C’est un chat
A qui la vie
Bien peu sourit,
Car il vit
Au royaume des souris
Grises
Ou bleu pétrole,
Et ne le sait pas.
Son destin le brise,
Il se désole.
Que m’arrive-t-il ?
Ai-je tiré pile
Alors qu’il fallait
Hélas
Tirer face
A la Grande loterie ?
Je suis malheureux,
Point ne rit,
Et n’ai pas d’amis,
Est-ce parce que
Je n’ai pas
La queue nue,
Le museau pointu,
Et ne suis pas gris
Ou bleu pétrole,
Et ne suis pas uni,
Mais rayé,
Tacheté.
Ô ma douleur !
Me voilà
Rempli de couleurs
Aussi variées
Que le ciel étoilé
Compte d’étoiles
Sur la toile céleste
Des aurores boréales,
Le jour du faramineux bal
Des feuilles automnales.
Elles tournoient, virevoltent
Et chutent innombrable,
Recouvrant, adorable
Les bancs
Et le sable blanc
Resplendissant.
Le long des mille canaux,
Routes
Et chemins vicinaux.
Qui serpentent
Dans les bois,
Les forêts
Et les jardins
Du Grand Empire
Des chats à six lunes
Rouges et prunes,
Et trois halos
De cuivre et bouleau.
Tant que je suis ainsi
Et pas autrement,
Disait le chat
Qui ne sourit pas
Au royaume des souris
Grises
Ou bleu pétrole,
Ça n’ira pas.
Et voilà que soudain
Il rencontre au bord du Jourdain,
Fleuve qui irrigue le pays des souris
Grises ou bleu pétrole,
Un autre chat tout aussi solitaire
Et désolé que lui,
Car il n’a pas d’amis.
Et alors tout s’arrange
Pour nos deux lascars,
Qui ne sont plus las
Car, ils sont heureux.
A les voir passer
On croirait voir gambader
Deux anges poilus
Qui dansent la farandole
Du bal des hippopotames volants
A la fête du chat orange
Aux yeux bleus de cristal
Moucheté de rouge corail
Et de céladon incarnat.
Pour nos deux nouveaux amis chats
C’est la fin de leurs déboires,.
Ils s’en vont vivre
Sur les bords de la Loire
De joie exaltée ils sont ivres.
D’autres chats arrivent
Passant par Lyon, Lourdes et Brives,
D’abord un, puis deux, puis trois,
Puis quatre, mille, un million de chats
Qui vivaient depuis toujours
Solitaires, tristes et sans amour,
Au royaume des souris
Grises
Ou bleu pétrole,
Et ne le savaient pas.
Et voilà que par millions les chats
Jubilent, s’étreignent, ronronnent et dansent
La grande farandole des Trois hiboux masqués.
Et le Grand Carnaval Extraordinaire commence
Et ne finira jamais,
Car les chats ont enfin trouvé leur bonheur
Dans l’amour, la joie et la fraternité.
Tout ceci est une histoire vraie.
Les deux premiers chats,
C’est toi et moi,
Deux félins
Faits l’un
Pour l’autre,
Qui ne savaient pas
Qu’ils vivaient
Au royaume des souris,
Où les chats
Comme toi et moi
S’ennuient
Et se demandent pourquoi
Quand on se remplit la panse,
Malgré toutes ces dépenses,
Ces mets, ces gâteaux,
Ces jardinières en paletot,
Ces festins de Balthazar,
Ces pâtes de coing au homard,
Ces raviolis à baldaquins
Mijotés dans du dakin,
Ces crèmes brulées au lard,
Ces boissons, ces compotes,
Ces huitres à la bergamote,
Dégustés avec goinfrerie,
Point de la vie on rit.
Jusqu’au jour où,
Miracle de l’amour,
On réinvente l’aurore,
On tue la mort
Et l’ennui,
La vie infinie
Prend son envol,
Quitte son nid,
Et n’est plus faite
De triste grise poussière d’or,
Mais de nuages de pourpre,
Pluie d’étoiles multicolores,
Comètes d’argent
Et de platine,
Accompagnées
Par des rassurants accords.
C’est le fascinant quatuor
Et les chœurs sonores
De la caresse
Du vent du printemps
Qui traverse
Avec tendresse
Le feuillage tremblotant
Des acacias verdoyants
Et des bouquets d’amarante.
C’est également
Le doux bruissement du courant
Des rivières murmurantes,
Au fond de la vallée
Des scarabées
Et des sources claires
En pays d’harmonie
Un paisible soir d’été.
Cette musique féérique
Est admirée, on l’aime
Partout et même
Au fond des cuisines
De meringue, praline
Et massepain
Du pays lointain
Des nains pâtissiers
Enchantés et retrouvés.
Et alors enfin,
Miracle de l’amour,
A tous les chats valeureux
Qui étaient jadis malheureux,
Égarés au royaume des souris,
La vie sourit
Pour l’éternité.
Youpi !
Ici finit mon récit
Et commence
La vie.
Basile philosophe naïf
Paris, les 4, 5 et 6 décembre 2020
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