Quand on s'aime, proclame
la pensée unique de notre société, il faut vivre l'un pour
l'autre, l'un par l'autre, l'un avec l'autre... bref, « former
un couple ».
Vouloir former un couple,
hier on disait « se marier », peut être la manière la
plus efficace de tuer l'amour.
Quand on choisit de
« vivre l'un pour l'autre » cela peut conduire à ce que
l'autre devienne vital pour vous. Sans lui ou elle, plus rien n'a de
sens. Il ou elle est la branche sur laquelle vous vous posez, vous
vivez. D'où crainte de le voir ou la voir vous quitter. Et cette
crainte peut se traduire par une jalousie de plus en plus pesante. Il est des
couples qui deviennent caricaturalement jaloux. Et l'on voit des
êtres inoffensifs devenir y compris violents devant la perspective
de perdre l'autre réduit à une bouée de sauvetage sur l'océan
inquiétant de la vie. « Avec tout ce que tu es pour moi,
tout ce que je suis pour nous, tu veux me quitter ?! » Et
allons-y que je te cogne, moi, le gentil garçon doux et bien
intentionné qui tremble de peur à l'idée de perdre le siège sur
lequel il est assis.
« Au début, c'est
toujours bien » disent certains. Mais pourquoi cela se
dégrade-t-il si souvent ensuite ? Une raison subtile de cette fréquente
dégradation est que la relation, pour exister, cherche à s'adapter
à la compatibilité entre les deux partenaires. Or, celle-ci, pour
s'établir au quotidien, va chercher les domaines où elle
est le plus facilement possible. Dormir ensemble, manger ensemble, faire la lessive de
l'autre et l'accrocher deviennent des activités vitales et
fondamentales du « couple ». On croit trouver le bonheur
dans des domaines hyper-simples. En fait, la relation de départ
s'appauvrit complètement. Se réduit à pas grand chose sans qu'on
s'en aperçoive. L'autre, cet être unique comme chacun de nous, a
droit à un traitement de faveur qui pourrait s'appliquer à des
millions d'autres. Et qui n'est de faveur que parce que c'est à lui
ou à elle qu'on a choisi de l'appliquer. La relation s'étiole. Et
on la croit solide. D'animée elle devient végétative. Et va chuter
à la première tourmente venue. Au premier souffle de vent l'amour
qu'on croyait « grand », qui l'était au début, tombera
en poussière.
Enfermer une relation à
deux dans un vase clos conduit à la fragiliser en se rendant
réciproquement dépendant l'un de l'autre. Si un gros problème
arrive à l'autre, il devient invivable. Car on le vit comme s'il
était nôtre. Or, pour aider l'autre, il faut, au contraire, savoir
prendre du recul. Tous les infirmiers du monde le savent : trop
d'empathie empêche d'assurer une présence médicale adaptée au
malade. Sans s'en rendre compte, avec l'autre, on va devenir trop
présent. Oppressant à force de vouloir faire bien les choses.
Hyper-protecteur on affaiblit l'autre. On s'angoisse. Et on
l'angoisse. La personne qu'au départ on aime devient angoissante. Et
cela ronge et détruit, nous et l'amour.
A force de vouloir vivre
en symbiose, le couple peut se rompre au contact d'éléments
secondaires qui finissent par devenir énormes, insupportables,
incompatibles. On croit qu'on ne les supporte plus ou pas. En fait,
on les a rendu insupportables. Exiger de mettre « en couple »
une relation, peut l'empêcher par incompatibilité culturelle (ou
appartient à des milieux sociaux différents), géographique (on vit
trop loin l'un de l'autre), sexuelle (on a des goûts différents).
Alors qu'il suffirait d'accepter une relation originale qui ne se
prête pas à ce cadre pour qu'elle vive.
J'observais dernièrement
une belle et sympathique personne. Et me disait : « oui, mais
nous n'avons rien à faire ensemble ». En fait, je m'abusais
moi-même. Oui, nous n'avions visiblement rien à faire « en
couple ». Mais autrement, une autre relation était possible.
Ou du moins je pouvais la tenter. Et me suis retrouvé empêché de
commencer quelque chose par l'idée idéale du « couple ».
Comme ces personnes qui n'osent pas vous aborder car elles pensent :
« je n'ai rien à lui dire ».
Basile, philosophe
naïf, Paris le 1er mai 2013
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