Scène étrange : une
jeune femme qui a dépassé les quarante ans, vit loin de sa famille
et en toute indépendance matérielle depuis des années, n'est plus
vierge depuis longtemps, se plaint amèrement à moi : « ma
mère ne m'a jamais fait de câlins ». Quel propos bizarre ! Et
alors, où est le problème ? N'est-il pas déjà plus d'actualité ?
Quand on est une femme adulte et qu'on peut trouver et trouve des
aventures amoureuses ?
Pourtant, la jeune femme
qui se plaint ainsi souffre visiblement, mais de quoi au juste ? Ne
pas avoir reçu de câlins étant petite fille ? Qu'est-ce qui la
pousse à y penser ?
En fait, sans le réaliser
consciemment, la jeune femme, appelons-là Thérèse, souffre de son
sevrage câlinique, dont elle n'est jamais sorti.
On ne dira jamais assez
la nuisance de la confusion entre le besoin de câlins et la relation
– c'est à dire l'acte – sexuel. Cette jeune femme a toujours
confondu les deux depuis qu'elle a atteint l'âge adulte. Et suite à
la convergence à ce propos de la plupart des cultures régnantes, ce
sont des centaines de millions d'autres humains qui pratiquent la
même confusion.
Confondre sexe et câlins
rend impuissant câliniquement, et quelquefois transforme en obsédé
de l'acte sexuel.
Cette jeune femme, si
elle « tombe en câlins », c'est-à-dire se retrouve de
façon imprévue dans une chaleureuse séance de câlins avec un ami,
décrète aussitôt : « il n'y aura pas de deuxième fois. Car
ça nuirait à notre amitié ». Ainsi elle évacue toutes
interrogations.
La confusion « sexe »
égal câlins et réciproquement se retrouve dans les magazines. Dans
une revue féminine j'ai lu un jour, parlant de l'organe sexuel
masculin : « c'est une bombe ». Sous-entendu :
« Mesdames, si vous posez la main dessus, vous devrez passer à
la casserole ».
« Les hommes
pensent ainsi » diront certains. Ce n'est pas forcément vrai.
Une amie se plaignait à moi qu'il est arrivé que son copain soit en
érection et ne lui saute pas dessus pour « l'honorer ».
Il a fallu que j'explique à cette amie qu'une érection ne signifie
pas nécessairement qu'on a envie de « faire l'amour ».
De même qu'on peut en avoir envie et ne pas avoir d'érection. Mais
mon propos se situe à des années lumières de la majorité des
articles et écrits divers qui abondent sur le sujet.
La pensée unique
dominante est celle du sexe automatique et formaté : caresses,
bisous, léchages, déshabillages, érection et son équivalent
féminin qui n'a pas de nom, égal acte sexuel, point.
Une dame que j'ai connu,
pour résumer la nécessité selon elle de quitter son copain me
disait : « on ne faisait même plus l'amour ».
Une autre, qui pourtant
était laissée libre de butiner le sexe où elle voulait, a quitté
son copain faute de sexe partagé avec lui, disait-elle. Son discours
bizarre consistant à se plaindre de « ne pas être libre »
alors qu'elle l'était effectivement.
L'absence de formatage
inquiète, quand bien-même sa remise en question pourrait être
confortable. L'être humain tiraillé entre Nature et Culture n'est
pas à une contradiction près. On croirait qu'il cherche plaisir,
douceur; bonheur, tranquillité. Ce n'est paradoxalement souvent pas
vrai. A choisir, il préfère d'abord se sentir être un individu
conforme à l'idée dominante de l'individu « normal ».
Basile, philosophe
naïf, Paris le 16 août 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire