mardi 22 septembre 2015

415 Le « couple modèle »

Un des adjuvants classiques pour conforter l'idée que quelque part dans le monde existe une personne unique et merveilleuse, totalement adaptée à vous, qui fera « votre bonheur », c'est « le couple modèle ».

A défaut d'avoir rencontré sa « moitié d'orange », on cherchera ceux qui ont la chance d'avoir déjà réalisé cette rencontre dont on rêve. Ou, plus exactement, ceux que vous pensez dur comme fer avoir déjà fait cette rencontre. Parmi l'entourage, ou dans les pages des magazines, vous identifierez un couple modèle, qui prouvera par son existence que la chose est possible...

X et Y connaissent le nirvana du « Grand Amour », donc, moi aussi, demain, je pourrais y arriver ! Car la réalité est là. Eux connaissent ça, alors pourquoi pas moi ?

Cette image d'Épinal est confortée insidieusement par un ensemble de discours, écrits et images. Tiens ! Par exemple, sur quantité de publicités apparaissent des couples jeunes, beaux, souriants, propres, sportifs, bien habillés, en pleine santé, avec de belles dents, pourvus de bambins superbes, surtout pas handicapés, moches ou la goutte au nez, ou qui pleurent et braillent.

Le « couple modèle » que vous avez identifié dans votre entourage ou dans les magazines est aussi illustré par le Niagara publicitaire qui nous agresse un peu partout.

On peut admirer « le couple modèle », on peut aussi devenir une partie du « couple modèle » vu par d'autres.

J'ai connu les deux situations. J'ai admiré un « couple modèle ». Et sans le savoir d'emblée, ai fait partie d'un « couple modèle » aux yeux d'une amie. Dans le premier cas, il s'agissait d'un couple jeune, beau, sympathique, etc. Je l'ai érigé dans ma tête en exemple de mon rêve réalisé. Ils avaient trouvé, eux. C'était « le bonheur » que j'espérais un jour trouver !

Bien des années plus tard, j'ai revu ce couple. Et pu constater que si leur union était visiblement durable et solide, c'était très loin d'être le bonheur. Toutes sortes de soucis classiques, notamment la jalousie dans leur entourage, faisaient qu'ils étaient loin de vivre une sorte d'Éden réalisé. Ils vivaient ensemble, s'entendaient bien, étaient sympathiques, point. Mais, s'agissant de leur quotidien, je ne m'y voyais nullement heureux en vivant comme eux. Ce n'était rigoureusement pas un « modèle » pour moi. J'aurais très bien pu m'ennuyer en vivant la vie qui convenait à ces deux personnes. Les prendre pour modèle était naïf et stupide. Cette constatation, j'ai pu la faire grâce au fait de ne pas les avoir perdu de vue.

Il y a longtemps, j'ai connu la situation inverse : j'ai été la moitié d'un « couple modèle » pour quelqu'un.

J'avais une petite amie et était loin de me trouver bien avec. Le jour où elle m'a quitté, j'en ai été soulagé. Et voilà qu'à mon grand étonnement, une amie me dit : « je suis surprise par votre séparation. Pour moi, vous étiez le couple modèle ! » Pour elle, mon « couple modèle » était le support du mythe de la moitié d'orange à trouver.

En fait, plutôt que chercher un alter ego fabuleux, commencez par vous trouver vous-mêmes. Et puis aussi, allez vers les autres, sans chercher chez eux le remède à un sentiment maladif de solitude, fruit amère et affolant de votre enfance prolongée.

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 septembre 2015

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