jeudi 24 septembre 2015

417 A propos de la terreur intérieure

J'ai avancé le schéma historique suivant : au départ, quand ils sont à l'état natif, il y a des dizaines de milliers d'années d'aujourd'hui, les humains suivent leur instinct. C'est la seule source de leur comportement. Ils n'ont aucun besoin d'une quelconque industrie, étant les représentants d'une catégorie d'animaux qui n'ont pas de grands prédateurs. Une troupe de singes solidaires et mordeurs est moins attirante pour un lion ou un tigre qu'une antilope ou un lapin. Et, en cas de danger, les petits humains courent très vite pour pouvoir rejoindre le groupe des grands humains et se mettre sous leur protection. Puis, les humains vont développer le jeu. Par jeu, ils inventeront des choses. Ce qui va faire naître le savoir, le savoir erroné ou erreur et l'absence de savoir, c'est-à-dire l'ignorance. Et se développera alors un nouveau phénomène : la transmission du savoir, du savoir erroné et de l'ignorance. L'ignorance ayant pour particularité d'être transmise de manière passive. C'est parce qu'on ne transmet pas quelque chose que les autres savent, qu'on devient « ignorant ».

Le temps nécessaire pour chacun à la transmission suscitera un trouble majeur chez les humains : l'enfance prolongée. Alors qu'il est adulte vers l'âge de quatre ans, moment à partir duquel il sait se nourrir seul, l'être humain va être maintenu en dépendance morale, physique, intellectuelle, psychologique, affective, matérielle. Sevré tactilement et classée enfant pour de nombreuses années l'humain va connaître des conditions de vie très hautement perturbantes pour son instinct. Et, petit, les années, le temps, s'apprécie différemment. Une année d'un « enfant » vaut plusieurs années d'une grande personne . L'enfance prolongée entraînera la minorisation des jeunes et la majoration des anciens. La sortie de l'enfance prolongée, ai-je écrit, suscite la peur, la panique. Je dirais plus exactement à présent : la terreur intérieure. Pour la fuir, quantité de comportements naîtront.

Ils pourront faire appel à des choses que seuls les grandes personnes connaissent en temps normal, telles que les drogues, le coït, l'éjaculation, le pouvoir, l'argent, les jeux d'argent. Quand on voit le volume financier généré par la pornographie et la prostitution en direction des humains de sexe mâle on est impressionné par l'importance délirante et démesurée que notre société accorde à l'éjaculation. On dirait que certains individus même ne vivent que pour elle. Ce dérangement trouve sa source dans la fuite devant la terreur intérieure générée par la sortie de l'enfance prolongée.

Certaines femmes suivent ici le même chemin que nombre d'hommes. Il existe également une forme étrange de négation de la terreur intérieure consistant à faire des choix absurdes, adopter volontairement un comportement irrationnel et visiblement contraire y compris à ses propres intérêts. Ce comportement est d'autant plus éclatant quand il est le fait de personnes occupant de très hautes responsabilités. Commettre des actes absurdes, c'est d'une certaine façon nier appartenir au monde des grandes personnes, rester enfant en faisant l'âne avec énormément d'applications. Le choix des politiques austéritaires en Europe témoigne aujourd'hui de cette fuite devant la terreur intérieure chez nombre de politiques à très haute responsabilité. Ces politiques sont des humains, partageant la faiblesse de très nombreux autres humains.

Le choix de comportements absurdes pour nier sa terreur s'observe aussi dans le quotidien à très petite échelle. Je connais le cas de quelqu'un qui mange trop et est systématiquement toujours en retard. Il sait nuire à sa santé en mangeant trop. Mais trop manger et ne pas s'en faire, c'est être un autre qu'une grande personne. Être systématiquement et avec application en retard est aussi une manière de nier son identité terrorisée. Enfin, cette personne voue une adoration extrême à la consommation d'eau gazeuse. Cette adoration témoigne d'avoir fait de cette boisson inoffensive, une drogue. Elle est consommée ici avec autant de ferveur que pour d'autres de l'alcool. Fuir sa terreur intérieure génère bien d'étranges comportements. La terreur intérieure aux humains, fruit de leur sortie de l'enfance prolongée est un phénomène très pesant et omniprésent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 24 septembre 2015

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