mardi 2 août 2016

608 La plupart du temps il est impossible de dire « je t'aime »

Dans la société française et parisienne et bien au delà, la plupart du temps il est impossible de dire à quelqu'un « je t'aime ». La raison est que ces mots sont piégés de manière sophistiquée. Soi-disant l'homme aurait tout le temps envie de « faire l'amour ». « Je t'aime » impliquerait cet « amour » ainsi défini. Ce qui confère aux mots « je t'aime » le sens direct de « je baise avec toi ». À la base de ce sens impératif donné à ces mots on trouve donc cette prétention à l'existence naturelle - ou tout au moins en tous les cas effective, - d'un état masculin généralisé de rut permanent.

Cette prétention se retrouve perturbant et empêchant d'autres aspects relationnels. Le toucher se retrouve complètement sinistré ou presque. On invente le mortifère et ridicule concept des « préliminaires » : échanger des caresses conduirait soi-disant forcément au coït. La communication visuelle voit la nudité condamnée ou associée également au coït impératif. Détaillant la « nudité », des zones de l'épiderme humain sont proclamées plus « érotiques » que d'autres. Les femmes et jeunes filles qui voudront ne pas se faire harceler sexuellement encore plus que d'habitude auront donc intérêt à les cacher. Un concept faux et abominable fera florès : celui de « zones érogènes ». Soi-disant certaines zones de l'épiderme et des muqueuses seraient vouées au coït impératif. Ce concept est faux. De plus une zone à priori pas du tout « érogène » pourra causer à l'occasion par la caresse des effets voluptueux extraordinaires. Et une zone très classiquement classée « érogène » pourra à l'occasion rester largement insensible à la caresse. Tout dépendra du moment, de la relation où s'inscrivent les caresses et de l'état d'esprit des personnes caressantes et caressées.

Le langage, le toucher, la vue ainsi censurés, l'amour pourra quand même s'élancer entre deux individus qui sont ainsi privés de moyens de communiquer. Ce qui pourra amener des situations confuses. Les personnes concernées cherchant à exprimer l'amour qu'elles éprouvent et ne sachant comment le faire. Ainsi, un jour, une jeune fille cru bon de me montrer sa nudité. Je lui répondis non pas en y « mettant les mains », mais par une poésie que je lui fis parvenir par la suite.

La communication en usage dans notre société apparaît un peu comme un alphabet auquel manquerait certaines lettres, ou un dictionnaire encyclopédique auquel manquerait certains volumes. Comment se débrouiller alors pour communiquer et se faire comprendre ?

Quand je pense à un échange de caresses sans coït le mot qui me vient à l'esprit pour le définir c'est : « coucher avec ». Pourtant ces mots sont inadaptés. Ils évoquent le fait d'être forcément allongés et forcément baiser. Le mot précis n'existe pas ou du moins pas encore.

Et si j'imagine une telle relation naissant entre une personne et moi, il m'apparaît d'évidence que l'entourage y verra forcément une relation coïtale. Ce qu'elle ne sera pas forcément.

Le raisonnement de l'entourage sera faux et suivra notamment un autre aspect de l'incompréhension établie : s'il y a caresses entre adultes, il y a réactions au niveau génital. Donc, selon de très nombreux imbéciles des deux sexes dont j'ai très longtemps fait partie, ça implique le coït. Ce qui fait d'ailleurs que la vue de l'érection, associée au coït, est définie comme indécente.

Cette façon de classer l'érection conduit à l'existence du « slip naturiste ». Chez l'homme, il consiste en une serviette portée en, permanence à la main ou sur le bras ou les épaules par le naturiste bien éduqué. Officiellement, cette serviette est là pour s'asseoir. En fait, elle sert à dissimuler les « accidents » quand la quéquette bondit vers le ciel. Le slip naturiste féminin consiste en l'interdit non écrit de laisser voir son entrecuisses visible. On le voit, même les naturistes réputés plus libéraux que les autres sont loin d'échapper aux pièges sophistiqués et invalidants de notre culture !

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 août 2016

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