vendredi 27 décembre 2013

188 La goguette thérapeutique, réponse au problème du confinement des malades hospitalisés – Lettre à un médecin militaire

Cette proposition est issue de deux réflexions, l'une sur l'hôpital, l'autre sur le Carnaval.

D'une part, j'ai fréquenté assidument votre service à l'hôpital Percy durant plusieurs années, suite à l'hospitalisation d'une personne proche à laquelle je rendais visite. J'ai pu constater au cours de ces années le problème suivant : les malades qui sont hospitalisés pour une longue durée ou des hospitalisations brèves à répétition et qui reçoivent des visites, progressivement en reçoivent de moins en moins. Le résultat est qu'ils se tournent naturellement vers la fréquentation d'autres malades. Celle-ci reste encadrée, par exemple par l'interdiction faite à chaque malade d'en recevoir d'autres dans sa chambre. Cependant, le résultat est que le cercle d'amis tend à se résumer à des personnes qui ont des problèmes de santé importants. Et ça n'est pas forcément ce qui se fait de mieux pour le moral. Problème aggravé quand il s'agit de maladies psychiatriques. Et, quand ils quittent l'hôpital, les malades sont confrontés à l'isolement engendré par l'arrêt de leurs activités habituelles. Et de leurs relations qui ont cessé de leur rendre visite durant leur hospitalisation. Ce qui ne peut qu'influer négativement sur leur état de santé ultérieur. En particulier quand il s'agit de problèmes psychiatriques.

Quand j'ai été témoin de cette situation, qui se reproduit certainement dans d'innombrables établissements hospitaliers militaires ou civils de par le monde, je me suis interrogé sur la possibilité d'y remédier.

Ce qui m'a amené à chercher à adapter le résultat d'une autre réflexion pour résoudre ce problème.

Depuis plus de vingt ans j'étudie les formes d'organisation festive du Carnaval. Chose qui à ma connaissance n'avait pas été faite auparavant. Il se trouve que le Carnaval est particulièrement fort et développé dans la ville de Dunkerque et les villes alentours. Pour quelle raison ? J'ai mis dix-huit années pour trouver la réponse.

A Dunkerque et dans les villes alentours existe une forme d'organisation festive jadis courante en France. Et qui s'appelle généralement la goguette. Elle peut aussi porter d'autres noms.

La goguette est quelque chose de très simple qui a des conséquences énormes sur le plan festif et convivial. Il s'agit d'un groupe qui doit absolument rester petit, compter moins de vingt membres. Et ici, pour les groupes de Dunkerque et sa région, le nombre maximum s'établit à douze, excepté pour trois ou quatre sociétés d'ampleur plus importante.

Les goguettes se réunissent ponctuellement dans le but de passer un bon moment ensemble, boire, manger, bavarder, danser, chanter des chansons, créer des chansons.

Jadis en France il existait des milliers de goguettes, dont des centaines à Paris. A l'époque, le Carnaval était très grand et prospère à Paris et dans tout le pays.

Suite à l'augmentation du nombre de leurs membres, les goguettes ont disparu presque partout. Et ont ensuite été oubliées. Cette augmentation est intervenue à partir de 1835, date à laquelle elles furent autorisées à compter plus de dix-neuf membres. Auparavant, c'était formellement interdit en France de regrouper pour quelque motif que ce soit plus de dix-neuf personnes dans une société organisée.

Pour des raisons qui relèvent à mon avis de la nature-même, dès qu'un groupe humain atteint vingt membres, il perd son unité. Et souffre de quantité de soucis qui, à la longue, le font le plus souvent disparaître.

A Dunkerque et dans sa région ceci n'est pas arrivé pour des raisons circonstancielles locales.

Les goguettes étaient des goguettes de marins-pêcheurs. Les marins-pêcheurs de Dunkerque et sa région partaient chaque année à la pêche à la morue au large de l'Islande et de Terre Neuve dans de petits bateaux : les lougres. Les équipages de ceux-ci étaient de douze hommes.

Résultat de cette origine des goguettes, à Dunkerque et dans les villes alentours, elles sont traditionnellement restées petites. Pour un Dunkerquois, une goguette, appelée là-bas « société philanthropique et carnavalesque », doit évidemment rester petite.

Si on observe le Carnaval dans la région de Dunkerque, là où étaient les marins-pêcheurs, il est partout énorme et les goguettes subsistent. Dès qu'on s'éloigne un peu, par exemple jusqu'à Lille, il n'y a plus rien.

Cette forme goguettière m'a inspiré la réponse au problème du confinement des malades hospitalisés que j'ai pu observer à l'hôpital Percy.

Former des groupes de malades qui se réuniraient ponctuellement pour chanter des chansons.

Cette activité serait organisée en telle sorte d'éviter que des malades d'un même service forment la totalité d'une goguette. Ainsi, on éviterait le confinement ensemble pour chanter de malades relevant d'une même pathologie.

Ces groupes seraient encadrés par des bénévoles extérieurs intervenant à l'hôpital ou des membres des équipes médicales.

La pratique goguettière pourrait ainsi rejoindre d'autres activités développées au sein de l'hôpital pour maintenir ou relever le moral des malades.

Elle profiterait de la présence de certains malades plus naturellement animateurs que d'autres.

Reprendre en chœur le refrain de chansons chantées par certains. En créer des nouvelles. C'est possible. Et ne nécessiterait aucun financement particulier.

Cette pratique développée à l'hôpital Percy pourrait être étendue aux autres hôpitaux militaires de France, de l'étranger, aux hôpitaux civils.

La pratique goguettière en hôpital pourra donner aux malades l'envie de la poursuivre à la sortie de l'hospitalisation. Et réduire ainsi les risques d'isolement social qui sont engendrés par les longues hospitalisations.

Ma proposition est simple. Mais elle est le fruit de vingt années de réflexion et d'étude du Carnaval et de son histoire.

Si vous souhaitez que nous en parlions ensemble, je suis à votre disposition pour le faire.

Basile, philosophe naïf, Paris le 27 décembre 2013



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