vendredi 10 mars 2017

730 Georges, Lena, Ginette, Salomé et Christa

Mes futurs parents, Georges et Hélène dite Lena, se sont mariés civilement le 26 juin 1937 à la mairie du XIVème arrondissement de Paris. Chargée par ma future mère d'envoyer les faire-parts, sa mère exprès n'en a envoyé aucun. Ainsi, à ce que m'a dit ma mère, quantité de ses amis se sont fâchées n'ayant pas été invités. Si j'en crois ma mère, la mère de Georges aurait supplié son fils à genoux de ne pas se marier et attendre deux ans durant des « fiançailles ».

Mes parents se sont mariés contre la volonté de leurs parents. Ce fut un mariage d'amour en des temps où plus souvent encore qu'aujourd'hui les mariages étaient guidés par des intérêts.

Résultat, on coupa les vivres à mes futurs parents. Ils eurent six enfants dont deux morts en bas âge durant la guerre. Je suis le petit dernier.

Vers 1944 Lena toucha un important héritage de son père, que mes futurs parents dilapidèrent allégrement et agréablement. Cinq mois de vacances à la montagne chaque année. Mon père s'était découvert la vocation de « peintre de haute montagne ». Résultat : ma mère restait à torcher les mômes dans la vallée, cependant que notre artiste courait les refuges de haute montagne et pas que.

J'ai retrouvé une lettre de mon père, non envoyée et adressée à une certaine Ginette adorée avec laquelle il avait, disait-il, passé trois merveilleuses journées...

Quand je devais naître, en 1951, ma mère m'a raconté que mon futur père était reçue par une artiste, Salomé V. Celle-ci le recevait en étant au lit. Manifestement cocue ma mère naïvement n'y voyait que du feu.

Mon père jouissait d'une entière confiance, aveugle, de sa femme. Et puis arriva Christa. C'était en 1965. Ma mère avait cinquante-huit ans et mon père cinquante-six.

Christa était une Autrichienne blondasse aux yeux bleus, de grande taille, qui avait vingt-six ans et travaillait dans le même bureau que mon père, au Centre national de la recherche scientifique, 15 quai Anatole France à Paris. Mon père raconta un jour avec émerveillement à ma mère avoir partagé à la cantine avec Christa un yaourt. Ce fut le yaourt de trop ! Ma mère en conclut à son infortune cocufière... Christa habitait à Paris 5 rue des Vertus, ça ne s'invente pas. Et voilà ma mère partie errer rue des Vertus ou cherchant à espionner son mari et entraînant avec elle moi et ma sœur.

De ce moment-là l'amour aveugle de ma mère pour mon père se métamorphosa en hostilité. Mon père restait amoureux de sa femme et le restera toute sa vie en dépit de ses Ginette, Salomé et autres Christa.

Cet amour durant le long d'une vie m'a forgé une vision très absolue de l'amour et la croyance en ce que le monde entier recherchait un tel amour.

Ce n'est que tout dernièrement, depuis un jour ou deux, que j'ai réalisé la folie de ma généralisation. Non, les hommes et les femmes du monde entier ne recherchent pas le plus souvent l'amour. Mais un certain confort familial et sexuel dont l'argent n'est pas absent. Le Prince Charmant ? Oui, mais avec un contrat de travail à durée indéterminée, un appartement en accès à la propriété et une voiture confortable et spacieuse. Sinon, ce n'est pas le Prince Charmant. Argument suprême pour plaider le désintéressement : « je ne veux pas d'un homme que je devrais entretenir ». Donc l'homme qu'on va « aimer » doit avoir des sous.

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 mars 2017

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