Ne cherchez pas le sens
des mots « amourisme » ou « amourélisme »,
ou « amourel ». Ils ne se trouvent ni dans le
dictionnaire, ni sur Internet. Car je les ai inventé. Et les
définirais ici.
Notre société s'est
fait une spécialité des fausses alternatives obligatoires. Par
exemple, quand le mur de Berlin est tombé, j'entendais certains
commentateurs dirent : « il n'existe qu'une alternative :
communisme ou capitalisme. Puisque le premier a fait faillite, il ne
reste plus qu'à se résigner au règne du second. »
Aujourd'hui, le capitalisme, on en crève. Il n'y a jamais eu autant
de richesses et autant de pauvres. Heureusement, l'alternative
communisme-capitalisme n'est pas le reflet de la réalité. On peut
imaginer d'autres systèmes que l'ultra-libéralisme dévastateur du
monde.
Autre exemple : quand on
critique l'argent, certains répondent : « en dehors de
l'argent, il n'existe que le troc ». Et de démontrer que le
troc ne marche pas : « vous fabriquez des allumettes. Un autre
élève des éléphants. S'il a besoin d'allumettes, il ne peut pas
échanger un éléphant contre une boîte d'allumettes. Donc,
nécessairement, il faut l'argent. » Seulement voilà, il
existe d'autres choix possible. Cette alternative soi-disant
obligatoire ne correspond pas à la réalité. On peut imaginer une
monnaie « fondante » interdisant la thésaurisation, un
système de cantines publiques supprimant l'achat de nourritures,
etc.
On peut citer d'autres
fausses alternatives obligatoires : il faudrait soi-disant choisir
entre le désastre de la maison de fous du nouvel empire
austro-hongrois européen et le chauvinisme débridé, entre le
fanatisme religieux et l'athéisme militant, la « fidélité »
en « amour » ou la « débauche » et le
« libertinage », le « sexe actif » ou la
« chasteté », l'amour ou l'amitié, etc. La réalité
est plus riche et complexe. Et ne se limite pas à ces alternatives
soi-disant « incontournables ».
Il est un domaine ou ce
genre d'ultimatums idéologiques a des conséquences particulièrement
dévastatrices. C'est celui de l'imaginaire alternative « amour »
ou « amitié ».
Quand deux individus se
rapprochent, se font des câlins, des bisous, ont envie d'intimité,
dormir ensemble... la société, ou plutôt son idéologie dominante,
décrète qu'il s'agit de « l'amour ».
Et si deux individus
« s'aiment » ils sont sensés ne plus être simples
« amis ». Ils doivent à
présent : former un « couple », s'accoupler
régulièrement, habiter ensemble, partageant tout, se marier, avoir
des enfants et les élever. A quoi peuvent s'ajouter d'autres
éléments : il faut être jaloux, déclarer son amour à la
cantonade, etc. Or, tout ceci est totalement et absolument
archi-faux. On ne « doit » rien du tout. Il s'agit
ici, en fait, de l'expression d'une idéologie attachée à
« l'amour ». Cette idéologie prétend à tous ces
devoirs et obligations soi-disant logiques, inévitables, naturels et
garants du bonheur. Elle n'a pas de nom. Je la baptiserais donc
« amourisme ».
L'amourisme est la cause
d'innombrables malheurs, dont des dizaines de milliers de suicides
par an, et la solitude, l'incompréhension de la vie et le désespoir
pour des centaines de millions d'humains.
Quelle est la démarche
correcte à suivre plutôt que l'amourisme ? Elle n'a pas de nom. Je
la baptiserais « l'amourélisme ». Elle consiste à se
demander simplement et sincèrement, sans faire appel à l'idéologie
: « de quoi ai-je envie ? » Puis, reconnaître son envie.
Enfin, bien sûr, parvenir si c'est possible et bien à la
satisfaire. Et fuir comme la peste les raisonnements intellectuels et
l'imitation automatique des autres, qui vous conduisent « droit
dans le mur ».
Je prends un exemple : je
suis seul dans ma vie, après avoir été largement victime, comme
tant d'autres, de l'amourisme.
Je me retrouve dans une
fête magnifique, avec une super ambiance, de très nombreux invités
dont des dizaines de femmes charmantes. A un moment-donné, j'ai
envie de les embrasser toutes. Les prendre chacune dans mes bras pour
leur faire un câlin.
Si j'étais encore abruti
par l'amourisme, je me dirais : « cette envie est irréelle et
en dissimule une autre : je manque d'amour. Et dois trouver la bonne
personne avec laquelle m'accoupler, vivre, etc. »
Comme je ne suis plus
abusé par cette idéologie désespérante, je me dis simplement :
« cette envie de faire des câlins est ô combien naturelle.
Mais dans notre société amouriste, elle n'est malheureusement pas
satisfaisable. Quand bien-même certaines de ces femmes manquent de
câlins, je ne peux pas en échanger avec elles. »
Cette pensée est
amourélienne. Je perçois mon envie. La reconnaît. Et ne m'égare pas
dans les marécages amouristes.
Il existe un piège
amouriste sommaire : celui de l’interprétation mécanique de
l'érection et de son équivalent féminin qui n'a pas de nom, qu'on
pourrait baptiser « la floraison humide ».
Quand un nouveau né a
une érection, personne ne s'aviserait de dire qu'il a besoin de
s'accoupler. A l'inverse, si cela arrive chez un adulte, on le pense
souvent. Or, en fait, l'érection, ou son équivalent féminin,
survient en quantité de situations où le coït n'est nullement à
l'ordre du jour.
Le comportement amouriste
consiste à se dire : « je bande, donc j'ai envie de baiser. »
Et, pour peu que cela
arrive, on détruit plus ou moins vite la relation éventuelle avec
la personne partenaire.
Tandis qu'avec une vision
amourélienne des choses, on se demande : « de quoi ai-je envie
? » Et, loin d'obéir à son zizi, on réalise que dans la
plupart des cas, l'érection n'est pas synonyme de désir
d'accouplement. Elle est juste le signe du plaisir ressenti. Et le
coït amourélien, lui, ne survient que suite à la présence du désir
véritable. Qui est un sentiment très particulier. Et pas un
raisonnement imbécile amouriste, qui peut se résumer à : « je
bande, faut y aller ! »
Quantité de
rapprochements tendres entre individus sont plus ou moins
amouréliens. Puis l'amourisme vient très souvent tout gâcher.
Au début, on se promène
la main dans la main, on se dit des mots doux, on se fait des bisous.
Puis vient le temps des « choses sérieuses ». La fille
doit « passer à la casserole ». Le garçon doit bander
et « y arriver ». C'est souvent pas terrible. Mais on se
dit qu'à la longue « ça va s'améliorer ». Ça ne
s'améliore pas. Mais on a pris le pli. On est amants. C'est l'amour.
Il faut assumer. D'autant plus que l'entourage applaudit au miracle
de « l'amour ». Et la relation se casse la figure plus ou
moins vite, rongée par l'amourisme. Qui chasse l'amourélisme. Et
prend toute la place.
Et, un beau jour, le
couple « modèle » explose, au grand étonnement de
l'entourage. Triste scénario qui s'est déroulé des millions de
fois. Les amants meurtris et amers se demandant comment ils en sont
arrivés là. Au début, c'était si bien. A quoi la « sagesse
populaire » répond : « bien sûr, au début, c'est
toujours bien. » Et j'ajoute : « car c'est amourélien ».
Et après, la pourriture amouriste s'installe. « Vous êtes
contre le bonheur ? » me demandera-t-on. Non, c'est l'amourisme
qui est contre. Choisir d'être amourélien, c'est choisir d'être
authentique et respectueux de la réalité de soi-même et celle des
autres. Il est temps de ne plus chercher « l'amour »,
mais « les amourels ».
Basile, philosophe
naïf, Paris le 13 octobre 2013
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