Aujourd'hui, au côté
des grandes religions traditionnelles, chrétiennes, juive, musulmane
et autres, existe et prospère une grande religion dont la prospérité
est plus récente et qui ne dit pas son nom. Elle prétend ne pas
être une religion, reposer sur « la Raison », un concept
supérieur, et s'opposer à toutes les croyances, qui
représenteraient par rapport à elle des rêveries idiotes et des
sentiments infantiles.
Cette grande religion
fait d'une chose définie par elle comme la « matière »
- en fait le non-Dieu,
- la base de tout. Et du « néant » le point de
départ et retour de tout y compris nous-mêmes.
De ce fait, n'offrant
aucun espoir face à la mort, la grande religion en question n'est
absolument pas stimulante et peut être baptisée « religion du
désespoir », ou encore « matérialisme scientiste »,
en référence à son principe universel magique « la matière »
et ses prêtres, astronomes et scientifiques en général (pas tous
les astronomes et scientifiques).
La religion matérialisme
scientiste prétend donner aux humains un réconfort existentiel en
fait totalement creux. Ainsi les rodomontades hégéliennes : « tout
ce qui naît est digne de périr ». Quelle belle jambe cela
peut faire à un humain qui chie dans son froc à l'idée
d'inévitablement crever et disparaître, l'idée que la perspective
de sa mort qui le terrorise est drapée dans une mystérieuse
« dignité » ? Tu vas crever, mais, réjouis-toi, tu es
digne de crever !
Au début des années
1970, je lisais un article de Pierre Lambert, farouche matérialiste,
qui rendait hommage à son ami et camarade Paul Hirzel mort en 1968.
Je relevais une phrase (je cite de mémoire) : « matérialiste
convaincu, seule une intense préparation a permis à Paul Hirzel
d'affronter la mort ». Je restais perplexe. Quelle préparation
? Justement, le matérialisme scientiste n'offre aucune
perspective à ses adeptes face à la mort ! Les diverses autres
religions oui, pas celle-là !
Si je me souviens bien,
le scientifique et vulgarisateur Hubert Reeves cherche à nous
consoler de notre disparition à venir par le fait que nous serions
composés de « poussières d'étoiles », qui se
retrouveront plus tard composantes de nouvelles étoiles... Belle
consolation ! En tant que consolation, c'est désolant et risible.
On trouve encore, de ci,
de là, des propos sur le sujet relevant d'une mystique à deux
balles : l'homme est comme une vague de l'océan de la vie, qui lui
se perpétue. Ou encore, la vie se poursuit à travers le cycle du
carbone, etc. Et moi, dans tout ça ? Bêtises impuissantes que ces
« consolations »-là !
Les balbutiements du
matérialisme scientiste se retrouvent dans des textes religieux mal
rédigés ou mal traduits. Ainsi, la célèbre phrase biblique « tu
es poussière et tu redeviendras poussière ». Un jour, j'ai
parlé avec un jeune homme qui m'a dit qu'un de ses amis, rabbin
spécialiste de la Bible lui avait dit qu'en fait les mots employés
à l'origine avaient deux sens : un sens symbolique, mystique, et un
sens littéral. Et qu'en fait, au lieu de « poussière »
on devait lire « subtil ». Ce qui fait que la phrase en
question devenait : « tu es subtil et tu redeviendras subtil ».
Le « subtil », autrement dit l'âme. Exactement le
contraire du sens matérialiste proposé habituellement.
De la religion
matérialiste scientiste j'ai été bien longtemps un fidèle adepte.
Puis, j'ai changé, il y a trente ans, et j'écris ce texte
aujourd'hui pour expliquer pourquoi et comment je suis devenu croyant
en autre chose, de bien plus stimulant que « la religion du
désespoir ».
2 - Moi et ma mort
Quand j'étais enfant, élevé
dans un cocon familial hyper-protecteur, la mort, ma mort, n'était
pas un souci. Elle me paraissait si lointaine ! A des années
lumières.
Sauf un jour, je devais avoir six ans. Il me passa dans la tête l'idée suivante : « je change à chaque instant. Donc, d'une certaine façon, je meurs à chaque instant. Y compris maintenant, donc ma mort est immédiate. Dans un instant moi, je serais mort et laisserais la place à un autre moi, différent. »
Sauf un jour, je devais avoir six ans. Il me passa dans la tête l'idée suivante : « je change à chaque instant. Donc, d'une certaine façon, je meurs à chaque instant. Y compris maintenant, donc ma mort est immédiate. Dans un instant moi, je serais mort et laisserais la place à un autre moi, différent. »
J'étais dans mon lit,
couché depuis pas très longtemps. Cette perspective de ma mort
inévitable et à l'instant, de mes morts à répétition, m'affola
considérablement. Je me levais, descendis l'escalier menant de la
loggia où était mon lit et retrouvais mon père qui n'était pas
couché et était réveillé, dans la cuisine du logement familial.
Je lui expliquais le
motif de mon affolement, de ma peur. Je ne me rappelle pas ce qu'il
me répondit exactement. Je crois qu'il a éludé la réponse à mon
interrogation. Toujours est-il que ses propos calmes et rassurants,
son calme à lui, effacèrent ma crainte et je suis parti me
recoucher tranquillement.
Des années plus tard, je
l'interrogeais sur la mort, pour moi sujet abstrait, que je sentais
extérieur à moi-même. Il me raconta un joli récit sur les âmes
qui se retrouvent à tourner autour de la Terre, faisant référence,
si je me souviens bien, aux croyances théosophiques.
Ces belles histoires
paraissaient jolies comme des contes et me satisfaisaient pleinement.
Les années passèrent.
Je me souviens que, s'agissant de la mort, je regardais les passagers
de la rame de métro où je me trouvais, et plus d'une fois, me
faisais la réflexion : « comme c'est curieux, tous ces gens
que je vois là, eh bien, dans 100 ans, ils seront tous morts ! »
Je ne m'incluais d'aucune
façon dedans. Voyant la scène plus comme un spectacle extérieur
que comme un théâtre dont j'aurais été partie prenante. Je
n'ajoutais pas : « et moi aussi ». L'idée ne m'en venait
même pas.
Et un jour, cela changea,
je perdis ma tranquillité. Je m'en souviens très bien, c'était au
début de 1968. J'allais avoir dix-sept ans bientôt. La pensée
terrifiante me vint : « je vais mourir un jour. Et alors, je ne
vais plus exister, je ne pourrais même plus penser. Je n'existerais
plus ! Horreur ! »
Et me voilà envahi par
une peur terrible. J'en suis malade de me voir ainsi appelé à être
précipité inévitablement dans le terrifiant néant de la
non-existence !
La peur me colle. Je
n'ose avouer mon tourment à l'entourage. J'ai peur, peur, peur... et
cela ne s'arrête pas. J'en ai cru même que je devenais fou,
tellement j'étais mal.
Ma famille se soignait à
l'homéopathie. Je cherchais dans un ouvrage d'homéopathie le remède
à ma folie. J'identifiais un médicament : « Stramonium ».
Je demandais à ma mère de me l'acheter, sans dire pourquoi. La peur
paralysait y compris l'expression verbale de celle-ci, tant ma mort à
venir paraissait terrifiante, implacable et sans appel possible.
J'ai pris des granules de
Stramonium, que ma mère acheta à la pharmacie. Et, suite à cela ou
pour une autre raison, ma peur passa.
Mais, elle allait
revenir. Par période d'une semaine environ, survenant de temps en
temps sans prévenir.
Je me retrouvais alors
absolument terrorisé par l'idée fixe que j'allais mourir,
disparaître, ne plus penser, ne plus exister.
Ces périodes où la peur
m'empêchait-même de dormir, je les baptisais d'un nom à moi :
« déprite ».
Je fais de la déprite,
me disais-je alors. Cette peur était terrible.
Je n'en parlais à
personne. Je me souviens que le soir de mon arrivée en vacances au
camping de La Bérarde, en 1982, j'ai eu une trouille telle dans ma
tente, que le temps de me précipiter aux sanitaires, j'avais
effectivement « chié de peur » dans ma culotte.
Mais, pour rien au monde,
je ne souhaitais adhérer à une quelconque croyance mystique
rassurante. J'étais farouchement attaché à « la Vérité ».
Quand bien-même celle-ci m'apparaissait terrifiante, je préférais
rester dans la vérité que chercher à croire à des âneries
rassurantes quelconques.
Au cours de ces années,
de 1968 à 1983, une seule fois j'ai sollicité un appui extérieur
face à mes frayeurs existentielles épisodiques. Un soir où, en
pleine crise de déprite, je rentrais au domicile familial avec ma
mère, je lui avouais que j'avais peur. Peur de quoi ? De la mort,
lui ai-je répondu. Elle s'est esclaffé et m'a répondu : « que
veux-tu, le Bon Dieu a fait mal les choses ».
Je l'ai entendu aussi une
autre fois, en 1981, parlant à une personne endeuillée de notre
entourage. Elle ne faisait qu'acquiescer à ce que perdre quelqu'un
ainsi, « c'était terrible ».
Et rien pour me rassurer.
Je remarquais que ma mère, qui n'était pas du tout croyante, avait
éprouvé le besoin, pour répondre à ma question, d'user des mots
« le Bon Dieu ». C'était bien curieux.
Mes périodes de déprite
se finissaient à chaque fois au bout d'environ une semaine, huit
jours, disparaissant d'elles-mêmes. Mais menaçant de reparaître à
un moment ou un autre.
Fidèle de la religion
matérialiste scientiste, je tremblais et en même-temps restais fier
de mon attachement à « la vérité » si terrifiante
soit-elle...
Cela changea finalement
et je vais raconter comment.
3 - Une question de
Cosmologie
Mon frère aîné, baptisé
Georges, que nous appelions Ababay - et plus tard, après 1961-1962,
appellerons Youri, - était très jeune mordu d'astronomie.
En 1952, âgé de treize ans, il devint le plus jeune membre de la Société Astronomique de France fondée en 1887 par le grand astronome et vulgarisateur Camille Flammarion.
En 1952, âgé de treize ans, il devint le plus jeune membre de la Société Astronomique de France fondée en 1887 par le grand astronome et vulgarisateur Camille Flammarion.
Mes parents, avec Ababay,
fréquentaient les conférences de vulgarisation de cette société.
C'est ainsi que je me
retrouvais, grâce aux échos de cette fréquentation, baignant dans
un milieu familial où j'entendais des conversations dont je ne
comprenais pas tout, loin de là, mais qui éveillaient ma curiosité.
Un sujet accrocha mon
attention : la Théorie de la Relativité d'Albert Einstein.
Je demandais à mon père de me l'expliquer. Il tenta de le faire,
parlant d'un « microbe sur une boule », d'un univers
« qui se recourbe », où « en partant d'un point de
départ on s'y retrouve après avoir cherché à s'en éloigner ».
Je ne trouvais pas ces
propos satisfaisants, insistais et continuais à ne pas comprendre la
fameuse théorie en question.
Devant l'échec visible
de ses explications, mon père me dit que je n'avais qu'à écrire à
l'Observatoire de Paris. Ils sauraient bien me répondre.
En 1958, j'ai donc écris
une lettre adressée à André Couder, un fameux astronome de cet
observatoire dont mes parents et mon frère aîné connaissaient bien
le nom.
Mon père m'a laissé
écrire tout seul. D'abord au stylo. Puis, pour améliorer, il m'a
conseillé de la taper à la machine. Je crois que c'est lui qui m'a
dit de le faire, à moins que j'en ai eu moi-même l'idée.
J'ai donc introduis une
feuille de papier dans la vieille machine à écrire Remington
portable 1939 de ma mère et copié ma lettre manuscrite.
Elle était bourrée de
fautes d'orthographe. Précision indispensable : mes parents ne
m'avaient pas mis à l'école et mon écriture était plutôt
phonétique.
A la fin de ma lettre, j'ai signé avec mon prénom et mon nom. J'ai voulu taper ensuite : « 7 ans ». Mais j'ai fais une faute de frappe et tapé le 7 juste après mon nom, sans mettre un intervalle. Ce n'était rien. J'ai retapé un autre 7 et mon père s'est chargé, avec une lame de rasoir, de gratter le premier 7. Il a presque complètement disparu. Mais il restait à sa place un 7 tout pâle.
A la fin de ma lettre, j'ai signé avec mon prénom et mon nom. J'ai voulu taper ensuite : « 7 ans ». Mais j'ai fais une faute de frappe et tapé le 7 juste après mon nom, sans mettre un intervalle. Ce n'était rien. J'ai retapé un autre 7 et mon père s'est chargé, avec une lame de rasoir, de gratter le premier 7. Il a presque complètement disparu. Mais il restait à sa place un 7 tout pâle.
Et ma lettre est partie.
Quelques temps plus tard,
un jour où il fait beau, on frappe à la porte de l'atelier
d'artistes où je vis avec ma famille. Deux jeunes filles inconnues
se présentent. Elles sont envoyées par l'Observatoire de Paris.
Elles apportent la
réponse à ma lettre ! Mais pourquoi ne pas l'avoir envoyé par la
poste ?
A cause du fameux premier
7 ! Quand ma lettre est arrivée à l'Observatoire de Paris, ils ont
lu après ma signature un 7 tout pâle suivi d'un 7 normal, d'où le
dilemme suivant : cette lettre bourrée de fautes d'orthographe
émane-t-elle d'un vieillard de 77 ans ou d'un enfant de 7 ans ? Nous
étions en 1958, à l'époque 77 ans c'était comme 95 ans en 2013.
Et, à un ancêtre ou un enfant écrivant une telle lettre on ne
pouvait donner une même réponse !
Donc, ces deux jeunes
filles étaient venues s'assurer de la nature du correspondant.
M'avisant, quand on leur dit que j'étais l'auteur de la lettre,
elles m'ont remis une enveloppe contenant la réponse à mon
courrier. Elles avaient je suppose sur elles une autre réponse,
adressée au vieillard.
Pendant que les grandes
personnes de ma famille bavardaient avec les deux jeunes filles, j'ai
ouvert l'enveloppe venant de l'Observatoire de Paris.
Elle contenait une lettre
de André Danjon, astronome, et surtout, émerveillement ! Plusieurs
très belles photos d'astronomie en noir et blanc montrant la Lune et
d'autres sujets.
J'ai surtout admiré les
photos et plutôt survolé que lu la lettre.
J'aurais très
certainement relu celle-ci, si un incident n'était arrivé presque
aussitôt après.
L'enveloppe, avec la lettre et les photos, disparut sans laisser de traces.
L'enveloppe, avec la lettre et les photos, disparut sans laisser de traces.
Je soupçonnais Ababay.
Durant des années, j'ai protesté régulièrement : « et mes
photos d'astronomie ! » Silence d'Ababay, l'air fâché. C'est
seulement très longtemps après que l'enveloppe reparu par
enchantement. C'est alors que j'ai relu attentivement la lettre de
Danjon. En gros, elle disait : « tu comprendras plus tard ».
Rien de bien excitant.
Mais, entre-temps,
beaucoup de choses s'étaient passées. Ma réflexion était allé
vers une autre interrogation : « d'où viens l'univers ? »
J'avais oublié mon
intérêt pour la Théorie de la Relativité.
Je faisais partie, en
1958-1959, des rares enfants qui avaient dans leur vocabulaire le mot
« Cosmologie ».
Mon père me l'avait
expliqué. Ma mère, elle, m'avait dit vers ce moment-là que
« Einstein a dit que sa théorie aurait pu être trouvé par
les Grecs de l'Antiquité ».
Pour moi, l'explication
de l'origine de l'Univers et la Théorie de la Relativité
étaient deux choses du même ordre. Or, je l'ai dit, je n'allais pas
à l'école. J'ignorais l'existence de la Science des Grecs de
l'Antiquité. Pour moi, l'Antiquité, c'était comme l'enfance de
l'Humanité. C'est-à-dire, l'enfance tout court. J'étais un enfant.
Donc, j'aurais pu trouver moi-même cette fameuse Théorie de la
Relativité et je pouvais donc aussi et dès maintenant trouver
l'explication de l'origine de l'Univers.
Je commençais donc à
m'interroger sur la question, Einstein et sa théorie passant au
second plan de mes préoccupations, tout en me disant qu'un jour je
comprendrais aussi là de quoi il en retournait.
Cette réflexion, cette
interrogation, je l'ai poursuivi durant vingt-six ans, sans en parler
à d'autres. C'était en quelque sorte mon truc à moi. De temps à
autres, je notais dans la liste de mes sujets d'intérêts :
« Origine de l'univers ».
J'en suis arrivé à me
dire : « au commencement, il doit y avoir une entourloupette ».
Cette réflexion s'est
accéléré en 1982. J'ai cherché en annexe à mon interrogation de
trouver enfin la réponse à l'interrogation de mes sept ans : en
quoi consiste la Théorie de la Relativité ?
J'ai été acheter un
livre de vulgarisation à la Librairie du Globe, rue de Buci,
ai emprunté quelques autres livres à la Bibliothèque municipale du
XIVème arrondissement de Paris.
Je n'ai pas été éclairé
sur la Théorie de la Relativité. En revanche, j'ai, en
passant, découvert que les Grecs de l'Antiquité étaient en fait
très forts en mathématiques.
Si je l'avais su en 1958
j'aurais été découragé pour chercher l'explication de l'origine
de l'univers. Mais je ne découvrais l'existence de la Science des
Grecs qu'à présent. Et ma réflexion avait beaucoup avancé. J'ai
donc poursuivi celle-ci en prenant des notes sur les petits carnets
qui ne me quittaient pas et où j'écrivais réflexions et poèmes.
Un moment, voilà que ma
terreur, la fameuse déprite, me reprend, suite à mes réflexions.
En effet, comme je
m'interroge sur l'univers entier, moi aussi, j'en fait partie. Ce qui
signifie que je m'interroge aussi sur mon sort à moi. Or, pour ne
pas être terrorisé, quand je le peux, j'évite de penser à ce sort
qui, je le crois alors, implique le terrorisant néant inévitable
que j'associe à « la mort ».
Vais-je interrompre mes
recherches sur l'origine de l'univers à cause de cette peur
paralysante qui s'éveille en moi ? Non !!! Je décide de faire comme
si je n'étais pas concerné. La vérité est la chose la plus
précieuse à trouver.
Et, ma réflexion
continuant, j'ai fini par trouver ce qui s'est révélé « le
pot aux roses » :
Pour qu'une chose puisse
se voir défini un début, une fin, une chaleur, une taille, une
vitesse, un changement... il faut qu'existe autre chose par rapport à
laquelle elle est défini. Or, comme l'univers est « l'ensemble
du tout », par définition il ne peut avoir de début, fin,
chaleur, taille, vitesse, changement...
Donc, exit le Big Bang et
ses discours sur l'univers petit, chaud, concentré, en expansion,
etc.
Et aussi, si l'univers
n'a ni début ni fin, donc nous qui lui appartenons, partageons cette
qualité et n'avons ni début ni fin. Donc la mort n'existe pas. Et
le néant aussi. Qui est une absurdité.
Je me suis alors demandé
: « mais la « mort » qui me terrorise depuis si
longtemps, qu'est-ce que c'est ? » Je n'avais en fait jamais
été voir ce qui se cachait précisément derrière ce mot.
Curieux, j'ai pris un
dictionnaire, le Petit Larousse, et cherché la
définition. J'ai ri alors. En effet, la définition de la mort,
cette chose qui m'avait fait si peur, eh bien, il n'y en avait pas.
Mis à part une absence de définition, à tiroirs, du genre « fin
de la vie ». Mais « la vie », elle, n'était pas
définie !
J'avais donc tremblé
depuis si longtemps devant une chose inexistante, imaginaire.
La vie, c'était autre
chose que « sorti du néant, rentrant dans le néant ».
Alors, une autre
explication ? La naissance aussi, n'est pas le début et... ?
J'en était là, à
bouleverser ma vision de la vie quand un phénomène inexplicable
rationnellement s'est produit.
Je fréquentais alors une
dame très imprégnée de religiosité, qui me parlait de son sujet
préféré : la religion. Je lisais diverses publications chez elle.
Je me souviens, en particulier, de l'« Histoire d'une âme »
de Sainte Thérèse de Lisieux, livre qui ne m'a pas beaucoup
impressionné. Thérèse Martin était sensée être extraordinaire
parce que... elle croyait en Dieu ? Est-ce si étonnant pour une
religieuse ? Ou alors les religieuses qui croient vraiment en Dieu
sont rares ! J'ai aussi lu un livre qui parlait d'Aménophis IV, de
la religion d'Aton et affirmait que cette dernière était l'origine
de la religion juive, thèse que Freud avait développé dans son
dernier livre « Moïse et le monothéisme ».
Un jour, nous parlions de
sujets religieux, cette dame et moi, et étions particulièrement
d'accord, quand, venant de nulle part nous avons senti dans tout
l'appartement un très fort parfum d'encens.
Ce parfum a duré un
certain nombre de minutes. La fenêtre était ouverte, dehors il
neigeait.
L'odeur ne venait ni de
dehors, ni du palier. Elle n'était pas explicable.
Elle était d'autant plus
étonnante pour moi que je souffre d'anosmie depuis très longtemps,
ce qui fait que je ne sens pratiquement pas les odeurs, agréables ou
désagréables.
Là, je la percevais très
bien.
Puis, cette odeur venue
de nulle part a disparu subitement, comme elle était apparu.
Quelques temps après,
dans des circonstances analogues, le même phénomène inexplicable
rationnellement s'est reproduit.
C'était en 1983. Durant
quatorze ans, je n'ai pas osé en parler. Puis n'en ai parlé qu'à
de très rares personnes très proches. C'est la première fois que
je le raconte par écrit. Pourquoi ce silence ?
Parce que je me suis dis
: « si je raconte cette histoire, on me traitera de fou,
affabulateur, pire, que je suis un escroc et veux monter une secte
! »
Mais revenons à 1983.
J'ai cessé de croire à « la mort ». Plus de déprite.
Par moments, le changement est alors tel pour moi, que je doute,
mais, il y a ce phénomène d'encens inexplicable qui me rassure et
m'indique bien qu'il y a « autre chose ». J'avais reçu à
deux reprises une sorte de « clin d'œil d'ailleurs »
pour m'assurer que j'avais bien raison et conforter mes nouvelles
convictions.
J'avais passé ma vie
jusqu'à présent comme adepte irréductible du matérialisme
philosophique, de la mort égale le néant. Et voilà que je devenais
croyant sans pour autant adhérer à une église quelconque...
J'avais l'impression, en quelque sorte, de « trahir mon camp »
matérialiste scientiste. J'ai mis un an avant d'oser avouer mon
changement en parlant à d'autres.
J'ai été un peu comme
ces communistes passionnés qui rompaient jadis avec le Communisme et
n'osaient pas l'avouer publiquement.
Deux raisons me
retenaient également pour parler de la fin de ma vision matérialiste
de la vie finissant dans le néant : je n'osais pas parler du
phénomène d'encens, pour les raisons que j'ai énoncé et, aussi,
la peur de la mort m'avait laissé un héritage : la peur du retour
de cette peur. Elle était telle que je craignais que si j'expliquais
mon évolution, on bousculerait mes nouvelles convictions et je me
retrouverais à nouveau poursuivi par ces horribles crises de
déprite.
Restait ma nouvelle
théorie de l'univers...
Je me suis dit : je vais
la communiquer aux scientifiques !
J'ai rédigé un
courrier. Je le croyais être si décisif et important que j'ai même
photographié en souvenir la pile de mes enveloppes timbrées avant
de les envoyer.
Le courrier est parti.
J'ai reçu deux réponses
très formelles. Une revue anglaise qui en accusait réception, et
une lettre de la Société française d'astronomie qui me
disait que ma lettre avait été transmise aux adhérents intéressés
par la question.
C'était tout. Que
m'avaient écrit les autres comme réponses : Carl Sagan,
l'Observatoire de Paris, etc... rien !
Autour de moi, deux
personnes, mon père et un vieil astronome amateur italien auquel mon
amie Maryse avait fait lire mon texte, me lurent et dirent que,
peut-être, c'était une grande découverte.
Je cherchais à coincer
au moins un scientifique pour qu'il me réponde. Je ne voulais pas en
rester là. Je finis par avoir un rendez-vous où je me rendis avec
un texte de deux pages tapées à la machine.
Le vulgarisateur
travaillant au Palais de la Découverte qui m'a reçu, m'a dit après
m'avoir lu, que « ce n'est pas ainsi que les scientifiques se
posent la question » et aussi qu'à la différence de ces
derniers, je n'avais pas rédigé mon texte avec beaucoup
d'application.
A l'écouter, je n'avais
qu'à me taire.
Ce scientifique m'avait
auparavant promis en prime à notre entretien de m'offrir une séance
gratuite au planétarium. Je me faisais une joie d'y aller, car ma
bourse plutôt plate, m'en privait. Il me quitta en oubliant sa
promesse et je restais là, seul, à réfléchir à son absence de
réponse.
Ces contacts décevants
avec des scientifiques qui ne me répondaient pas n'ont pas modifié
mes nouvelles convictions. Elles ont seulement amené que ma
considération pour les scientifiques a beaucoup baissé. Et que j'ai
compris que le Big Bang est une fable. Car il parle d'un début de
l'univers, petit, concentré, chaud... par rapport à quoi ?
Il s'agit-là d'une
théorie de la Genèse sans Dieu inventée par l'astronome et
chanoine catholique belge Georges Lemaître. Cet homme d'église a
extrapolé, à partir d'observations astronomiques, une nouvelle
mouture du récit biblique de la Création, transformée en
auto-Création dépourvue de Dieu.
Depuis 1983, ma vie a
changé. Presque trente ans ont passé.
Je n'ai jamais jusqu'à
aujourd'hui mis par écrit la totalité de cette histoire. Si je le
fais aujourd'hui, c'est pour trois raisons :
La première raison est
que j'en ai assez de ne pas raconter ce qui s'est passé, y compris
l'épisode de l'encens. Un tas de gens rencontrent un jour de tels
phénomènes inexplicables et se taisent devant l'intolérance et
l'obscurantisme matérialistes régnants, ce qui ne fait pas avancer
la vérité.
La seconde raison est,
qu'intoxiquées par la religion matérialiste scientiste, quantité
de gens sont très malheureux car ils vivent en permanence dans la
terreur de la mort. Autant leur expliquer comment j'ai changé
d'avis, ça pourra j'espère les aider à oublier ces âneries
terrorisantes et comprendre autrement la vie, de façon belle,
stimulante et pleine de richesses.
Sans pour autant
forcément adhérer à une église organisée ou fonder une secte.
Puisse ce texte, dans
l'immédiat, rendre le moral à une amie à laquelle je pense, qui
vit aujourd'hui dans les frayeurs anciennes dont j'ai su me
débarrasser.
Enfin, troisième raison,
la perspective de devenir tardivement papa, me fait un devoir de
rédiger ce récit pour satisfaire la curiosité d'un ou des enfants
à venir. Apprendre ainsi des choses sur l'enfant que j'ai été et
ce que je suis devenu, les intéressera très certainement un jour.
Le papier saura mieux conserver ces souvenirs que la mémoire et
moi-même.
Je me suis levé très
tôt ce matin pour écrire. J'aurais voulu ajouter quelque chose
encore pour finir. Quoi que vous pensiez de ce que vous venez de
lire, oubliez les pensées déprimantes, la vie est belle malgré
tous ceux qui prétendent le contraire. Vivez ! Amusez-vous et
amusez-vous encore, car la fête est l'essence de la vie et la chose
la plus belle qui soit.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 13 novembre 2012
Copie manuscrite de ma lettre envoyée en 1958 à l'Observatoire de Paris.
Réponse de Paul Couder à ma lettre.
Carte de mon frère aîné, plus jeune membre de la Société Astronomique de France à l'âge de treize ans, en 1952.Copie manuscrite de ma lettre envoyée en 1958 à l'Observatoire de Paris.
Réponse de Paul Couder à ma lettre.
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