Nous avons fait dans la
rue un bout de chemin ensemble. Il a eu l'occasion d'ajouter ceci :
« je suis rescapé trois fois de Verdun. Ma génération était
formidable ! Elle avait le sens du devoir, mais, que voulez-vous ? on
lui a demandé de remettre ça deux fois en vingt ans... »
Il voulait bien sûr
parler de la déclaration de guerre en 1939, vingt ans après
l'Armistice de 1918.
La notion de devoir, je
l'ai connu, elle est très étrange et je voudrais rappeler ici ce
que c'était.
Elle consistait en ce que
l'on devait faire quelque chose, même si c'était absurde,
pénible, dangereux, improductif, visiblement contraire à nos
intérêts. Pourquoi donc néanmoins le faire ? Parce que c'était
accomplir ainsi son inexplicable « devoir ».
Cela fonctionnait comme
un véritable conditionnement qui interdisait de se questionner.
A part en tous cas
ailleurs que dans Paris ou dans certains milieux particuliers, cette
notion du « devoir » telle qu'elle existait encore dans
les années 1960 s'est à présent totalement évaporée. Si on nous
dit de faire quelque chose, il faut un justificatif, une explication.
Le « devoir »,
dans le sens ancien, est presque complètement passé de mode dans
notre société. On n'en parle plus. Le sens usuel actuel est
infiniment moins contraignant, sauf chez les policiers ou militaires
qui doivent obéir à la loi et aux ordres, sans discuter, même au
péril de leur vie. Ce genre de devoir impératif n'existe plus
ailleurs. Ce qui ne signifie pas que la masse des gens soit plus
libre pour autant. Car le « devoir » a bien souvent été
remplacé par la manipulation des esprits. Pour s'en convaincre il
suffit de lire un journal quotidien ou regarder un journal télévisé,
et écouter ensuite la conversation d'une personne sous leur
influence. Quand elle est manipulée, elle croit choisir et décider
ce que d'autres ont choisi et décidé pour elle et dans leurs
intérêts à eux.
Il faut savoir rester
nous-mêmes et nous protéger des sirènes extérieures.
Ainsi, j'ignore tous les
nombreux appels directs ou indirects à la haine que je rencontre. Je
ne les écoute et les lis même pas, ou guère. C'est une question
d'hygiène mentale. Quand des intentions sont sales, on évite de
marcher dedans avec son cerveau. Et il y a tellement de belles choses
et gens dans le monde par ailleurs. Écouter des voix, lire des
écrits, voir des images, c'est comme parcourir de beaux jardins où
sont disposés des pièges en divers endroits. Pour bien se diriger,
il faut savoir ne pas laisser prendre son cœur dans ces pièges.
Entendre, lire et voir ce qui nous intéresse vraiment. Et éviter
les paroles, écrits ou images qui pourraient parasiter notre pensée.
Et savoir que notre
premier devoir est d'être heureux et rendre heureux les autres. Ce
qui est la première chose à faire pour se rendre heureux soi-même.
C'est possible et ce ne
sont pas d'autres qui nous indiqueront notre chemin, que nous sommes
seuls à pouvoir chercher et trouver. Le bonheur, c'est aujourd'hui,
tout de suite, pas demain, dans vingt ans, ou après la fin de la
« crise » !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 4 novembre 2012
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