Peut-on
affirmer que la disette de câlins où nous vivons dans notre société
qui se prétend humaine et fraternelle soit un sujet frivole et
personnel ?
Le
manque de câlins est la principale cause de nombre de fléaux, dont
la toxicomanie alcoolique et tabagique qui tuent chaque année des
millions de gens de par le monde.
Via
l'insatisfaction de vivre, il conduit des millions de gens au suicide
ou à des conduites à risques.
Il
conduit à des pathologies et des violences innombrables. Manquant de
câlins quantité d'humains deviennent apathiques, méchants,
égoïstes, cupides, indifférents.
Une
société anorexique en câlins comme la nôtre ne peut être ni
belle, ni harmonieuse, ni pacifique.
Tout
cela est évident, mais comment y remédier ? Je propose de
créer des ligues de câlins.
Mais
pour mettre en œuvre ce projet, il faut tout d'abord observer
pourquoi les câlins sont si fréquemment un secteur sinistré des
activités humaines.
C'est
dans le comportement humain que naît ce très grand problème.
Notre
culture a ravalé les câlins entre adultes au rang d'antichambre de
l'acte sexuel et de gestes annexes a celui-ci.
Ce
sont singulièrement les hommes et moins souvent les femmes qui ont
souscrit à cette fable dévastatrice et imbécile.
Résultat
, dès qu'il y a câlins entre adultes, une lanterne rouge s'allume
pour signifier que « c'est sexuel », et que si on ne fuit
pas on va passer très bientôt aux « choses sérieuses ».
Les
femmes, surtout si elles sont jeunes et jolies, passent leur temps à
être sur la défensive. Résultat : le plus souvent il n'y a ni
« sexe » ni câlins.
Les
hommes ne cherchent pas à se corriger, mais décrètent le sexe
féminin « incompréhensible ». Parce qu'il ne pense pas
comme eux.
Les
hommes croient naïvement que s''ils connaissent une érection ça
signifie désir, actualité de l'acte sexuel. Ce n'est le plus
souvent pas le cas. Les hommes théâtralisent, intellectualisent
leur sexualité. « S'il y a ça je fais ça ». La femme
plus authentique va se dérober, refuser, fuir. La peur et le dégoût
s'installeront et les câlins diparaitront.
Notre
société a hypertrophié la sexualité. Elle voit du sexe partout, y
compris là où il n'y en a pas. On a même connu un célèbre
médecin de Vienne qui voyait dans le plaisir du bébé qui tête un
plaisir sexuel.
Il
faudra inventer un nouveau langage. Au Cameroun dans les années 1970
nombre d'enfants abordaient les touristes en leur disant :
« t'as pas cadeau ? » Ils demandaient ainsi de
l'argent.
Dans
un contexte différent et pour d'autres motifs, le ligueur en câlins
pourra aborder un tiers en lui demandant : « t'as pas
câlin ? » Et la personne abordée pourra répondre
affirmativement « j'ai » ou « j'ai câlin »
ou esquisser le geste. Ou répondre « j'ai pas câlin »
ou « plus tard » ou « plus tard j'aurai câlin ».
« Plus tard » ne signifiant pas que ce sera avec la
personne à qui on répond. Ni que ça indique un délai précis. Ça
peut-être l'instant d'après comme ça peut être beaucoup plus
tardivement. Les ligueurs en câlins restent libres de leur réponse.
Pour un ligueur en câlins, pour partager un câlin, il n'existe pas
d'« engagements », d'obligations impératives comme il en
existe dans d'autres types de relations. Et on ne donne ou demande
aucun justificatifs de ses choix, demandes, acceptations ou refus de
câlins. Le câlin est toujours donné et reçu librement. Ou alors
ce n'est pas un vrai câlin, mais au mieux une apparence de câlin.
Le
but à atteindre, libérer les câlins, n'est peut-être pas si
difficile et compliqué à atteindre. L'avenir nous le dira. Ce qui
est en tous cas certain, c'est que si nous ne tentons rien, nous
n'aurons rien.
Basile
philosophe naïf, Paris le 11 décembre 2019.
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