certains délits, en particulier les délits sexuels. L'échelonnement des peines encourues effectivement interpelle :

Un chanteur connu, Bernard C***, au cours d'une crise de jalousie alcoolisée tue sa compagne. Il est emprisonné, jugé. Et sort de prison après trois années.

Un autre chanteur connu, Patrick F***, a des relations sexuelles avec des filles âgées de dix à quinze ans et encourage celles-ci à en avoir entre elles. Il est emprisonné, jugé. Et sort de prison après six années.

Un homme que j'ai croisé un jour m'a raconté que sous l'emprise de l'ivresse il avait tué quelqu'un dans un bar. Emprisonné, jugé, condamné, il est sorti de prison après dix années.

Il ressort de ces peines que tuer sa compagne apparaît moins grave que tuer un inconnu. Et qu'avoir des relations sexuelles avec des fillettes est plus grave que tuer sa compagne.

La différence de la sévérité des peines appliquées est ici révélateur de quelque chose. Mais quoi ?

On dirait aussi que survit d'une certaine façon le vieux droit romain antique qui donnait au mari le droit de tuer sa femme. Dans notre société qui se proclame « évoluée », c'est plutôt bizarre.

Quand une bizarrerie surgit, il est intéressant de parvenir à comprendre son origine.

Si je me cure le nez ou me gratte les oreilles, c'est sale. Si je fume une cigarette, je suis des plus corrects. Pourtant se curer le nez ou se gratter les oreilles n'a jamais donné le cancer. La cigarette, elle, donne le cancer.

Au nombre des parties de l'être humain dont la vue est interdite et qu'il faut cacher, se trouvent le bout des seins des femmes.

Ce n'est pas une règle universelle. Un ami m'a raconté qu'à Bali, il y a vingt-cinq ans, les dames âgées se déplaçaient les mamelons à l'air au vu de tous. Les jeunes femmes, elles, dérobaient leurs mamelons à la vue du public avec des caches-mamelons qu'on appelle « soutiens-gorge ».

La raison était que, traditionnellement, à Bali, les mamelons féminins n'étaient pas cachées. Puis, sous l'influence étrangère était apparu la pratique de les cacher.

Un truculent Brésilien m'a dit un jour qu'en France les seins des femmes représentaient l'attraction sexuelle. Tandis qu'au Brésil c'était le cul.

Pourquoi les règles répressives de la sexualité prohibent-elles très souvent la vue des mamelons féminins ?

Les interdits visuels prohibent la vue des organes génitaux et de l'anus. Ceux-ci ont un point commun : l'excrétion. Soit de liquides sexuels, soit d'urine ou matières fécales.

Les mamelons féminins sont aussi des organes excréteurs. Ils excrètent le colostrum ou premier lait, et le lait maternel.

Cependant, comme il est étrange de voir ces liquides de vie qui nourrissent et protègent le bébé mis sur le même plan que l'urine et les matières fécales ! Comment la Civilisation en est-elle arrivée là ?

La réponse donne ici la clé de beaucoup d'autres choses : ce qui est en cause c'est l'excrétion.

Tout ce qui est excrété par l'homme a mauvaise réputation : la morve, le crachat, le vomi, les larmes, la bave, l'urine, les matières fécales, les gazs intestinaux, le pet vaginal, la cyprine, le liquide des glandes de Cowper, le sperme. On y rajoute le colostrum et le lait maternel.

Mettre son doigt dans le nez c'est aussi tirer de celui-ci de la morve. D'où la condamnation de ce geste.

Mais pourquoi excréter de toutes les façons et mal vu, honteux, à cacher ?

Tout simplement parce que l'excrétion est associée par l'homme à sa plus grande terreur : celle de sa mort inévitable, implacable et anéantissante (anéantissante tout au moins pour ceux qui ne croient pas en l'au-delà).

Quelle est la première manifestation spectaculaire de la mort ? C'est la poli-excrétion : le relâchement de ses organes internes fait que le mort se vide par tous ses principaux orifices. Le bol alimentaire se vide par sa bouche, les matières fécales par l'anus et l'urine par le sexe. Il vomit comme il n'a jamais vomi, pisse et chie... et il est mort.

De cette manifestation spectaculaire de la fin de vie on ne parle jamais. Les morts de cinéma me font rire... ils sont bien propres. Excepté un mort dans un film de samouraïs japonais que j'ai vu une fois il y a bien des années.

La poli-excrétion immédiate post mortem, voilà l'origine de l'extrême horreur de toutes les diverses excrétions humaines, au nombre desquelles la miction, la défécation et... la vie sexuelle, qui est bien pourvue en liquides excrétés.

La répression de la sexualité n'est pas autre chose que l'expression de la peur de mourir chez les humains. Mourir, c'est-à-dire se vider.

Dans les hospices, dès qu'un ancien passe l'arme à gauche, on lui met un gros élastique sous le menton, qui lui ferme la bouche et l'empêche de se vider par là. Ceux qui « apprêtent » les morts bouchent l'anus de ceux-ci avec du coton enfoncé avec, par exemple, le manche d'un ustensile de table.

Et la femme, dans tout cela ? Son traitement épouvantable dans toutes les sociétés vient de ce qu'elle est la reine de l'excrétion ! Donc... la reine du sexe et de la Mort. Brrr !!

En effet : non gravide, chaque mois elle émet des matières bizarres dont du sang, par son vagin.

Ce sont les menstrues, dont on ignorait la raison exacte jusque vers 1845.

Le sang, c'est la blessure, qui peut être mortelle. Et la femme non gravide en émet régulièrement ainsi, et longtemps sans motifs connus. Raison de plus de s'en méfier se sont dit quantité d'hommes.

Les menstrues sont assimilées à l'« impureté ». La femme qui a ses règles est sensée dégrader certains aliments en les approchant. Par exemple : faire tourner le lait. Elle n'a pas le droit d'entrer dans certains temples en Inde. Est sensée s'abstenir de rapports sexuels, etc. Ensuite, si la femme va avoir un bébé, elle perd encore du liquide quand la poche des eaux se rompt. Avant que le bébé nouveau-né sorte, la pression de celui-ci sur les organes digestifs de la future mère lui fait émettre un gros caca. Que le personnel accoucheur fait vite disparaître. Le bébé est expulsé avec du sang. Et après sa sortie, vient la délivre ou placenta : une masse sanguinolente.

On comprend alors pourquoi la femme est si maltraitée dans la Civilisation. Elle représente la Mort.

Bien sûr la Civilisation a voulu voir dans les enfants le contraire de la mort. Seul hic : ceux-ci ont une sexualité incontrôlée. Car ils ignorent toutes les règles culturelles établies régissant ce domaine. Et tous les interdits qui vont avec. On va les leur inculquer. Et ainsi la mort sera ôtée de leur image.

Comme certains adultes prétendront avoir des rapports sexuels avec eux, ils seront réprimés avec la plus grande sévérité. Cette sévérité n'exprime pas que la volonté de protéger les enfants. Mais aussi la thanatophobie, c'est-à-dire la peur de la mort.

Ce qui explique l'échelonnement des peines citées au début de ce texte. Tuer sa compagne, c'est tuer la mort. Donc, ce n'est pas grave : trois ans. Toucher sexuellement à des enfants, c'est rappeler la mort : six ans. Et tuer un consommateur dans un bar, c'est très grave, car c'est le faire mourir : dix ans.

Infliger seulement trois ans de prison pour avoir tué sa compagne, c'est encourager d'autres à agir de même. C'est très grave. Pour le reste, chercher à comprendre comment elle fonctionne ne signifie pas nécessairement vouloir changer la société. Ni avoir des propositions à faire en ce sens. Mais en tous les cas mieux la vivre.

Quantité de comportements absurdes, inexplicables, insensés, violents des hommes ont pour origine la thanatophobie. Notamment la rapacité financière : accumuler des richesses infinies en privant d'innombrables autres personnes de tous moyens de subsistance. Le symbole de la richesse, l'or, a pour caractéristique son apparente inaltérabilité. Il devient ainsi le contraire du vieillissement avec la mort au bout. Pour certains, posséder de l'or en quantité, c'est se donner l'illusion qu'ils ne vont pas mourir. Les gens qui recherchent la richesse financière à tous prix sont des grands malades qui font grandement souffrir toute la société et menace même sa survie. L'actuelle « crise de la dette » est le résultat des frayeurs existentielles d'une très petite quantité de personnes très riches.

Basile, philosophe naïf, Paris le 7 août 2013

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