vendredi 23 mai 2014

249 Communication, mots et caresses

Seule l'invraisemblable carence sensuelle (au sens de caresses, câlins) et tactile de notre société empêche de voir le caractère caricaturale et misérable de la pornographie. Étudier cette dernière se révèle instructif. Je regardais une vidéo pornographique très bien réalisée d'une vingtaine de minutes et me disais : "cette vidéo est un produit de notre société. Elle est donc nécessairement bancale quelque part." Pour réussir à l'analyser et réaliser l'évidence d'emblée non apparente, il m'a fallu la revisionner une douzaine de fois dans les semaines qui ont suivi. Quelquefois je coupais le son. J'observais non les actes mais les physionomies des personnes filmées. Au final, le diagnostic est des plus simples : un homme a environ deux mètres carrés de peau. Ici, la surface impliquée se résume à une bouche et un pénis en érection. Pour les femmes, au sexe et à la bouche, on ajoute les seins. Et c'est tout. On ne touche pas ou pratiquement pas au reste.

La pornographie est un sous produit de la prostitution. Dans cette dernière l'activité se résume à quelques actes précis et tarifés. Dans la pornographie lesdits actes sont représentés. Mais, dans les deux cas, il ne s'agit pas de communication, ou alors des plus sommaires.

On a fait de quelques gestes sexuels des activités indépendantes et séparées du reste. Malheureusement cette manière de croire communiquer fait partie de l'éducation reçue par beaucoup.

De cette mystification relève également le propos comme quoi la "perte" de ce qu'on a baptisé "la virginité" marquerait l'entrée dans un âge baptisé "adulte". C'est une parfaite ânerie.

Une très jeune fille me questionnait un jour sur l'âge où j'avais connu ladite "perte" et disait qu'elle escomptait se débarrasser de sa virginité l'année suivante. J'ai été amené à lui dire que cet événement n'était pas si important que ça.

Un boniment fréquemment entendu est que l'acte sexuel serait merveilleux, suprêmement agréable, etc. Ce mythe a la peau dure. En fait, il en est de l'acte sexuel comme d'innombrables autres activités : admirer un paysage, faire une promenade, manger un repas. Est-ce à chaque fois merveilleux ? Pas forcément, des fois et rarement oui, le plus souvent pas et ça laisse un souvenir plus ou moins marquant.

A une certaine époque, et encore pour certains, la virginité était ou est toujours une valeur sûre. Aujourd'hui ce serait plutôt l'obligation de baiser qui serait une valeur sûre. Si on ne baise pas, on est "coincé", "on ne profite pas de la vie", "on passe à côté de quelque chose", etc. D'où va surgir un débat truqué : pour ou contre la baise ? Non, contre l'obligation de baiser et le refus des câlins, telle sera ma position. Et la baise dans tout ça ? C'est une bien petite chose à propos de laquelle on peut aviser en temps utile.

La pensée dominante actuelle brame que nous devons avoir envie de baiser. Ne pas en avoir envie serait manquer de "bonne santé sexuelle" ! Serions-nous alors malade ? Le "manque de désir" devrait se soigner ! Quelle farce ! Et si nous n'en faisons pas une pendule, il faudrait s'en inquiéter pour l'autre : son ou sa "partenaire". On croirait entendre parler d'un sport, le tennis, par exemple. Ce ramassis d'âneries confine à la prétention à nous "soigner". Les "soignants" se faisant payer, évidemment, ne remettront pas en question ce discours à implication éminemment lucrative.

La réalité est toute autre : le trouble affectif causé par le manque affectif trouve parfois sa compensation dans la baise plus ou moins boulimique. Puis, quand on vit à deux, le manque affectif s'efface et la sexualité se remet à bien fonctionner, d'où chute du "désir" compensatoire. Tout va mieux, on n'a plus envie de galipettes surnuméraires. L'idéologie dominante intervient alors pour assimiler cette remise en ordre à un problème de santé. Et voilà comment on fait d'une amélioration une maladie. Surtout que les câlins, les caresses par elles-mêmes, dans le discours officiel n'existent pas ou si peu. Ce serait soi-disant là des annexes de l'acte sexuel :  des préludes, préliminaires... il y a de quoi être mort de rire devant cette présentation aveugle, insensible et ridicule de la réalité. Aucun mammifère n'a envie de baiser toute l'année, l'homme ne faisant pas exception. Sauf que très souvent il cultive plus ou moins bien et en permanence une extension maladive du désir. Qui témoigne de son manque affectif et du bourrage de crâne de l'idéologie dominante. L'amour, et par contrecoup la sexualité, et finalement l'homme et la femme en général, sont les grands perdants victimes de cette situation.

Dans le domaine de la communication, notre culture, notre éducation font que nous sommes comme les usagers d'une langue tributaire d'un dictionnaire, dont il manquerait quatre ou cinq volumes avec les mots correspondants. C'est même pire, car ce sont des catégories entières de mots qui nous font défaut.

Sauriez vous dire en français : dormir avec un adulte ou aimer cet adulte sans que cela ramène le principe de la baise obligatoire ? Non, les mots n'existent pas pour le dire.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 mai 2014

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