Mais de quoi ? Quelle
maladie ? Comment la définir ?
On prend alors une bonne
pelletée de symptômes apparemment liés. On la déverse dans un
grand sac. Puis, on trempe son doigt dans un encrier et on indique
dessus le nom de la maladie susdite. Ce qui donne : « psychose
maniaco-dépressive ».
Un nom à faire peur aux
néophytes. « Psychose » fait penser à des fous, et
« maniaco » rappelle « maniaque ». Si on est
peu au fait du jargon médical, on pense alors à des monstres
agresseurs d'enfants ou ce genre de choses.
Par la suite, les initiés
trouve le nom adopté pour la « maladie » beaucoup trop
long. Ils vont utiliser juste les initiales, ce qui donnera : « P.
M. D. » Pas de quoi s'étonner.
Si vous fréquentez le milieu médical, vous constaterez qu'on y
affectionne l'usage d'abréviations en tous genres : le bloc
opératoire, par exemple, c'est « le bloc ». On ne dit
pas « la chirurgie », mais « la chir ». Et un
médecin spécialisé en anatomie-pathologie devient « un
anapat' ».
Puis, le temps passe et
la « P. M. D. » change d'appellation. On ne parle plus
alors que des « troubles bipolaires » ou de la « maladie
bipolaire ». Les malades deviennent des « bipolaires ».
Ce nouveau nom est même encore abrégé en « bipo ».
Sympa, non ?
Mais, au juste, qu'est-ce
exactement la maladie en question, d'où vient-elle, quelles sont ses
origines, ses causes ?
Ben... à dire vrai... on
n'en sait fichtre rien.
Jadis les femmes
enceintes attrapaient souvent la fièvre après leur accouchement et
mouraient. Les médecins disaient qu'elles étaient victimes de la
« fièvre puerpérale ». Ce qui donnait l'impression
qu'ils comprenaient quelque chose au phénomène. En fait, ils n'y
comprenaient rien. Et le mot « savant » qu'ils
utilisaient et qui en mettait plein la vue aux néophytes, signifiait
tout simplement « fièvre des accouchées ». Autant dire
rien de plus que ce que tous le monde constatait : la température
des accouchées montait et elles mouraient ensuite, point.
Avec la « bipolarité »,
c'est la même chose aujourd'hui. On ne sait pas d'où proviennent
les troubles. On met juste un nom dessus en donnant l'impression
d'avoir avancé ainsi pour comprendre ce qui arrive.
On dit soigner les
« bipolaires ». Mais si vous prétendez soigner une
personne agitée ou dépressive en lui assenant un coup de matraque
sur la tête, la soignez-vous ? Non, bien évidemment.
C'est exactement ce qui
se passe aujourd'hui avec les personnes soignées pour des troubles
« bipolaires ». Mais en plus subtil : la matraque est
chimique. Le résultat est le même.
Si une personne dont
l'humeur est troublée se retrouve en permanence abrutie, démotivée,
endormie par des drogues baptisées « médicaments », ça
va beaucoup mieux. Son humeur n'est plus troublée. Elle ressemble
aussi ainsi beaucoup à un légume. Et même un gros légume, car ces
« médicaments pour bipolaires » transforment fréquemment
les « malades » en bibendums. Ils ouvrent l'appétit et
entraîne le manque d'activité. On engraisse aussi les veaux en les
gardant en stabulation. J'ignore si on leur ouvre aussi
artificiellement l'appétit. En tous cas, le résultat de leur
inactivité est la même que pour les « bipolaires », mis
à part qu'on n'envoie pas ces derniers à l'abattoir.
Je ne jette pas la pierre
au corps médical. Il est patient, rempli de bonne volonté et les
drogues, quand elles arrêtent une crise, peuvent sauver la vie à
des malades qui se seraient sinon suicidés. Mais elles ne les
soignent pas et ne les guérissent pas non plus. Telle est la
désagréable réalité. On ne soigne pas les « bipolaires »,
car on ne sait pas les soigner. On les drogue. Jadis on enchaînait
les fous. On a fait un progrès, car la brutalité physique directe a
reculé, mais le fond de l'acte est identique.
Certains personnes vont
chercher l'explication de la « bipolarité » dans la
génétique. On trouve des bipolaires apparentés à d'autres
bipolaires. Mais à cela on peut rétorquer deux choses : d'une part,
il y a beaucoup de « bipolaires » en général, ce qui
rend probable d'en retrouver plusieurs dans une même famille.
D'autre part, il peut s'agir non d'une maladie présente
potentiellement dans une même famille, mais simplement d'une
sensibilité, une fragilité plus grande, qui favorise à l'occasion
l'arrivée des troubles « bipolaires ».
D'où peuvent provenir
ces troubles ?
Pour le savoir, il faut
comprendre en quoi ils consistent. Donner des explications chimiques
ne répond pas aux interrogations. C'est comme si on déclare que la
quantité d'eau diminue dans une casserole en ignorant qu'elle est
posée sur un réchaud allumé. On annonce une conséquence en
ignorant la cause et ses effets précis : le feu, l'ébullition et
l'évaporation. C'est seulement en identifiant la cause, le feu
allumé, qu'on peut chercher à agir directement et efficacement sur
elle.
L'humeur bonne ou
mauvaise de nous tous ne dépend que plus ou moins de ce qui nous
arrive. Il en est de même pour l'appétit. On peut avoir faim quand
n'a pas besoin de manger, et alors trop manger, grossir, se rendre
malade. Inversement, on peut ne pas avoir faim quand on a besoin de
manger, et alors ne pas manger, maigrir, s'affaiblir, se rendre
malade. Avec l'anorexie, cela peut aller jusqu'à la mort.
De même, nous pouvons
être triste alors que tout va bien et joyeux alors que tout va mal,
sans pour autant être classé « bipolaire ».
Il y a plusieurs années,
j'ai entendu dire que notre appétit était réglé par un organe
baptisé « adipostat ». Quand il se déréglait, notre
appétit se déréglait. Pour essayer de comprendre ce qui arrive,
avançons l'hypothèse de l'existence d'un organe comparable, réglant
les humeurs en général. Nous l'appelleront « humeurostat ».
Les troubles
« bipolaires » seraient le résultat de son dérèglement.
Pourquoi ceux-ci surviendraient et comment parvenir à y remédier ?
Notre humeur serait au
moins en partie réglée par nos besoins primitifs, c'est-à-dire les
besoins du singe qui vit toujours en nous. Quand ceux-ci sont
perturbés, peut arriver un dérèglement de l'humeur. Prendre
conscience de la forme de ce dérèglement permettrait d'y remédier.
Cette prise de conscience expliquerait la guérison inexplicable et
spontanée d'un faible nombre de malades dits « bipolaires ».
Les troubles « bipolaires » pourraient trouver leur
origine dans le sevrage calinique.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 27 octobre 2012
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