dimanche 5 février 2017

721 Comment j'ai redécouvert le toucher

Dans ma famille passé la petite enfance les câlins n'existaient pas. J'ai quelques souvenirs de ceux-ci. Un où je dois être très petit et fais beaucoup des bisous à ma mère. Et des épisodes où on me glisse une main par le col de mon vêtement, quand je suis assis, et on me la passe vite à même la peau de mon dos. Ces caresses très agréables cessent brusquement un jour. J'en suis contrarié, ne comprend pas la raison de cet arrêt, mais n'ose rien dire ou réclamer à ce sujet.

Adulte, j'ai redécouvert le toucher à une date bien précise. En 1986, j'avais alors trente-cinq ans, un ami rencontré à l’École des Beaux-Arts a souhaité m'offrir un stage de massages. Celui-ci se passait durant un week-end dans un vaste appartement du treizième arrondissement de Paris.

Nous étions environ une dizaine de participants dont seulement trois hommes. La dame qui organisait le stage nous a sagement prévenu d'emblée que « ce n'est pas sexuel » et que les massages qu'elle nous enseignerait éviteraient les parties génitales.

Partant de ces principes ainsi énoncés, le stage pu commencer. Durant tout ce week-end nous sommes restés nus. Il ne s'est rien passé d'ambigu ou d'orgiaque, le cadre a été respecté. Et ce modus vivendi particulier a donné des résultats intéressants, inattendus et surprenants.

J'ai pu constater qu'il existait visiblement une affinité dans le toucher. Une des jeunes femmes présentes, amie de la fille de la responsable du stage, elle aussi présente, n'avait rien de spécialement attirante pour moi. Mais au contact de ses mains je ressentais bien plus d'agréments qu'avec les autres participants.

Ayant beaucoup d'appréhension vis-à-vis de l'homosexualité, ayant grandi dans une famille très homophobe, j'ai pu masser un homme sans que cela me pose un problème. Même chose avec un second homme qui n'avait pas caché dans ses propos qu'il était homosexuel. Le contact de la peau de ces deux hommes était pour moi neutre. J'ai ce faisant dépassé quelque part une peur que l'homophobie familiale avait engendré en moi.

La « neutralité sexuelle » fort heureusement adoptée par tous dans le cadre de ce stage a eu une conséquence surprenante par rapport au fonctionnement habituel de notre société. Au nombre des participantes il y avait une grande et belle jeune fille de dix-sept ans blonde aux yeux bleus. A plusieurs reprises, nous retrouvant face-à-face de près nous nous serrions spontanément dans nos bras avec beaucoup de plaisir, sans aucune connotation « sexuelle » dans notre geste. C'était de la tendresse pure. Je n'éprouvais aucun « désir », même pas celui de faire plus attention au contact de certaines parties corporelles, comme les seins de cette jeune fille, qui étaient bien développés.

Un soir, l'homosexuel de notre groupe nous a quitté pour aller dormir ailleurs. Au moment de nous séparer, l'idée de lui serrer la main nous a tous fait rire. Il paraissait évident qu'on ne pouvait pas ne pas se faire la bise. La tendresse nous avait rendu meilleurs.

Durant les quinze jours qui ont suivi ce stage de massages, je n'ai éprouvé aucune attirance ni pour la pornographie ou l'érotisme, ni pour la masturbation.

J'avais à l'époque une petite amie. Mes érections sont devenues inhabituellement dures comme du bois durant peu de semaines. J'aurais du m'abstenir de continuer à pratiquer la sexualité habituelle et inappropriée de notre société. Mais j'étais ignorant à l'époque de l'erreur qu'elle représente. J'avais redécouvert le toucher, mais j'avais aussi encore beaucoup de chemin à parcourir.

Basile, philosophe naïf, Paris le 5 février 2017

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