Il existe en France un
immense problème écologique et environnemental jusqu'à présent
pratiquement totalement méconnu de tous les responsables politiques
et du grand public : l'anéantissement programmé de la plupart des
races domestiques agricoles.
La diversité génétique
de la France dans le domaine des animaux de la ferme est
exceptionnelle. Par exemple, les immenses troupeaux bovins argentins
comptent 4 ou 5 races représentées, contre 47 au milieu des années
1990 en France.
L'imbécilité politique
a fait qu'il a été projeté et adopté en 1966 en France une
loi-cadre de l'agriculture qui programmait la disparition de la quasi
totalité des races domestiques françaises.
Pour prendre l'exemple
des bovins : seuls devaient être conservées les Charolais et les
Limousins comme races allaitantes (c'est-à-dire : races à viande)
et pour le lait, la Prim'Holstein (nom nouveau de la FFPN : Flamande
Française Pie Noire) et un peu de Normande...
La résistance à cette
politique dévastatrice commence alors.
Les éleveurs savoyards
voyaient condamnées les races locales Tarine ou Tarentaise et
Abondance. Or, celles-ci, adaptées à leur terroir, ont leur lait
attaché à de fameux fromages traditionnels. Les éleveurs savoyards
firent barrage à la politique gouvernementale stupide et
destructrice et préservèrent leur patrimoine bovin.
Ailleurs, les choses se
passèrent très mal : vingt races locales de porcs s'éteignirent.
Dans le domaine caprin,
la catastrophe était organisée en haut lieu : de toutes les races
de chèvres, seuls devaient subsister la Saanen, pour le lait,
l'Alpine chamoisée, pour la viande et l'Angora pour la laine.
Au nombre des races
condamnées par les technocrates parisiens se trouvaient la chèvre
du Poitou, la chèvre de Provence, la chèvre de Savoie, la chèvre
du Massif central, la Chèvre des Fossés...
La Chèvre du Rove,
élevée dans la région de Marseille et importée de Grèce dans
l'Antiquité, faisait partie du nombre.
Un éleveur passionné,
Alain Sadorge, s'est attaché à la sauver. Il y est parvenu. Mais
l'épuisement de la lutte, les multiples vexations subies, la
liquidation de son troupeau survenue dans des conditions suspectes,
eurent raison de sa santé. Il mourut subitement et prématurément
en 1990. C'est un martyr de la cause écologique. Son nom doit
devenir un jour célèbre, saluons sa mémoire.
D'héroïques techniciens
agricoles, que j'ai eu le plaisir de rencontrer, cherchèrent à
limiter la catastrophe.
Michel Luquet a sauvé
trois races porcines locales. Laurent Avon a payé de sa poche
l'achat de vaches de la race de Villars-de-Lans et a pu sauver ainsi
la race bovine traditionnelle du Vercors dont il est originaire.
La bataille pour
préserver le patrimoine génétique agricole en France a été et
reste extrêmement difficile.Un certain nombre de races ont échappé
à la destruction. D'autres sont toujours menacées. D'autres ont
disparu.
Il y a douze ans, Laurent
Avon m'expliquait comment sa lutte au niveau des officiels et médias
se traduisaient par du blabla officiel et de « beaux articles » de
presse sans lendemain. L'essentiel se jouait sur le terrain et avec
les moyens très limités dont disposaient ceux qui agissaient
vraiment.
Il cherchait à l'époque
à repérer les derniers spécimens de chèvres du Massif Central.
J'ai réussi à lui fournir l'information recherchée en écrivant à
la gendarmerie de Haute-Loire.
Aujourd'hui le problème
à résoudre est le suivant : il existe un potentiel formidable de
sympathie pour les races d'animaux de ferme menacées de disparition.
Il n'y a pas de crédits
pour agir.
J'ai eu l'idée suivante
: une race pourrait être adoptée par une collectivité locale.
Par exemple : un
département, une ville, une région.
Ainsi parrainée, la race
serait sauvée grâce à l'aide de cette collectivité.
On peut imaginer une
ville bretonne parrainant une des trois races bovines bretonnes
menacées de disparition. Et pourquoi pas Paris, la ville de France
où il y a le plus de Bretons ?
Clermont-Ferrand pourrait
adopter le chien, la chèvre du Massif Central, menacés de
disparaître.L'idée paraît de prime abord loufoque. En fait,
elle est seulement nouvelle et extrêmement raisonnable.
Par ailleurs, ces races
menacées pourraient être présentées en parade lors de la seule
fête parisienne traditionnelle à caractère agricole : la promenade
du Bœuf Gras, le Carnaval de Paris.
Dont la seizième édition
est programmée le dimanche 10 février 2013.
Le public parisien
adorerait.
Cette journée de
Carnaval et fête populaire serait proclamée : Journée de la
diversité génétique agricole. D'autres manifestations pourraient
voir le jour ailleurs en France, où dans de très nombreuses villes
existaient jadis un cortège du Bœuf Gras. Ce serait la rencontre
festive et fraternelle entre le monde citadin et le monde agricole.
Enfin, dernier élément
: Laurent Avon a imaginé que la Ville de Paris pourrait créer une
laiterie parisienne à l'ancienne, favorisant la préservation de la
race bovine locale : la Française Flamande Pie Rouge, de race pure
et non mélangée à d'autres races proches, chose que fait son UPRA
(Union d'éleveurs) depuis quelques années.
Ce problème des races
domestiques agricoles en liquidation a de multiples facettes :
patrimoniale, génétique, gastronomique, patriotique, et même
artistique : quand on regarde une vache de race pyrénéenne dont les
effectifs sont des plus réduits et qui a failli disparaître, on
voit une très belle et fine vache et pas un de ces monstres
bodybuildés à peu goûteuse et très abondante viande qui font la
vedette au Salon de l'Agriculture.
Basile, Paris le 30 mai
2012
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