Hier je devais sortir tôt
de mon domicile parisien. J'avais des démarches administratives à
faire. C'était l'heure où les parents qui travaillent emmènent
leur progéniture à la crèche, chez la nourrice, à l'école ou au
centre aéré. J'ai croisé deux sympathiques jeunes papas qui
paraissaient tout joyeux d'escorter ainsi leur bambin de deux ou
trois ans. L'un des deux papas chantait même des chansons.
J'ai croisé également
une mère de famille qui s'en allait accompagnant une fille d'environ
huit ans et un garçon d'environ dix ans. Cette mère paraissait très
fatiguée.
Plus loin, passant sous
un échafaudage installé pour ravaler un immeuble de mon quartier,
j'ai avisé un petit tas de gravas qui avait été rassemblé et
attendait d'être enlevé. Je me suis dit : « balayer et
ramasser ces détritus, c'est un travail reconnu et rémunéré. En
revanche, mettre au monde et élever ces deux grands enfants n'est ni
reconnu comme travail, ni rémunéré, ni ne donne droit à la très
généreuse retraite correspondante. »
On parle beaucoup ces
dernières années de la gestation pour autrui, en abrégé GPA. La
gestation pour autrui est payée. Pas la gestation pour soi des
enfants qu'on va élever. Pourquoi ? L'effort est différent ?
Ma mère a eu six enfants
dont quatre qui ont vécu et qu'elle a élevé. Elle méritait une
retraite en or massif pour ce qu'elle a ainsi fait pour toute la
société. Elle n'a rien reçu de tel. Quand l'autre jour j'en
parlais à une dame que je connais, elle s'est exclamé : « ma
mère a eu dix enfants ! » Les femmes auxquelles je parle
de cette injustice m'approuvent toutes.
Hier trois novembre,
certains journaux titraient : « aujourd'hui à partir de
11 heures 44 les femmes qui travaillent le font bénévolement. »
Il s'agit ici de l'écart entre les salaires masculins et féminins
qui existe en France pour le même travail. Il revient à ce qu'à partir du 3
novembre à 11 heures 44 jusqu'au 31 décembre au soir les femmes ne
sont plus payées pour leur travail effectué.
Mais le travail
domestique et maternel ? Est-il reconnu, payé, donne-t-il droit
à une retraite confortable et méritée ? Non. Les journaux en
parlent-ils ? Pas plus.
Une dame que je connais a
du faire durant des années des ménages en plus de son travail de
bureau pour assurer le bien-être de sa famille. Elle a lu plusieurs
de mes textes récents écrits à propos de la condition féminine.
Et m'a dit tout à l'heure être tout à fait d'accord avec moi. Elle
va donner mes textes à lire à un de ses fils.
Cette dame m'a dit qu'il
faudrait une révolution pour que changent les relations homme-femme.
Mais que cette révolution « on ne la verra pas ». Et
pourquoi donc ? Elle doit se faire aujourd'hui et tout de
suite avec un résultat significatif maintenant. Cela dépend de
nous et d'abord des hommes. Ceux qui ont compris que la sexualité
phallocratique et consumériste dominante n'apporte que peu
d'agrément, beaucoup d'ennuis et un Niagara d'illusions peuvent
s'ils le veulent y renoncer. Reconnaître le travail domestique et
maternel des femmes. Et proclamer leurs choix. Comment
appellerons-nous ces nouveaux hommes ? Je propose de les appeler
des écureuils joyeux. Pourquoi des écureuils joyeux? Parce qu'il
faut bien un nom et qu'un écureuil joyeux c'est très gracieux et
joli. Cette révolution sera donc appelée : « la
Révolution des écureuils joyeux. » Bien sûr, il y aura aussi
un effet noisette, qui fera que par intérêts certains
pourront pervertir le mot écureuil ou prétendre en être un sans
l'être. Mais il nous faut des outils de langage pour avancer. Et
s'ils sont utilisés à contre-sens, c'est à nous d'être capable
d'identifier la situation et ne pas nous faire prendre et abuser.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 novembre 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire