mardi 26 mai 2015

379 Halte à la dégénérescence de la Civilisation !

Le travail n'est pas une valeur en soi. Le travail n'a de valeur que s'il sert à quelque chose d'utile. Il peut également être nuisible en servant à produire des choses nuisibles. Et le repos, les « loisirs » ne sont pas une mauvaise chose. Vivre, c'est aussi contempler, rêver, ne rien faire, pour faire mieux ensuite. Ou simplement se reposer, bavarder, rire, chanter, festoyer ensemble, danser, écrire un poème, se promener, faire du sport, écouter de la musique, faire une sieste en caresses avec sa copine ou son copain, s'amuser. Le but de la vie c'est vivre. Ce n'est pas « en chier ». Quoiqu'en prétendent certains qui ont beaucoup de loisirs et voudraient voir d'autres en permanence à la peine parce que ce serait « juste » et « indispensable ». Même quand ça ne sert à rien. Même si ça nuit.

Lutter pour les loisirs est un combat de longue date. En France, en juin 1936, quand une grève générale de deux millions de travailleurs allait arracher la semaine de quarante heures, la CGPF versait des larmes de crocodile. Cette revendication satisfaite allait faire naufrager économie et Civilisation ! Obtenue et avec une semaine de congés payés en plus, cette revendication n'a rien fait naufrager du tout. Elle a été une avancée de la culture, du bonheur, de la Civilisation.

La CGPF, mais qu'est-ce que c'est ? C'était le nom de la Confédération générale du patronat français. Qui s'est rebaptisé par la suite : CNPF, Confédération nationale du patronat français. Qui est devenue et est encore à présent le MEDEF : Mouvement des entreprises de France. Qu'est-ce que le MEDEF ? C'est une organisation politique qui regroupe à peine huit pour cent des patrons, dont les plus riches. Et qui affirme représenter les chefs d'entreprises en général. Il a l'oreille de tout un tas de gens que l'or et le pouvoir ne laissent pas indifférents.

Monsieur le ministre, pour vos décisions économiques suivez mon conseil. Plus tard, vous aurez une place dans le Conseil d'administration de mon entreprise. Et toucherez des jetons de présence. C'est-à-dire du bon argent. A utiliser ensuite en toute légalité comme bon vous semblera.

Les « brillantes compétences reconnues » des anciens ministres leur valent souvent des places en or dans l'industrie privée. Ne cherchez pas à comprendre pourquoi. Il s'agit d'un renvoi d'ascenseurs.

Quand, en 1936, en dépit des larmes hypocrites de la CGPF on obtint la semaine de quarante heures et les congés payés en France, comment était l'économie ? Il y avait des machines à vapeurs, de très nombreux paysans, avec des attelages de bœufs et des chevaux de trait dans les campagnes. Et quantité des travaux s'effectuaient à la main. Par exemple, dans les épiceries de quartier les épiciers fabriquaient eux-mêmes des confitures qu'ils vendaient. Avec des dénoyateurs, ils dénoyataient les cerises à la main pour faire les confitures de cerises. A la campagne les paysans montaient à la main, au bout de leurs fourches, les bottes de paille dans les greniers. En ville, à la campagne, bien des couturières cousaient encore à la main. Et arrivaient à en vivre. On produisait du charbon. En 1936 et jusque dans les années 1960, dans des magasins parisiens on grillait le café. En 1936, tout était plus lent. L'informatique n'existait pas. On connaissait juste les machines mécanographiques à fiches perforées dont l'emploi commençait. Les voitures en France étaient rares et très chères. La vie était différente. C'était un tout autre monde qu'aujourd'hui. Un paysan pouvait vivre avec deux vaches. Il était pauvre. Mais ne mourait pas de faim. Aujourd'hui, avec quarante-cinq vaches il a du mal à s'en sortir. Et elles ne mangent souvent plus de l'herbe, mais du granulé. Comme le monde a changé depuis 1936 et pas que pour l'alimentation des vaches !

Aujourd'hui, grâce à l'informatique et aux progrès techniques qu'elle est loin, la semaine de quarante heures ! On vit très bien. Et on ne travaille plus que douze heures par semaine. On prend sa retraite à quarante ans ! Comment ? Ça n'est pas ça ? On travaille... trente-cinq heures et souvent plus. On prend sa retraite à soixante-six ans ? Et il est question de la prendre demain à soixante-sept ? Mais, c'est quoi ce délire ?

Comment se fait-il qu'en dépit de l'informatique et tous les progrès scientifiques et techniques on continue à travailler tant et parte de plus en plus tard à la retraite ? Où est le problème ? Pourquoi travaille-t-on encore autant et si longtemps ? Et où va toute cette productivité ? A quoi peut-elle bien servir ? Si elle sert à quelque chose.

D'abord au gaspillage. On produit et détruit. 70 à 80 % des fruits et légumes frais français, vendus trop chers et restés invendus finissent à la poubelle. Il y a aussi les guerres, qui ne servent à rien et détruisent beaucoup, y compris des humains. Dans ce domaine, rien n'a changé. La sottise humaine est toujours aussi forte, et l'industrie d'armements florissante. Notre président est très fier de se faire le vendeur d'avions de guerre. Il fait vivre l'industrie d'armements. Qui sert à tuer des gens.

La production anti-écologique et destructrice de la Nature comme celle de l'huile de palme donne aussi du travail. Cette saloperie est cultivée à la place de forêts qu'on détruit. Et ensuite vous et vos enfants la bouffez.

Le travail en excédent sert aussi à produire de l'excédent de richesses. Les milliards que les milliardaires amoncèlent dans leurs coffres, à quoi servent-ils ? A strictement rien, sauf à satisfaire leur superficielle vanité. Sans compter leurs dépenses inutiles et dispendieuses : voitures de luxe en quantité, montres hors de prix, résidences où on ne met les pieds que deux jours par an, etc.

L'excès de travail, la durée trop longue de celui-ci, les retraites tardives, contribuent aussi à créer le chômage de masses avec la misère et le désespoir de masses.

Une perversion de la Civilisation consiste dans l'uniformisation forcenée. Alors que la diversité fait la richesse du monde, de mauvais esprits s'acharnent à uniformiser ce qui n'en a pas besoin. Quand j'étais petit, dans les années 1950-1960, on trouvait à Paris des pommes en vente. Peu chères, d'aspect misérable et bonnes au goût. La catastrophe a commencé avec le calibrage : il fallait que toutes les pommes soient approximativement de la même taille. On y est parvenu. Les pommes appartenant à une catégorie donnée en vente à Paris sont aujourd'hui approximativement toutes de la même taille. Très décoratives, elles n'ont également aucun goût. Ou alors une saveur préfabriquée, identique. Il existait un certain nombre de variétés de cerises. Il n'y en a plus que très peu, très décoratives et hors de prix. On cherche a u-ni-for-mi-ser, tout... même les seins des femmes. On voudrait les uniformiser avec des machins munis d'armatures baptisés hypocritement « soutiens-gorges ». Qu'on devrait plutôt appeler caches-seins-uniformiseurs. A présent, pour aggraver la démarche : c'est au bistouri qu'on égalise les seins. Frankenstein au pays des mamelles.

Tous ces efforts nuisent. Ne servent pas. Coutent beaucoup d'énergie. Produire, produire, produire, croitre, croitre, croitre, devenir compétitifs... Alors qu'il faudrait prendre les problèmes à l'envers et poser d'abord la question : de quoi avons-nous besoin ? Et de quoi n'avons-nous pas besoin ?

De par le monde on construit des tours les plus hautes possible. La vanité, le lucre et la stupidité commandent ces « exploits » techniques. Qu'on arrête et qu'on retourne aux petites maisons ! Hier soir, un ami pas vu depuis longtemps, me disait que habitant à la campagne il avait pour voisins « chevreuils et sangliers ». Il en était tout fier et heureux. Il avait bien raison.

Qu'on arrête les hémorragies d'efforts. Qu'on se repose un peu. Que ceux qui veulent qu'on produise toujours plus dans un monde qui n'en a pas besoin ; que ceux qui veulent devenir toujours plus riches alors qu'ils n'en ont pas besoin soient pris en charge par la médecine. Et que ces enrichisseurs à tous prix d'eux-mêmes et appauvrisseurs du reste du monde nous laissent enfin en paix !

Basile, philosophe naïf, le 26 mai 2015

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