Basile
Pachkoff
Favoriser
la renaissance de la fraternité festive mondiale
des
étudiants dans la continuité de la Corda Fratres
Il y a cent-vingt ans, le
24 novembre 1898 était proclamé à Rome la première Fédération
internationale des étudiants dite : Corda Fratres. Mots qui
signifient en latin « les Cœurs Frères ».
Ni politique, ni
religieuse, ni commerciale, ni humanitaire, elle prospéra sur les
cinq continents jusqu'en 1914 et compta des dizaines de milliers
d'adhérents. 10 000 aux États-Unis, autant en Italie, etc. En 1898,
l'étudiant turinois en fin d'études Efisio Giglio-Tos, fondateur de
la Corda Fratres, estimait à un demi-million le nombre total des
étudiants de la planète.
Puis, malgré son immense
succès initial, la Corda Fratres déclina, disparut et fut oubliée.
Sa disparition s'explique par ses quatre faiblesses majeures dans le
domaine organisationnel.
Les quatre faiblesses
organisationnelles de la Corda Fratres
Une société
apolitique très politique – La première erreur fondamentale
fut de concevoir une société apolitique construite sur la base des
nations. Or il n'y a rien de plus politique que les nationalismes. La
politique chassée par la porte revenait par la fenêtre. En effet,
qu'il s'agisse de fédéralisme, nationalisme, autonomisme,
indépendantisme, sécessionnisme ou du souvenir des guerres et
conflits passés, on revient toujours à la politique et on abandonne
l'apolitisme.
Prenez un étudiant de
Heidelberg, un de Louvain et un de Perpignan. Si vous dites en
parlant d'eux : « un étudiant allemand, un étudiant
belge et un étudiant français », vous ramenez la politique
avec le souvenir des conflits entre l'Allemagne, la France et la
Belgique. Tandis que si vous dites : « un étudiant de
Heidelberg, un de Louvain et un de Perpignan » vous évitez la
politique. Heidelberg n'a jamais fait la guerre à Louvain ou à
Perpignan !
Les étudiants eux-mêmes
se reconnaissent par leur ville, leur branche d'études et leur
école. Par exemple, un étudiant en médecine d'une faculté de
Paris se reconnaît d'abord comme étudiant en médecine, de ladite
faculté et de Paris, bien avant de se définir aussi comme Français
ou étranger.
L'erreur de structurer
par nations la Corda Fratres a été mise en évidence en 1905 par
Léon Delamarche, président de l'Association générale des
étudiants de Paris ¬
AGEP. Critiquant le mode de fonctionnement de la Corda Fratres, il
écrit que pour réussir, elle aurait dû :
- « ...pour cela, abandonner son ambition de centralisation excessive et de réglementation uniforme, répudier la complication inutile, et souvent gênante, de ses statuts. Il lui eût fallu également, afin d'éviter les querelles nationales, qui, se reproduisant à chaque congrès entre les étudiants des pays danubiens, y ont jusqu'ici empêché toute discussion pratique, adopter, au lieu du vote par États ou par nations, le vote par Universités. C'est cette organisation nouvelle que le président de l'Association de Paris, profitant de l'occasion d'une réunion franco-italienne, nombreuse et de la présence autour de lui de délégués de plusieurs associations provinciales d'étudiants préconisa au nom de ses collègues. »
L'erreur de la centralisation -– Cette complication
excessive résultait de la deuxième erreur fondamentale de la
structure « cordafratrine » : sa centralisation au
plan mondial. On peut se demander ce que peut signifier le fait de
vouloir faire payer à un étudiant de Bombay une cotisation
d'adhésion à une association internationale basée en Italie. Un
mouvement tel que la Corda Fratres aurait du reposer sur des sections
libres, indépendantes et autogérées, formant des nébuleuses
festives citadines. Chaque école a son identité propre, sa
représentation doit rester indépendante.
Le rôle mal venu des
anciens – Les jeunes aiment les anciens. Ils aiment aussi leur
indépendance. La troisième erreur fondamentale dans la structure de
la Corda Fratres est d'avoir voulu attribuer une partie du pouvoir de
direction à d'anciens étudiants. Ils formaient un « Sénat
des anciens ».
L'erreur francophile –
La dernière des quatre erreurs fondamentales affaiblissant la
Corda Fratres est l'amour de la France, la francophilie. Quand la
guerre éclate entre la France et les empires centraux en août 1914,
la Corda Fratres prend le parti des Français et tourne le dos à
l'apolitisme.
Destruction et oubli
de la Corda Fratres – Après toutes ces erreurs, le terrain
intérieur de la Corda Fratres est prêt à connaître la contagion
des luttes politiques violentes du début des années 1920 en Italie.
Le résultat de ces affrontements se solde par la liquidation de la
section italienne de la Corda Fratres. Elle est dissoute et ses biens
confisqués par le nouveau pouvoir fasciste. C'était la section mère
de la Corda Fratres. Elle jouait un rôle essentiel dans cette
organisation. La Corda Fratres disparaît et est oubliée jusqu'en
1999, année où paraît le premier livre consacré à sa riche
histoire. Il est en italien, d'Aldo Mola, et n'a malheureusement pas
été traduit en d'autres langues.
Comment j'ai connu la
Corda Fratres – J'ai eu la chance de la découvrir au début
des années 2000 en Italie. Ceci grâce à ma rencontre directe ou
téléphonique avec ses deux spécialistes et historiens italiens de
la fête étudiante : Marco Albera et Aldo Alessandro Mola. En
2006, j'ai décidé de raviver la flamme de la Corda Fratres. Mais
comment procéder ? Il m'a fallu douze années de réflexion et
d'actions festives pour parvenir à des propositions concrètes,
positives et réalisables.
Une renaissance
grandiose, réalisable et souhaitable
Un bilan à tirer pour
embellir l'avenir de la jeunesse universitaire – Il faut tirer
le bilan des erreurs du passé. Tout d'abord refuser catégoriquement
d'envisager une ou des structures sur une base nationale, fédérale
ou internationale. Il faut partir des villes. On ne parlera jamais
d'un étudiant français, mais par exemple d'un étudiant de
Strasbourg, Tours ou Paris. Aucune centralisation. La structure reste
familiale, basée sur l'autogestion, comme la famille l'a toujours
été. Et ça marche plutôt bien, depuis des milliers d'années.
Aucun pouvoir sur les jeunes donné aux « vieux ». Les
étudiantes et étudiants sont assez débrouillards et intelligents
pour se diriger seuls.
Aucun sentiment
surévaluant ou rejetant quelque peuple, ville ou pays que ce soit,
nous sommes tous ami(e)s. Sur ces bases, promouvoir, par exemple la
rencontre entre des tunas universitaires de Malaga, Madrid ou Porto,
et des fanfares étudiantes de Paris ou Bordeaux. Développer un
maillage affectif planétaire entre les étudiants en médecine du
monde entier. Susciter des voyages où les étudiants s'hébergent
les uns chez les autres, comme cela se faisait jadis dans la Corda
Fratres, etc.
Aux étudiantes et
étudiants d'agir !!! – Ce projet fraternel, festif et
universel est à développer. Il appartient à la jeunesse
universitaire de s'en emparer. Le faire vivre et fructifier. La Cité
internationale universitaire de Paris peut y jouer un grand rôle
pour relayer l'information dans de très nombreuses villes
universitaires de par le monde. J'ai initié ce projet il y a douze
ans. Nous mettrons le temps qu'il faudra. Mais nous arriverons à la
réussite. C'est pour moi une certitude.
Faisons du 24 novembre,
date de la proclamation de la Corda Fratres, la Fête mondiale des
étudiants. Et mutualisons toutes nos fêtes. Notamment le Carnaval
de Paris et le Carnaval des Femmes que j'organise à Paris. Les
étudiantes et étudiants du monde entier y sont les bienvenus. Et le
Carnaval des Femmes Fête des Reines des Blanchisseuses de la
Mi-Carême a été longtemps la fête traditionnelle des étudiantes
et étudiants parisiens, unis dans la joie, le carnaval et l'amitié.
Basile Pachkoff, ex élève des Beaux-Arts, Paris le 29
octobre 2018
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