Ce que nous avons de nos
jours pris l'habitude d'appeler « démocratie » et
assimilons à « la liberté », est en fait une dictature
: c'est la pleine liberté de ne faire exclusivement que ce qui est
autorisé.
Je vais donner ici des
exemples simples et illustratifs :
A Paris ou à Londres,
j'ai envie d'uriner, j'urine, on m'arrête. De manger, je mange, on
m'arrête. De dormir, je dors, on m'arrête. De me promener, je me
promène, on m'arrête. De me laver, je me lave, on m'arrête. De partir en vacances, je pars, on m'arrête. De partir en voyage avec ma
petite amie, je le fais, on m'arrête. D'écrire un poème, je
l'écris, on m'arrête. De mettre un message sur Internet, je le
mets, on m'arrête. De dire ce que je pense, je le dis, on m'arrête.
D'embrasser quelqu'un, je le fais, on m'arrête. De caresser un
outil, je le fais, on m'arrête. De prendre un enfant par la main, je
le fais, on m'arrête.
Explications : j'urine
sur le mur d'un monument public, en plein jour, en public :
épanchement d'urine sur la voie publique, dégradation d'un monument
public, outrage public à la pudeur. Je mange : je me sers sur
l'étalage de fruits d'un magasin, sans payer, car je n'ai pas
d'argent. Vol, cependant que de nos jours 70 à 90 % des fruits
frais, invendus, finissent en France à la poubelle. Pour dormir,
comme je n'ai pas de logement, je m'introduis dans un logement
spacieux et confortable, inhabité et vide depuis des années : délit
de squat. Je me promène, et comme c'est l'été et il fait 29° à
l'ombre, je suis sorti de chez moi tout nu : outrage public à la
pudeur. Pour me laver, j'ai été à une fontaine publique et me suis
mis dans la même tenue : même délit. Pour partir en vacances, j'ai
voulu monter dans un avion sans avoir de billet, car je n'ai pas
d'argent pour l'acheter. L'avion a décollé à moitié vide, mais on
m'a empêché d'y monter. Je suis Anglais, ai 30 ans, ma copine 17,
et pars en France refaire ma vie avec elle : on m'arrête, expulse et
emprisonne pour « détournement de mineur ». C'est un
fait divers récent. J'écris mon poème sur un mur : dégradation de
monument public. Je mets sur Internet la recette pour tuer quelqu'un,
ou l'appel à le faire : même s'il ne se passe rien de ce fait,
appel au meurtre. Je déclare que tel personnage public est un
imbécile et un voleur : diffamation, même si c'est vrai. Je suis
dans le métro et embrasse spontanément un inconnu sans lui demander
son avis : agression, etc. Je suis assis sur un strapontin du métro,
montent trois policiers. L'un d'eux me tourne le dos et son pistolet
à la ceinture est juste devant moi. Je mets avec douceur ma main
dessus : agression d'un représentant de l'ordre. J'entre dans un
square et prends un enfant inconnu par la main juste pour l'emmener
faire un tour : enlèvement d'enfant.
Toutes ces situations
réelles ou caricaturales, presque absurdes, illustrent bien que
quantité de gestes à la seconde-même où on sort du cadre officiel
autorisé déclenchent une avalanche d'ennuis gigantesques et
démesurés. Habitués à cette dictature, nous n'arrivons souvent
même plus à percevoir sa réalité effective. Clamons et croyons
que « nous sommes libres ».
On rétorquera à ma
critique que notre liberté est que nous avons le droit de critiquer.
C'est vrai. Il y a des années la sidérurgie lorraine était menacée
de liquidation. Les Lorrains sont montés manifester en masse à
Paris. Ils l'ont fait. Et ensuite les usines ont fermé.
En démocratie, on a le
droit de manifester quand ça ne dérange personne. Juste manifester,
pas plus. Après, « la loi » s'applique. Et si on fait
partie des petits, des obscurs, des sans grades, on se retrouve le
plus souvent perdant. Pourquoi ? Parce que la loi est faite par et pour
les forts, les grands, les riches. Telle est la triste réalité. La loi est « égale pour tous ». Ce qui se traduit
pratiquement toujours en fait par : « elle donne raison à tous
les riches, et tort à tous les pauvres. »
Basile, philosophe
naïf, Paris le 30 août 2013
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