Ah ! L'Amour ! Quel motif de rêve et aussi quel
cauchemar bien souvent ! L'humour aide à vivre. J'avais fini par
imaginer une plaisanterie à ce sujet : « l'Amour, c'est comme
le Communisme, en théorie c'est le Paradis, en pratique c'est
l'Enfer ! »
Mais, blague à part, qu'ai-je rencontré
effectivement comme exemples dans ce domaine ? Essentiellement, j'ai
observé trois types de situations :
Ceux ou celles qui, pensant avoir rencontré l'Amour
avec un grand A se mettent « ensemble », décident de
« vivre à deux », « fonder un foyer », une
« famille », avoir des enfants, devenir « père »,
et « mère ». Ils sont très nombreux à en rêver... Au
début, c'est « toujours bien ». Puis, au bout d'un
certain temps qui peut aller de quelques jours à vingt années de
vie commune, c'est insupportable. Il y a douloureuse séparation,
morale, ou effective, ou morale puis effective. Elle est douloureuse
pour l'une, l'autre ou les deux personnes concernées.
Les chiffres sont là, imparables, implacables et
connus grâce au mariage « légal » : en région
parisienne, un divorce pour deux mariages. Le maire ou le conseiller
municipal qui vous déclare « uni par les liens du mariage »
a beau jouer au grand sorcier et lire ensuite les articles du Code
civil concernant la situation, « les faits sont têtus »,
comme disait Lénine. Les très fameux liens, la cérémonie, le
champagne, les photos souvenirs et le bisou sur la bouche entre les
mariés en haut du perron de la mairie n'y peuvent rien. Au bout d'un
laps de temps variable, les fameux « liens » font un
flop.
Alors, d'autres se croient malins. Pour éviter la
souffrance du déchirement de la séparation, on va décider... de ne
rien décider. Plus exactement, on ne va pas « s'engager »,
prétendre « construire quelque chose ». Ce sera juste
« pour le plaisir », pour le « meilleur » et
pas pour le « pire ». Choix rendu d'autant plus possible
en France et dans quantité d'autres pays par l'indépendance
matérielle des femmes. On « sort » juste ensemble,
c'est-à-dire on baise et c'est tout. Il y en a qui aime. C'est leur
choix. Nombre de ceux qui agissent ainsi, arrivé à un certain âge
sont désespérément seuls.
Troisième possibilité que j'ai vu choisie et dont
d'autres m'ont parlé, l'ayant vécu : on se rencontre, on se plaît.
Alors on décide d'être mari et femme, tout comme, durant huit
jours. Par exemple le temps d'un séjour en vacances où on s'est
rencontré. Après, d'un commun accord, on se quitte. Et on ne se
revoit jamais. Les personnes qui ont pratiqué ce genre de choses en
avaient gardé un excellent souvenir. C'est ce qu'elles m'ont dit.
Peut-être, je ne le saurais jamais, ce genre de propos correspondait
aussi à une proposition coquine pour au moins deux cas que j'ai
rencontré.
Alors, devant ce tableau de l'Amour somme toute pas
particulièrement satisfaisant le plus souvent, les propositions
fusent :
Arrêter tout. Pas très faisable, humain,
enthousiasmant, de faire ce choix. Tricher, on peut ne pas en avoir
envie. Retourner en arrière, en des temps où l'« Amour »
signifiait la soumission étroite de l'un à l'autre. Ou, très
précisément de l'une à l'autre, j'ai connu des hommes nostalgiques
du temps ou la femme était soumise à son mari.
Certains bâtissent même des théories à ce sujet.
Un livre est sorti récemment en Italie, propulsé et soutenu par
l’Église catholique. Il a été traduit en espagnol, portugais,
polonais et français. Il porte ce titre : « Sois soumise et
tais-toi », oh ! pardon ! je me trompe, le titre authentique
est très légèrement différent : « Maries-toi et sois
soumise ». Officiellement il a été rédigé par une femme. On
imagine le tollé s'il avait été signé par le Pape ! Le pape
François est un très bon communicant. Il sait y faire. Car son
message émane officiellement d'une femme. Ensuite, il ne lui reste
plus qu'à l'encourager via ses réseaux, et le tour est joué. En ce
sens, le pape actuel est vraiment un pape du XXIème siècle. Il sait
se servir des moyens modernes de communications pour faire passer son
message du Moyen-Âge :
femmes, soyez soumises ! Certains y trouvent leur compte.
Personnellement ça ne m'intéresserait absolument pas d'avoir une
compagne soumise. Ça me choquerait. Je trouverais ça absolument
insupportable. C'est contraire à toutes les valeurs que j'ai adopté
dans ma vie. Et à ma manière de vivre ma relation avec les autres.
D'autres ont déjà relayé cette vision de la femme
idéalement soumise. Ils prônent, via d'autres traditions
religieuses, la lapidation des femmes « adultères »...
Certains Français malins ne défendent pas
aujourd'hui la thèse de la soumission des femmes. Ils la mettent
paisiblement en pratique, en allant se chercher des épouses
exotiques éduquées selon ces antiques principes qui n'ont plus
court en France. Car la mise à mort des femmes adultères se
pratiquaient aussi jadis chez nous. Je me souviens avoir lu dans le
journal de Pierre de l'Estoile qu'une femme « coupable »
d'adultère fut pendue à Paris au début du XVIIème siècle. Il y
en eu certainement beaucoup d'autres dans les époques passées.
Mais, si on peut ne pas être d'accord. Et je ne le
suis pas, avec ces pratiques barbares, quelles solutions trouver pour
éviter les pièges de « l'Amour » ? J'en propose une,
mais comme toutes les vraies solutions, elle ne dispense pas de faire
des efforts et n'apporte pas un résultat positif automatique et
immédiat. C'est comme le début d'une piste à suivre. Et à
découvrir. Pour aller où ? On verra bien.
La grande faille qui existe dans les pratiques
amoureuses est la suivante : aimer, tout le monde y arrive. Mais
ensuite il y a le « scénario ». On est dans la réalité.
On va commencer à prendre la vie comme un théâtre. Sans le
réaliser, on sortira ainsi de la réalité. Et on sera ensuite comme
une personne qui ferme les yeux. Se déplace. Et fini forcément par
heurter un obstacle.
Il ne FAUT PAS se dire quand on aime quelqu'un :
« ça y est, c'est la bonne personne, j'ai trouvé ma
princesse, mon prince charmant, la femme ou l'homme de ma vie, mon
quartier d'orange, ma moitié... » NON !!! Il ne faut pas se
dire non plus : « on va se marier, former un couple, vivre
ensemble, avoir des enfants... » NON PLUS. Et si l'entourage
applaudit à « ces choix », envoyez-là en pensée à
tous les diables. Ce qui ne signifie pas qu'être ensemble, etc. soit
un mal. Ce qui est horrible et détestable et conduit obligatoirement
à l'échec et à de grandes souffrances et déceptions, c'est se
couler dans un scénario. La vie est réelle, ça n'est pas un
théâtre.
Et là comme ailleurs, la tentation de suivre un
scénario est énorme. Il suffit d'ouvrir un journal pour trouver la
vie ainsi théâtralisée. Les chefs d'états, les chefs politiques,
les vedettes de cinéma, de la télévision, de la chanson, les
milliardaires, sont des gens exactement comme vous et moi qui n'ont
strictement rien de plus que nous. Le président des États-Unis Barack Obama et le président de la République française François
Hollande sont deux hommes, rien de plus, rien de moins. On en fait
autre chose dans le théâtre de la politique. Et des tas de gens
croient qu'ils sont autre chose que de banals humains comme vous, moi
et l'épicier ou le clochard du coin. Le maréchal Wellington
vainqueur de Napoléon 1er était d'accord avec moi. Il disait, je
l'ai lu et le cite de mémoire : « je voudrais qu'il y ait en
permanence auprès de moi un homme qui me rappelle que je suis
seulement un homme ». Et le philosophe Michel de Montaigne,
pourtant très royaliste, disait néanmoins : « si haut soit le
trône sur lequel on est assis, on n'est jamais assis que sur son
cul ».
Cette erreur de croire des humains être plus que
des humains, nous la commettons bien souvent aussi avec des êtres
proches de nous dans la vie quotidienne. Nous faisons de nos parents
des dieux, régnants ou déchus, de notre patron ou notre chef au
travail un dieu bienfaisant ou un diable malfaisant, de nos enfants
la suite de nous (quelle blague ! et de nous celle de nos parents, de
nos parents celle des leurs et ainsi de suite jusqu'à de gros velus
tout nus ou vêtus de peaux de mammouths ?). Et nous faisons AUSSI de
la charmante personne qui nous ébloui un être de lumière qui va
faire notre bonheur. Pauvre être de lumière, regardez bien, c'est
juste un être humain. Et c'est parce que c'est juste un être humain
qu'il est parvenu à vous toucher vous, juste un autre être humain.
Alors, au lieu de jouer aux dieux ou aux adorateurs d'un dieu qui est
juste un être humain, évitons de théâtraliser !
Nous avons rencontré quelqu'un de bien ? Alors,
écoutons très soigneusement notre sentiment, notre raison, son
sentiment, sa raison. Et jetons aux orties tout ce qui ressemble à
des scénarios, si merveilleux soient-ils. Ou alors, continuons à
être déçus et malheureux.
La vie, c'est autre chose, à condition de refuser
ce théâtre qui n'est pas la vie. Et c'est quelque chose de
passionnant et de très bien, la vie.
Dernière remarque : si nos chefs d'états sont
juste des humains comme vous et moi et qu'ils disposent d'autant de
pouvoirs, n'est-ce pas terrifiant ? Louise Michel disait : « le
pouvoir est maudit et il pourrit ce qui l'exerce ». C'est
manifestement le cas. Il serait bien de trouver un autre moyen
d'organiser le monde. C'est à réfléchir. Et bonne année 2014 !!!
Basile, philosophe naïf, Paris le 1er janvier
2014
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