Chaque toucher est
différent. Et a un caractère personnalisé et individuel. J'ai pu
le constater dans un très sympathique bal tenu dans les années
1980. A cette occasion j'ai invité à danser toutes les jeunes
femmes présentes, l'une après l'autre. C'était du rock et je
tenais les mains de ma cavalière à chaque fois. J'ai pu ainsi
constater qu'aucun contact n'était identique à l'autre.
Il existerait des
touchers apparentés. A deux reprises j'ai ressenti un plaisir
extraordinaire et inexplicable au simple contact d'une femme. Ce
contact se bornant à de très ordinaires câlins n'était pas du
tout ressenti par moi comme des câlins habituels.
Le toucher est comme un
langage. Quantité de choses passent à travers lui. Une scène à
laquelle j'ai assisté m'a frappé à ce propos. Une amie quittait
son fiancé un soir. Ils se faisaient des bisous et des câlins. Je
me suis écarté pour ne pas déranger. Une fois le jeune homme
parti, la jeune fille amie est revenue vers moi. Elle était dans un
état hyper-nerveux, plus comme une personne prise en faute que
quelqu'un qui vient de quitter son fiancé qu'elle reverra demain.
Elle n'était pas du tout comme une personne heureuse, ravie ou
sereine. Si elle était « sur son petit nuage », ce nuage
était noir et orageux. J'ai rapproché l'état nerveux de cette amie
de ce que je sais de ces jeunes gens. Le jeune homme est apparemment
gentil et bien intentionné, et serait en fait très manipulateur et
intéressé. Cela, la jeune fille ne le sait pas. C'est à elle de
parvenir à en prendre conscience en dépit de son entourage qui l'a
déjà mariée d'avance. Mais ce mauvais contact relationnel, nié en
paroles, mon amie le sent au contact direct. D'où sa réaction.
Une autre amie m'a
raconté que, quand jeune fille elle prenait des leçons de piano
avec un vieux professeur, celui-ci lui prenait à l'occasion la main
pour lui indiquer la position juste. A chaque fois, m'a-t-elle dit,
elle ressentait à ce contact « comme une petite décharge
électrique ». Car elle sentait que ce contact était
parfaitement neutre et pas du tout dragueur.
Le toucher est
singulièrement rejeté par notre culture française et parisienne et
pas seulement. Il serait prétendument presque toujours « sexuel »
quand il s'agit de contacts entre adultes. Ceux qui remettent en
question cette interprétation réductrice et abusive se heurte à
une question embarrassante : « si le toucher n'est pas sexuel,
où s'arrête-t-il ? » Autrement dit : « si on peut se
faire des caresses librement vont-elles aller partout ? » En
fait, si on libère le toucher, il n'est absolument pas nécessaire
« d'aller partout », ce qui pose finalement des
problèmes. Il existe un phénomène de compensation. Si on caresse
correctement, c'est-à-dire avec sensibilité, une part réduite de
la surface de peau d'un individu, l'apport en câlins se diffuse de
façon générale.
Prenons un exemple : si
on caresse très sensuellement juste la nuque d'un individu, il n'y a
aucune nécessité de s'étendre plus loin pour qu'il se sente bien.
Les enfants, qui n'ont pas été influencé par les discours des
adultes le savent et ressentent très bien. Une amie me racontait
que, quand elle était petite fille et malade, son père venait la
voir. Et juste lui mettait la main sur la tête pour la réconforter.
Et cela suffisait parfaitement. Quand on est adulte, il faut parvenir
à se détacher du conditionnement reçu et redevenir des enfants. Ce
qui n'est pas facile et donné à tout le monde. Les revendications
confuses et déstabilisantes de la sexualité trafiquée régnante
chez les adultes sont à remettre à leur juste place. Ce sont des
délires littéraires qui peuvent aller à la poubelle. Ceux qui
vantent à tout va le sexe me font penser à des diététiciens qui
prôneraient des repas faits exclusivement de desserts, voire de
sucre en poudre à consommer à la cuillère. C'est irréaliste,
déséquilibré et écœurant. Le toucher, la caresse, le câlin,
restent pour beaucoup un monde oublié, inexploré, qui est à
redécouvrir pour le plus grand bien de chacun. Le sexe est comme le
tiramisu. J'aime beaucoup le tiramisu. Mais si je devais ne manger
que du tiramisu ça n'irait pas du tout.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 13 juin 2016
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