Quand une théorie
scientifique paraît minoritaire, nouvelle, hérétique, vient
l'argument massue pour éliminer toutes discussions : « la
majorité des scientifiques pensent autrement. » Quel bel
argument ! Il fut un temps où la majorité des savants
croyaient la terre plate. Ou bien étaient persuadés que la terre
était au centre de l'univers et le soleil tournait autour.
Alors, on vote pour
savoir si la terre est plate ? Les scientifiques vont décider.
C'est à la majorité simple ou à celle des deux tiers ?
Quand en 1983 je
demandais son avis à un vulgarisateur du palais de la Découverte
sur une théorie de l'univers que j'avais imaginé, sa réponse fut
en particulier : « les scientifiques ne se posent pas
comme ça la question. » Comme ce sont « les
scientifiques », l'autorité a parlé. Il ne reste plus qu'à
se taire et s'incliner, oublier ses idées et renoncer à en
discuter. Ce jour-là ce fut le prestige des scientifiques qui s'est
considérablement réduit en moi.
Dans les années 1980 je
suis tombé sur un livre où toute la première partie prenait la
défense d'un médicament, l'allergine, extrait du bacille de Koch
par un médecin français en 1903. La seconde partie du livre était
consacrée à la polémique opposant les partisans des conclusions
théoriques de deux scientifiques français : Antoine Béchamp
et Louis Pasteur.
La première partie
retint mon attention. Et comme il était dit que l'allergine avait
été très injustement retiré de la vente en 1958, l'envie me vint
d'en parler à des médecins ou des pharmaciens. Sans prétendre
donner un avis sur l 'efficacité de ce remède, inciter à s'y
intéresser.
Et si cette allergine permettait de soigner des pathologies nouvellement apparues depuis 1958, comme le SIDA ? J'en parlais autour de moi ; On me rit au nez. Pensez ! Un artiste peintre diplômé des Beaux-Arts qui se mêlent de parler de science médicale ! Je passais plusieurs années à me faire ainsi à chaque fois rembarrer. Finalement, il y a vingt ans je me retrouvais inquiet pour une amie pour laquelle on avait prescrit de l'haloperidol. Ce puissant neuroleptique avait servit de camisole de force chimique et de moyen de nuire à des opposants soviétiques. Inquiet, je voulus me renseigner. C'est ainsi que je débarquais à la bibliothèque située dans la faculté de pharmacie près du jardin du Luxembourg à Paris. J'allais me documenter sur l'haloperidol. Mais, pour le coup, je me dis : « je ne suis pas scientifique, je n'y connais rien, mais les scientifiques que je rencontre refusent de s'intéresser à l'allergine. Alors je vais faire ma recherche quand même, même si je suis ignorant. »
Et c'est ainsi que, outre
mon information prise sur l'haloperidol, je fis une recherche sur
l'allergine. Un ouvrage datant de 1937 écrit par André Jousset son
créateur me mit sur deux pistes supplémentaires. Je revins de la
faculté de pharmacie avec les photocopies de deux articles et d'une
fraction du livre. Avec ces documents je croyais pouvoir intéresser
des scientifiques. Pensez ! Ces documents furent accueillis
comme des curiosités historiques.
J'en parlais un jour à
un chercheur qui me dit que je n'avais aucune chance de me faire
entendre. Je n'ai pas abandonné mon idée d'intéresser des
scientifiques à l'allergine. Ce médicament tellement bien oublié
qu'il existe à présent une spécialité pharmaceutique homonyme qui
n'a rien à voir. Dernière étape à ce jour de mon parcours
promotionnel de l'allergine : un article bien documenté
consacré à André Jousset et parlant bien sûr de sa création,
l'allergine, il paraît aujourd'hui dans Wikipédia . S'il attire
l'intérêt de chercheurs en médecine pour l'allergine, ce sera
enfin la réussite de ce but que je poursuis depuis plus de trente
ans. Car un médicament extrait du bacille de Koch tel que
l'allergine ne peut pas il me semble être une chose anodine et
négligeable.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 novembre 2017
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