Il y a fort longtemps,
l'homme a découvert que l'ensemble des animaux, dont lui, mourait
inévitablement. Chose qui contrariait son instinct de survie et fit
naître en lui une peur collante et terrorisante. Le fait d'éprouver
à tous âges et tous moments la peur de mourir a mis l'homme dans un
état psychologique permanent où il se sent menacé de disparaître.
Ce qui génère en lui plusieurs troubles : il nie et rejette tout ce
qui lui rappelle son animalité périssable. Les caresses, l'acte
sexuel, l'accouchement, l'allaitement, la miction, la défécation et
la mort doivent rester cachés. Il en a peur, en est gêné. Les
organes génitaux-urinaires, l'anus, la partie du sein qui sert à
allaiter, doivent être cachés à la vue, y compris à l'occasion
par de microscopiques bouts de tissus baptisés « vêtements de
bains ». Le sexe de la femme et l'érection masculine doivent
absolument rester cachés.
La Nature, abusée par sa
peur, génère chez lui un désir permanent et obsessionnel
d'accouplements pour se reproduire et sauvegarder l'espèce. Ce qui
amène contradictoirement la recherche frénétique de l'acte sexuel
et la dissimulation de celui-ci. De très nombreux mâles humains
harcèlent sexuellement les femelles humaines. Le viol est très
répandu. Incapables de satisfaire leur recherche permanente d'acte
sexuel, les mâles humains se masturbent énormément. Pour cela, ils
utilisent une quantité extraordinaire d'images pornographiques, dont
plus de la moitié de l'activité d'Internet.
Pour échapper à la
mort, l'homme cherche à se créer une identité survivante. Quelques
exemples :
Je me disais, au début
des années 1980 : « Je suis un poète ». Donc,
j'écrivais des poèmes et les diffusais par photocopies. C'était
mon activité identitaire. Pourquoi ? Parce que ainsi, cessant d'être
simplement moi, périssable, je devenais autre chose, de beaucoup
plus abstrait et intemporel : le poète, dont les œuvres mises sur
papier dureront bien plus longtemps que la durée de ma vie.
Une dame très
sympathique que j'ai connu disposait d'un bon travail, intéressant
et bien payé. Un bel appartement spacieux et confortable, des amis
et des loisirs enrichissants et gratifiants. Mais, ayant la
possibilité de vivre confortablement et sans soucis, elle se noyait
dans le travail, sans y être obligée. Pourquoi ? Elle me dit un
jour que c'était « pour laisser une trace de son passage sur
Terre ». En résumé, la peur de sa propre mort vue comme une
disparition totale et absolue se trouvait sublimée par l'excès de
travail. Ce qui avait pour double résultat de la fatiguer - quand on
est fatigué on pense moins, - et de pouvoir se dire : « ce que
je fais élargi ma réalité. Au lieu de n'être que moi, périssable,
je suis également le résultat de mon travail, qui me survivra ».
En politique, un élu
s'identifie à la création d'un immense aéroport inutile. Il veut à
tous prix le voir réalisé. Pourquoi ? Parce qu'il a le sentiment
que s'il meurt demain, il se survivra à travers le béton des pistes
et les atterrissages d'avions dans un siècle et plus. Son désir
absurde d'aéroport à tous prix vient de sa terrible peur de la
mort. Son aéroport, c'est l'Ayraultport de la Mort.
La peur de mourir est la
source de cette agitation humaine que nous avons baptisé
« civilisation ».
La vraie vie c'est avoir
foi en l'au-delà, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est
aussi les jeux, le rêve, la liberté, la poésie, la fête et
l'amour. Ceux qui s'opposent aujourd'hui à l'aéroport de
Notre-Dame-des-Landes au nom de la vie, représentent la vie, face à
l'aéroport, qui représente la mort.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 28 novembre 2012
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