Le résultat est que,
quand nous rêvons d'amour, bien souvent nous quittons la réalité
pour nous perdre dans un monde de fantasmes. Nous nous égarons.
Dernièrement,
j'observais une jolie jeune fille inconnue, brune, petite, avec de
très beaux cheveux longs qui venait de monter dans l'autobus où je
me trouvais. J'ai réalisé qu'il y a quelques années, observant la
même personne, si j'avais eu l'opportunité de faire sa
connaissance, je lui aurais aussitôt trouvé une séduction, un
charme, qui aurait fait que j'aurais rêvé d'amour avec elle. Rêve
totalement absurde, car concernant une inconnue dont le seul
« mérite » aurait été sa beauté. Beauté qui n'a
rigoureusement aucune signification quant à l'adéquation possible
de cette personne avec moi. Alors, pourquoi un tel rêve absurde ? Et
pourquoi je peux aujourd'hui le tuer dans l'œuf et ne pas me laisser
bêtement impressionner par cette demoiselle que je ne connais pas ?
Si avant je me perdais
dans de telles divagations, il y avait une raison. Notre société
hait l'amour, tue l'amour, extermine câlins et caresses. Nous
restons à distance les uns des autres, nous ne nous touchons pas les
uns les autres, ne nous caressons pas les uns les autres. Le résultat
est que le seul « contact » qui reste libre est d'ordre
seulement visuel. De ce fait nous hypertrophions l'importance des
formes extérieures visibles. Nous leur accordons à tort une
signification qu'elles n'ont nullement. La beauté que nous portons
ainsi au pinacle ne dure pas et en fait n'est absolument rien
ou pas grand chose.
Tant que notre société
bannira quasiment systématiquement les câlins, les illusions sur la
qualité de personnes dotées de jolies formes perdureront.
Deux autres illusions
amoureuses sont très développées aujourd'hui dans notre société.
L'amour : on fait de ce
mot la clé d'un monde merveilleux, une sorte de Paradis palace. Elle
m'aime, alors, c'est le bonheur. Il m'a dit qu'il m'aime, c'est
merveilleux ! On arrête tout, le chœur des anges retentit et nous
baignons dans la félicité. Ce genre d'ânerie attribué à un
fatras en fait inconsistant que nous rangeons derrière un mot en
cinq lettres : amour, trouve également sa source dans la prohibition
générale de l'amour réel. Nous cessons de réfléchir et nous
plongeons dans des rêveries sans queue ni tête. Si nous
connaissions des rapports humains vivants et réels, des câlins
chaleureux et nombreux, nous ne tomberions pas dans un tel état de
sottise.
Enfin, dernière illusion
amoureuse que nous considérerons ici : le sexe magique. Confrontés
à des situations incompréhensibles et insatisfaisantes, nombre de
gens croient trouver dans le sexe une sorte d'ouvre-boite magique
pour accéder au bonheur. A celui-ci, ils ajoutent souvent comme clé
de sureté, la jalousie. On couche, on est jaloux... et le bonheur
est au rendez-vous.
Une fois de plus seul le
manque de câlins réels conduit ainsi à nous rendre atrocement
stupides.
Quand nous avons fini de
nous égarer, si nous retrouvons en nous et avec au moins une autre
personne le chemin des câlins et de l'amour réel, nous réalisons à
quel point ces mirages : la beauté au dessus de tout, l'amour qui
résout tout, le sexe qui résout tout, sont vains et ne mènent
nulle part. C'est du vent. Alors que l'amour véritable est
consistant. C'est un fruit né de la rencontre des cœurs.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 19 décembre 2012
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