mardi 2 février 2016

513 Réponse à une lectrice

Une lectrice de mon blog me faisait part des dérangements que lui causaient la lecture de certains passages de mon blog. Élevée dans une morale traditionnelle elle avait vécu et vit toujours harmonieusement et heureuse dans son cadre familial. De son bonheur je ne peux que me féliciter. Mais mon blog ne prétend pas traiter d'un cas précis, le sien ou quelqu'un d'autre, mais de la situation générale que j'ai vécu, vis et vois vivre autour de moi. Il est fréquemment répondu à ceux qui vivent mal en particulier en amour, que ce sont là des questions personnelles à résoudre individuellement et de préférence en toute discrétion. Mais quand des problèmes « personnels » similaires sont vécus par des millions de gens, il ne s'agit plus de problèmes originaux, mais de l'expression individuelle de problèmes généraux. Quand je vois une situation qui m'interpelle, je m'interroge pour savoir en quelle mesure et de quelle façon elle reflète au niveau individuel un problème général. Et comment est celui-ci. Et comment pourrions-nous tenter d'y remédier.

Notre société dans le domaine amoureux est la cause d'une multitude de suicides ou tentatives de suicides, violences allant jusqu'au meurtre, mésententes, tristesses, disputes, troubles les plus divers. Combien de jeunes gens et jeunes filles qui avaient apparemment « tout pour être heureux », suite à une contrariété amoureuse mettent fin à leurs jours ? Et cela sans problèmes graves ou maladies cachées, simplement après une très quelconque et très ordinaire déception amoureuse.

On m'a rapporté deux exemples terribles. Un conducteur du métro de Paris voit quelqu'un se jeter sous sa rame. Freine, mais lui passe dessus. Se précipite pour voir et aperçoit une jeune fille écrasée sous les roues qui s'exclame : « pourquoi j'ai fait ça ? pourquoi j'ai fait ça ? » et meurt. Le conducteur a dut ensuite être emmené à l'hôpital. Deux jeunes employés du métro bavardaient il y a quelques années dans une rame. J'ai saisit une bribe de conversation. Un jeune homme assez choqué racontait qu'il avait été présent dans une station où une jeune fille de 19 ans s'était suicidée. On avait extrait le corps, placé dans une sorte de linceul. Il était à côté et soudain le téléphone portable de la morte avait sonné glaçant toutes les personnes présentes. Le jeune homme concluait en disant que ce suicide était certainement dû à un chagrin d'amour et que c'était classique.

Combien de personnes souffrent de la solitude ? La compensent avec la présence d'un animal familier ? Combien d'anciens pour lesquels l'ultime joie quotidienne en maison de retraite se réduit au goûter ?

Notre société vit sous la dictature de l'hypothèque sexuelle. Quantité de gestes, situations, propos, seraient sensés conduire obligatoirement à la recherche du coït. Résultat, entre autres, cette hypothèque accroit et renforce l'isolement, le verrouille. Pour éviter les ennuis, les équivoques, les situations scabreuses, on s'isole. Dans la rue ou le métro parisiens il est courant de remarquer, si on y prend garde, que quantité de jolies filles qui se déplacent seules, ont peur. Car elles vivent quotidiennement un éreintant harcèlement commis par un troupeau d'imbéciles hallucinés. Un ami artiste peintre m'a raconté ce qu'il a vu et l'a choqué. Il était resté de nombreuses heures au jardin du Luxembourg peindre des aquarelles. Et avait constaté que plusieurs puants crétins faisaient inlassablement le tour du jardin pour aborder systématiquement et importuner les jeunes filles assises seules sur un banc ou un siège. C'était il y a vingt ans. Ça n'a pas changé. Dernièrement une amie quadragénaire me disait qu'à force d'être harcelée elle avait renoncé à aller seule au parc des Buttes Chaumont. Paris reste une ville interdite aux jolies filles seules la nuit de minuit à quatre heures et demi, cinq heures du matin. Ou alors elles peuvent se déplacer, mais à leurs risques et périls. Et avec ça on prétend vivre dans un monde civilisé ? Bien sûr, pour nier l'insupportable situation chez nous on citera les horreurs d'ailleurs. Mais l'un n'excuse pas, ni n'annule l'autre.

Il existe même des hommes qui croient déroger à leur dignité d'homme s'ils n'emmerdent pas les jolies filles. Quelqu'un me disait il y a trente ans : « Même si tu n'en as pas envie, il faut chercher à draguer les jolies femmes, sinon tu les vexe. » Et ce quelqu'un paraissait intelligent « par ailleurs ».

Pour se donner « bonne conscience », on dira que les problèmes d'inconduites masculines avec les femmes sont créés chez nous par des personnes « qui ne suivent pas la morale. » Mais la société est un tout. Et les choses les meilleures comme les pires sont liées. Pour agir positivement il faut identifier les faiblesses dissimulées dans notre morale.

Notre société vit sous le règne d'une sexualité dominante, hypertrophiée, institutionnelle et délirante. Ainsi, par exemple, elle a décrété qu'être « nu » était « sexuel », allait de pair et était une invitation au coït. C'est totalement faux et cette règle dérange plus d'un. Elle a aussi prétendu que les réactions génitales étaient le prélude au coït, généralisation qui est la plus grande ânerie égarante qui soit.

Remettre en question les imbécilités dominantes c'est améliorer nos vies. Et aussi, peut-être, commencer à trouver le chemin pour résoudre quantité de douloureux problèmes apparemment sans solutions autres que théoriques.

C'est pourquoi je m'attache à des petits faits, apparemment sans grande importance, qui témoignent des contradictions propres à notre société. Ce qui fait que ces petits faits rapportés et mon commentaire peuvent déranger plus que leur importance secondaire formelle. Notre société française et parisienne a par exemple fait tout un plat de la nudité publique. Elle n'est pas la seule. Mais voilà que je me déplace de quelques centaines de kilomètres. Et vois que dans les grands parcs à Berlin on peut sans problèmes se mettre nu en public. Et que même certaines personnes ensuite rentrent chez elles en marchant en ville dans cette tenue. Sur les plages du nord de l'Allemagne et de la Scandinavie tout le monde est nu. Alors, comment se fait-il qu'entre deux pays proches, la France et l'Allemagne, il y ait un tel décalage ? Des petits malins ont même réussit à trouver et diffuser la photo en noir et blanc de trois jeunes filles en train de bavarder tranquillement en tenue adamique. Celle du milieu est devenue depuis chancelière de la République fédérale d'Allemagne. Il ne semble pas que la publication de ce cliché ait causé quelque scandale que ce soit. C'est une scène courante sur les plages d'Allemagne et même dans les grands jardins publics dans les grandes villes.

Vivre nu est très agréable et pas seulement en vacances au soleil sur une plage naturiste au bord de la mer. Quand on en prend l'habitude, on devient nettement moins frileux. A une époque où quantité de personnes ne se sentent bien qu'à partir d'une vingtaine de degrés de température, on se trouve bien à la longue même avec seulement une dizaine de degrés de température. Cette nudité domestique, innocente comme celle du nouveau né qui vient de naître, contribue aussi à faire oublier et se débarrasser du carcan de la sexualité dominante, hypertrophiée, institutionnelle et délirante. Il est bon et bien de retrouver la Nature cachée en nous. Ce qui n'interdit pas de respecter les règles du milieu où l'on vit. Et se présenter aux autres toujours habillé.

La possibilité existe-t-elle de l'avènement d'une société humaine idéale débarrassée de toutes violences et respectueuse de chacun ? Je souhaite qu'elle soit possible, sans savoir si c'est vraiment le cas. Ce qui est certain, c'est que tous les projets de sociétés prétendant d'être « idéales » ne répondent pas à ces grands problèmes que sont la solitude, le manque d'amour, l'absence de câlins. Ces projets parlent de tout un tas de choses mais évitent de parler de ça. Soi-disant qu'il n'y aurait rien à faire de possible pour améliorer cette situation. Et laissent à chacun le soin de se débrouiller tout seul. Le résultat ne paraît pas très convainquant, avec notamment ses nombreux suicidés. C'est pourquoi il faut chercher et chercher encore à mieux comprendre la condition humaine et essayer de trouver des solutions pour améliorer celle-ci. Rien n'est plus grand et plus beau que réduire la souffrance humaine et assurer un plus grand bonheur au plus grand nombre possible d'humains.

Basile, philosophe naïf, Paris le 2 février 2016

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