Quelle est
l'origine du désordre qui règne depuis des milliers d'années dans
notre Humanité ? Désordre qui suscite des troubles divers et
des insatisfactions profondes et générales ? Cette origine est
au moins pour une très large part historique et circonstancielle et
ne relève pas d'une sorte de fatalité naturelle. Cette origine
remonte au delà de l'invention de l'écriture, il y a plus de dix
mille ans. C'est à ce moment-là qu'apparaissent l'agriculture et
l'élevage. Ce qui signifie que les humains ont compris au moins dès
cette époque que l'acte sexuel amène la grossesse et la parturition
notamment chez les humains. Mais ont-ils tout compris de ce processus
fondamental de la génération ? Absolument pas.
Les humains
ont saisi le rôle de l'homme ensemençant la femme. Sperme signifie
« semence ». Mais ils ignorent totalement l'iovule et
l'ovulation. La perte de sang menstruel qui la signale les effraye et
les inquiète. Ils y attachent des peurs ancestrales. Ce sang
surgissant à intervales réguliers, hors du temps des grossesses,
fait pour beaucoup de la femme adulte quelque chose de très
inquiètant et très douteux. Jusqu'au vingtième siècle, par
exemple, on dit en France dans au moins certaines régions, qu'une
femme qui a ses règles fait tourner le lait en l'approchant et doit
donc se tenir à l'écart de la confection des fromages. De même sa
proximité ferait tourner le jambon durant sa maturation.
Il faudra
attendre l'année 1827 pour qu'un savant germano-balte du nom de Karl
Ernst von Baer découvre l'ovule chez les mammifères et donc
notamment chez la femme. Et c'est seulement environ treize ans plus
tard que deux médecins français, Félix Archimède Fouchet et
Charles Négrier vont expliquer le mécanisme de l'ovulation.
C'est donc
durant au moins dix mille ans que les humains, de bonne foi, ont cru
que seul le mâle était acteur actif de la reproduction, la femelle
se cantonant au rôle d'une sorte de terre passive et rendue
inquiètante par le sang menstruel.
Quelles ont
été les conséquences de cette si longue ignorance ? Enorme,
gigantesque et calamiteuse, car qui dit « terre » dit
propriété de la terre. L'homme, le mâle, s'est voulut propriétaire
de la terre féminine. Et cela à des époques où la génération
était une question de vie ou de mort bien plus qu'aujourd'hui. Pour
s'occuper et nourrir les parents âgés, pour former la base des
armées, il fallait des hommes et donc des bébés en nombre.
Dix mille
années au moins, jusque dans les années 1840... cela fait juste 179
ans que les humains ont pu prendre connaissance du rôle actif de la
femme dans la reproduction. Les hommes ont conservé de ce temps
d'ignorance quantité de traditions. Ne croient-ils pas que la force
réside dans les testicules ? Quand un homme est courageux, on
dit qu'il en a, ou que « il a des couilles ».
L'expression est vulgaire et je m'excuse de la citer ici pour les
besoins de mon exposé. D'autres hommes estiment de façon aberrante
qu'avoir un grand pénis est un motif de fierté et avoir un petit
pénis est une source de honte.
Les humains
mâles sont le plus souvent très ignorants du fonctionnement de leur
sexualité. Une croyance très répandu chez eux veut que l'érection
et ses phénomènes annexes vaudraient nécessairement désir,
besoin, urgence de la réalisation de « l'acte sexuel ».
C'est archi-faux et totalement stupide et dévastateur la plupart du
temps. Ces phénomènes interviennent en quantité d'occasions et la
plupart du temps pour d'autres rasons. Le sommeil ou le plaisir, sont
les motifs les plus fréquents.
L'érection
nocturne durant le sommeil, nocturne ou matinale, est la raison qui
amène fréquemment l'homme à déranger sa compagne qui dort encore,
pour une prestation sexuelle minable et mal venue. L'homme se
réveille et constatant son érection est suffisemment ignorant pour
croire le coït bienvenu.
Ces
pratiques masculines courantes tendent à décevoir, irriter et
déranger les femmes qui se sentent alors utilisées et réduites au
rang d'objet.
Une autre
erreur sexuelle très courante chez les hommes est de croire que la
pénétration avec le pénis en érection d'un orifice naturel d'un
tiers vaut « acte sexuel ». C'est encore une fois le plus
souvent archi-faux. Il s'agit le plus souvent juste d'une
masturbation dans un orifice naturel d'un tiers. Il ne s'agit pas
d'un acte sexuel qui requiert un accord et un désir réciproque qui
en fait sont ici absents et remplacés par des conventions sexuelles
consuméristes.
Une autre
croyance sexuelle très répandue consiste à croire que jouissance
masculine et éjaculation sont synonymes. Au point que jouir est un
verbe utilisé couramment dans le sens d'éjaculer. Bien
qu'accompagnée de phénomènes tel que l'acceleration de la
respiration de l'homme concerné, l'éjaculation n'est pas le plus
souvent accompagné d'une jouissance digne d'être appelée ainsi.
Elle peut même être douloureuse. Mais on continue à lire un peu
partout que la jouissance masculine et l'éjaculation sont synonymes.
L'évaluation
de la jouissance éjaculatoire est l'occasion de très nombreux
boniments. L'homme peut ne rien ressentir ou presque en éjaculant,
on continuera à parler de sa « jouissance ». Comme si
elle ne pouvait, par définition, être autre chose que fabuleuse et
automatique. Ce qui est, ben évidemment, archi-faux/
Un domaine
où règne chez un très grand nombre d'hommes une ignorance majeure
est celui de l'amour et du désir. Le désir authentique et véritable
est des plus rares. Tous les actes sexuels tentés sans véritable
désir sont faux et mal venus. Cela est le cas de la plupart des
pénétrations dites « actes sexuels » qui ne sont au
fond que des masturbations intra-orificielles.
Devant
toutes ces insatisfactions les récits les plus fabuleux vont
fleurir. On prétendra que c'est à force de rater des
accouplementsque les partenaires concernés vont finir par « bien
se connaître » et réussir leur vie sexuelle ! Comme s'il
ne s'agissait que de connaissance et de volonté ! La réussite
imaginaire en amour dépendrait d'une sorte de notice technique. On
voit répéter cette ânerie : « quand on se connait bien
on sait ce qui fera plaisir à l'autre ». Seule l'authenticité
peut faire plaisir à l'autre. Mais qui la recherche aujourd'hui ?
Ecoutez bien
des hommes parler des femmes quand ils sont « entre eux ».
Ils sont très vulgaires et désabusés. A les écouter on dirait des
petits enfants capricieux commentant des gâteaux au chocolat qui
inexplicablement leur échapperaient. Un homme, pourtant plutôt
intelligent par ailleurs, m'a dit un jour textuellement : « je
ne comprend pas pourquoi une femme peut-elle refuser de faire l'amour
avec moi ».
Si on écoute
les propos des femmes sur les hommes, ce n'est très souvent guère
mieux. A les écouter les hommes sont « tous les mêmes »,
ne veulent pas « s'engager », etc. Ce serait juste une
question de recettes que les hommes se refuseraient à suivre. Mais
l'affaire est plus complexe.
Notre
société parisienne vit aujourd'hui à l'heure de la sexualité
consumériste. Éventuellement conditionnelle : « je couche
avec toi à condition que nous fassions logement et factures en
commun. » Ou bien encore à l'heure de la Grande Illusion
amoureuse. Si ça a l'air d'aller on se dit avec ravissement « c'est
peut-être le Grand Amour Miracle qui Arrange Tout ». Les
endorphines assoupissent plus ou moins la raison. Une aventure simple
et agréable devient un événement d'importance et la promesse de
durer indéfiniment. Le réveil de cette illusion sera douloureux. Il
n'existe pas de sentiment miracle. Le Grand Amour n'existe pas, sauf
dans des romans et des films.
Les doux ou
durs délires amoureux laissent la place à l'insatisfaction. On se
consolera avec diverses addictions et compensations. La propriété,
la nourriture, l'alcool, le tabac, le sucre, le sexe tarifé, la
violence... Tout sera bon pour oublier notre insatisfaction. Plutôt
que se remettre en question, droguons-nous pour oublier notre
souffrance !
C'est
seulement par une large prise de conscience que nous sortirons de tous ces
cercles vicieux. Ce texte prétend très modestement contribuer à
cette émancipation de l'Humanité. Émancipation qui la verra
se libérer du poids des chaînes d'une croyance passée. Croyance qui faisait
de l'homme l'unique acteur actif de la reproduction humaine.
Basile
philosophe naïf, Paris les 12 et 13 février 2019
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