En lisant quantité
d''auteurs qui parle du dix-neuvième siècle, on apprend que la
population française fut « Prise en étau entre le souvenir de
l'épopée révolutionnaire et impériale et le présent beaucoup
plus terne de la Restauration ». Et que dans les années 1820 elle
regrettait amèrement ce brillant et mouvementé proche passé. Cette
« kolossale » ânerie est proférée de bonne foi par des
auteurs consciencieux qui la répètent sans se poser de questions.
Certes, il y eu
certainement des Français pour regretter une époque tragique qu'ils
avaient vécus parce que c'était simplement celle de leur jeunesse,
et d'autres aussi qui y restaient attachés pour d'autres motifs.
Mais qu'en fut-il exactement pour le plus grand nombre ?
Depuis 1792 jusqu'à 1815
la France connut vingt-trois années de guerres étrangères. Et
aussi de conflits internes, telle que la guerre civile en Vendée et
Bretagne, ainsi que toutes sortes d'autres épisodes répressifs
sanglants dont le plus connu est la Terreur. Ces bouleversements
coûtèrent à notre pays la vie de centaines de milliers de
personnes. On estime à six millions les pertes totales en vies
humaines engendrées par la folie guerrière de Napoléon 1er et ceux
qui s'affrontèrent à lui.
Que de vies bouleversées
et de destructions ! Après la déroute de la Grande Armée en
Russie, durant l'hiver 1812, vint le printemps 1813 et le dégel. Les
militaires vaincus avaient laissé sur la terre russe les dépouilles
d'innombrables chevaux qui se mirent alors à pourrir. Le spectacle
fut si impressionnant que le mot « chval », du français
« cheval », est resté depuis dans la langue russe avec
le sens de « charogne ».
Mon père eut en Russie
dans les années 1910 un précepteur russe du nom de Courvoisier, qui
descendait d'un soldat français de Napoléon 1er resté en Russie
après la défaite napoléonienne.
Après la bataille de
Waterloo, la France fut occupée jusqu'en 1818.
Les derniers occupants
quittèrent le sol français au mois de novembre. Et alors la France,
pour la première fois depuis presque trente ans se retrouva en paix.
Contrairement aux
boniments des nostalgiques d'épopées sanglantes qu'ils vantent,
assis confortablement à leur bureau, le peuple français fut
immensément heureux d'avoir enfin vu clore un épisode guerrier qui
avait duré vingt-six très longues et très meurtrières années.
L'année 1818 est marquée
en France par la naissance d'une multitude de joyeuses sociétés
chantantes : les goguettes. La paix retrouvée amène la fête, le
rire, la poésie et la chanson.
Le peuple n'est pas le
produit des historiens. Les mensonges sur son histoire, oui.
Nous pouvons célébrer à
notre tour la merveilleuse année 1818, ou plus exactement son
souvenir.
Je propose que les quatre
chiffres « 1818 » deviennent un motif décoratif dans le
mouvement de renaissance des goguettes dont j'ai pris l'initiative il
y a environ deux ans.
Sur nos costumes, objets
souvenirs, peintures, sculptures, emblèmes, bannières, n'oublions
pas 1818. L'année merveilleuse où le peuple de France, enfin
délivré de la guerre, se lança dans la poésie et la joie des
goguettes. Oui, célébrons et honorons le souvenir de l'année où
il a posé le fusil pour le remplacer par la plume et où le bruit du
canon a laissé la place à la chanson.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 20 janvier 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire