Imaginons une femme
jeune, belle et seule. Elle rêve de rencontrer un homme pour une
brève aventure, ou pour vivre avec lui durant un laps de temps plus
long, ou bien encore pour faire sa vie avec et fonder une famille.
Dans tous les cas, elle souhaite naturellement rencontrer le
meilleur. Il faut qu'il soit jeune et beau et aussi encore d'autres
choses.
Faut-il qu'il ait de
l'argent ? Voyons un cas de figure. Une jeune femme a une
activité professionnelle qui lui plaît beaucoup mais qui est très
peu rémunérée, voire aléatoire. Elle veut conserver cette
activité. Elle veut aussi disposer pour vivre d'un appartement
spacieux, avec une salle de bains, bien situé dans Paris. Pour
disposer d'un tel logement il y a alors trois possibilités. Ou bien
les parents de la femme en question sont riches et le lui offre. Ou
bien elle hérite d'un tel appartement. Ou bien l'homme avec lequel
elle décide de vivre dispose d'un tel lieu de vie à partager avec
elle.
Si c'est la troisième
possibilité dont va bénéficier cette femme, il sera extrêmement
mal vu de dire que cette femme est intéressée.
Revenons-en à l'homme
que choisit la femme pour compagnon. Il faut qu'il soit jeune, beau,
disposant d'un espace de vie confortable, et aussi soit agréable et
sympathique. Je suis agréable et sympathique. Mais n'ai aucune
chance auprès de la femme imaginée plus haut. Pourquoi ? Parce
que je suis à ses yeux vieux, pas particulièrement beau et mal logé. Si je
m'intéressais visiblement à une telle femme, elle aurait vite fait
de me rembarrer. À moins
qu'elle soit amoureuse de moi.
J'ai eu l'occasion avec deux jeunes et jolies femmes de leur dire récemment que je les aimais beaucoup mais ne le désirais nullement, ce qui est vrai. Je me suis attiré leurs foudres en retour. Bien que n'étant ni sentimentalement, ni sexuellement attirant pour elles, elles ont très mal pris mon propos. Et m'ont, chacune à leur façon, fait un procès d'intention. J'avais beau affirmer ne pas les désirer, selon elles, je les désirais quand-même. Ce comportement apparemment absurde connaît deux explications.
La première est la plus
évidente. En déclarant ne pas désirer ces femmes je remets en
question leur pouvoir de séduction.
La deuxième raison est
moins immédiatement évidente. Je l'ai baptisé « le
garde-manger sentimental ». La femme rêve du meilleur. Elle
craint cependant aussi de ne pas parvenir à la réussite. Rester
seule ou se retrouver finalement seule. Alors il lui restera au choix
l'un des hommes qui la désirent depuis longtemps sans espoir. Ces
hommes elle en a fait une sorte de garde-manger sentimental pour les
vieux jours, en cas de famine.
Mais si les hommes du
garde-manger sentimental s'en échappe, il ne reste plus aucune roue
de secours sentimentale pour finir sa vie avec quelqu'un. D'où le très mauvais
accueil fait à mon propos : « je t'apprécie beaucoup
et ne te désire pas ».
Si vous êtes un homme
gentil et sympathique, vivant seul, sachez que sans le savoir vous
êtes peut-être ainsi rangé dans le garde-manger sentimental d'une
ou plusieurs dames.
J'avais voulu répondre
aux deux dames qui m'ont nié l'affection non sexuelle que je leur
voue. Finalement je ne leur répondrai pas. Je me contenterai
d'écrire ce texte explicatif, qu'elles ne liront probablement pas.
Basile philosophe naïf,
Paris le 26 janvier 2019
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