Cet « amour »
a duré vingt-cinq jours, peut-être soixante, ou quarante, même
plus, même moins. Je n'ai pas compté sur le coup. L'essentiel de sa
durée est qu'elle a été limitée. Durant ce temps-là j'ai eu le
sentiment d'être aimé par une personne que j'aimais. Précision
indispensable, ce n'était pas un amour sous la forme conventionnelle
classique. Nous ne couchions pas ensemble. C'était du sentiment. Et
ma foi tant pis pour les catégoriseurs qui prétendent faire
coïncider l'amour avec un mode d'emploi, une sorte de cahier des
charges. Où l'amour est résumé à une affaire de zizis avec un
emballage de sentiments et de notes d'électricité payées en
commun.
Au bout d'un moment la
personne que j'aimais n'a pas supporté la situation et m'a envoyé
au diable. Le plus curieux est que je n'ai pas trop mal pris la
chose. Pour une fois je ne voyais rien à me reprocher et tous les
torts pour la première fois étaient de l'autre côté. C'était
nouveau comme situation vécue. L'amour n'était pas supportable pour
l'autre. Je n'avais rien fait qui justifiait le rejet de ma personne.
Ce rejet n'était en rien condamnable ou inadmissible, si ce n'est
l'incohérence et la mauvaise foi du discours qui l'accompagnait.
L'autre partie avait besoin d'un motif. Il aurait suffit qu'elle dise
qu'elle n'avais plus envie de cette situation. Je n'aurais rien eu à
redire. Toutes les choses ont une fin. Mais là j'ai eu droit à des
reproches imaginaires qui n'étaient pas à l'honneur de celle qui
les invoquait.
Reste le positif de la
situation vécue et révolue. Il était des plus intéressant et
instructif. J'en soulignerai un épisode qui m'a frappé.
Nous étions assis tous
les deux dans le métro parisien. Trois jeunes filles sont venues
s'asseoir non loin de nous. Elles étaient d'une très grande beauté.
Leur tenue des plus déshabillée. Au point que mon amie a éprouvé
le besoin de leur adresser la parole pour les mettre en garde contre
les réactions éventuelles du public masculin. C'était des
étrangères.
Ce qui m'a frappé, c'est
qu'alors qu'elles étaient pas loin de moi je n'ai éprouvé aucun
désir particulier de les regarder. Tandis que d'ordinaire je suis
plutôt fasciné par la belle plastique féminine. Et que mon regard
est attiré par de telles jolies personnes. Là, rien, je n'en
éprouvais aucune envie. Le sentiment d'aimer et être aimé par mon
amie neutralisait ma curiosité. C'était étrange et intéressant.
Par la suite, j'ai
constaté que mon attirance pour admirer les jolies filles qui
passent s'était défaite un peu comme un ressort encore présent
mais qui s'est cassé. Puis mon amie m'a envoyé au diable et cette
envie de regarder les jolies filles qui passent m'est revenue bien
vite. Cette envie qui finalement n'aurait pas un motif esthétique,
mais témoignerait d'une faim d'amour inassouvie. Quand elle est
assouvie, cette envie s'effacerait.
Je l'éprouve sans
pensées particulières ou vœux particuliers. Ceux qui se sentent
aimés et aimant verraient donc changer leur manière de regarder les
jolies personnes du sexe opposé. Et ce serait la conséquence des
sentiments réciproques simplement vécus avec une autre personne.
Ces sentiments nous feraient entrer en quelque sorte dans une autre
dimension relationnelle, totalement inhabituelle. Elle pourrait
effrayer ceux et celles qui n'y sont pas habitués. Ce qui
expliquerait la fuite de mon amie après vingt-cinq jours. Certains
oiseaux n'ont pas d'ailes et ne volent pas. Elle a été comme un
oiseau qui ne vole pas et s'est subitement envolé. Elle a pris peur
et mis un terme à cette situation nouvelle qui l'effrayait.
Souhaitons-lui bon voyage et bon vent. Et concentrons-nous sur la
perspective d'autres rencontres et d'autres éventualités. D'une
ampleur, espérons-le, de plus de vingt-cinq jours.
Basile philosophe naïf,
Paris le 17 août 2018
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