mercredi 27 mars 2019

1163 Faillite du langage et langage de la faillite

Le domaine relationnel entre les hommes et les femmes, en tous cas en France et à Paris, est dominé par le double phénomène de la faillite du langage et du langage de la faillite. De quoi s'agit-il ? De la subordination du langage écrit, parlé, pensé, gestuel, attitudaire, vestimentaire au harcèlement sexuel permanent des femmes par les hommes. Quoi qu'on dise ou qu'on fasse on se retrouve étiquetté harcelée ou harceleur.

Un Parisien affirmait devant moi il y a quelques décennies : « même si tu n'en a pas envie, il faut faire comme si tu draguais la femme devant toi, sinon elle se sentira vexée. » Un cavaleur s'exclamait un jour devant moi, parlant des femmes qu'il cortisait : « de toutes façons, elles n'ont jamais envie ! »

Une vieille sagesse populaire dit : « l'homme propose, la femme dispose. »

Tout ceci confirme la situation de harcèlement sexuel permanent des femmes par les hommes. Harcèlement qui implique aussi l'existence de son contraire : le contre-harcèlement sexuel. C'est-à-dire des mots, gestes, attitudes, qui affichent un refus, un rejet de la sexualité.

Le grand perdant de tout cela, c'est la tendresse et la sincérité.

Dans un lieu public je parle un peu à tout le monde, notamment du Carnaval que j'organise. Pratiquement à chaque fois que je m'adresse à une jeune fille parmi les autres personnes, j'ai droit au même type de commentaires : « tu dragues ! » « les jeunes filles t'intéressent ? » etc. Si je m'adresse par exemple à un homme vieux gros et chauve, je ne m'attirerais jamais la remarque : « ah ! Tu t'intéresse aux hommes vieux gros et chauves ! »

Un dragueur de ma connaissance, chaque fois qu'il me voit en compagnie d'une femme qui l’intéresse, va faire une plaisanteruie à mon sujet. Qui n'en est pas une. Elle sous-entend qu'il me connaît comme un cavaleur patenté. Histoire de faire peur à la femme près de moi en l'avertissant indirectement qu'il faut qu'elle se méfie de moi. Cette attitude de ce cavaleur illustre le fait qu'il se considère en concurrence permanente avec tous les hommes pour harceler les femmes.

La faillite du langage va s'opposer à l'expression poétique. Quand j'écris un poème adressé à une femme, elle pourra chercher à lire entre les lignes des choses que je n'y ai pas mis. Il m'est arrivé de mettre mal à l'aise une femme riien que parce que j'avais vanté la beauté de ses yeux. Le commentaire acide que je me suis vu attirer était : « tu n'écrirais pas la même chose à un homme ! » Sous-entendu : « tu me dragues, bas les mots ! » Quand il n'y a aucun sous-entendus de ma part on va en imaginer. C'est le langage de la faillite. Que reste-t-il alors à faire ? Se taire, ou s'exprimer, mais comment ? Les obsessions sociétales ont abimé, affaibli l'expression linguistique.

Basile philosophe naïf, Paris le 27 mars 2019

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