Je suis né en 1951. Quand j'étais enfant, l'amour
était une chose dramatique. Une femme ou une jeune fille digne aux
yeux de la pensée unique de l'époque ne devait pas témoigner
d'intérêt pour le sexe. A moins d'être une créature méprisable
et sulfureuse.
Il n'était guère possible qu'elle « passe à
l'acte » sur la seule base de son désir « coupable ».
La réprobation sociale la guettait. Le rejet de sa famille la
menaçait aussi. Comme disait un père à sa fille, que j'ai connu :
« si tu reviens à la maison avec un Polichinelle dans le
tiroir, je te mets sur le palier ! » Les jeunes filles étaient
particulièrement surveillées. Il était courant d'entendre dire à
Paris, par les parents d'une jeune fille : « le soir, elle doit
être de retour à 18 heures ! » Les jeunes hommes étaient
beaucoup plus libres. Ils pouvaient, par exemple, sans problèmes
aller seuls au café. Les femmes le pouvaient également, mais
c'était très mal vu par beaucoup de gens. A la plage ou à la
piscine elles pouvaient se mettre en maillot de bain. En revanche,
montrer à des étrangers à la famille leur photo en cette tenue
était considéré comme vulgaire et indécent.
J'ai lu, mais n'ai pas vu, que les très jeunes
filles enceintes se retrouvaient dans des sortes de foyers à l'écart
des autres. Où on les initiait aux taches domestiques, telle que le
repassage de chemises d'homme.
Et, surtout, la terreur de tomber enceinte servait
de barrière à l'expression libre du désir et de l'amour en
général. La contraception était inexistante. Et l'avortement
interdit risquait de conduire la jeune fille ou la femme enceinte
dans les mains d'une « faiseuse d'anges ». Les accidents
causés par des avortements bricolés étaient nombreux et pouvaient
être mortels.
Quand la pilule est arrivée, un nombre considérable
de femmes a saisi là l'occasion de vivre sa vie, se réaliser dans
quantité de domaines en mettant entre parenthèses la maternité. Ce
projet se retrouvant remis à plus tard un certain nombre de fois. Ce
qui a entraîné finalement de facto la renonciation à avoir des
enfants. Cette situation n'a pas toujours été bien vécue. Il y a
aujourd'hui des dizaines de milliers de femmes âgées d'au moins une
soixantaine d'années qui regrettent d'être passée à côté de cet
aspect de la vie. J'en ai rencontré plusieurs. De ce phénomène je
n'ai jamais vu parler dans les livres ou journaux que j'ai pu
consulter. La pilule a été une libération. Ces femmes en ont
également été victimes d'une certaine façon.
Aujourd'hui un autre problème nouveau est apparu,
conséquence de la contraception. Croyant bien faire, bien des femmes
ont voulu prendre pour modèle d'émancipation la conduite masculine.
C'était accorder aux hommes une supériorité qu'ils n'ont pas.
Pourquoi seraient-ils les modèles à suivre pour toute l'Humanité,
femmes comprises ? C'était aussi les imiter dans leurs erreurs et
stupidité quand il s'est agit de l'alcool, du tabac et du sexe.
Jusque dans les années soixante du siècle dernier
la majorité des femmes buvaient moins d'alcool que les hommes et
fumaient très peu. Une femme saoule ou qui fume était très mal
vue, de même qu'une femme qui témoigne d'un intérêt visible pour
le plaisir sexuel. Une fois mariée, à moins d'être une princesse
ou une vedette de cinéma, les femmes étaient également priées de
mettre leur séduction en berne.
En imitant les hommes ces dernières décennies, les
femmes les ont rattrapé dans le domaine des maladies mortelles
causées par le tabagisme. Elles ont aussi cherché à suivre
l'exemple masculin dans le domaine sexuel. Et à imaginer leur propre
comportement de femme libérée de la menace permanente de la
grossesse indésirée.
Les hommes, de leur côté, dans leur grande masse,
n'ont hélas guère évolué. Hier, ils cherchaient à baiser des
femmes qui très souvent se dérobaient par crainte du qu'en
dira-t-on, de la grossesse malvenue, de l'avortement bricolé et
dangereux ou encore des maladies vénériennes. A présent que la
pilule est arrivée, ils se croient très souvent arrivés dans une
sorte d'immense bordel gratuit. Où ils peuvent passer de femme en
femme sans respect et sans problème.
Qu'il est dur aujourd'hui dans notre société
d'être une femme jolie, séduisante et intelligente ! Le
comportement masculin fréquent a de quoi la désespérer. On dirait
le plus souvent qu'elle n'a pas affaire à des humains mâles, mais à
des sortes de petits gamins profiteurs, égoïstes et irrespectueux !
J'en ai vu à l’œuvre, de ces jeunes hommes qui se croient malins.
Et traitent les femmes à l'égal des mouchoirs jetables. Mais, un
jour, la boîte de mouchoirs jetables sera vide pour eux. Ils seront
vieux et réaliseront, trop tard, que quand ils sont malades,
personne n'est là pour leur faire une tisane. Ils auront méprisé
l'amour. Et l'amour se sera vengé d'eux.
Si nombre d'hommes stupides considèrent les femmes
comme des prostituées gratuites, d'autres les traitent avec
condescendance comme de petits animaux fragiles, à protéger. Et qui
ont besoin de l'aile protectrice de leur seigneur et maître pour
vivre et survivre. Cette attitude a de quoi énerver et irriter.
Je connais des hommes apparemment sympathiques à
l'endroit des femmes qui témoignent de cette stupide conception de
la femme. J'en ai moi-même fait partie. Ayant eu une amie malade je
l'ai absolument étouffé en croyant bien faire pour la soutenir et
protéger. J'avais des circonstances atténuantes, car la situation
était très difficile. Et je n'étais pas le seul des deux à ne pas
comprendre bien notre relation.
Une femme ne réclame pas autre chose qu'être
traitée en être humain. C'est malheureusement rarement le cas
aujourd'hui de la part des hommes. Surtout si elle est jeune et
jolie.
On a tendance à entendre dire que la femme actuelle
est émancipée, a acquit la plupart des droits qui établissent son
égalité avec l'homme. Ce n'est pas vrai.
D'abord, il ne faut pas confondre le sort de la
femme en France et à Paris avec celui de l'ensemble des femmes de la
planète. Ensuite, même à Paris, la situation est très loin d'être
aussi bonne que ça.
Phénomène toujours présent mais dont on entend
peu parler, existe toujours la peur permanente du viol. Ensuite, à
Paris et ailleurs, subsistent des îlots d'extrême barbarie. Et les
femmes en sont parfois les actrices. Ainsi, rappelons-nous que, là
où l'excision existe, ce sont souvent des femmes qui la pratiquent
sur les fillettes.
Et, même sous nos latitudes, la barbarie, quand
elle a reculé, n'a pas renoncé. Un projet de loi récent prévoit
en Espagne d'interdire l'avortement. Ce qui entraînera non pas la
disparition de celui-ci, mais la reparition du drame des avortements
bricolés, dangereux et clandestins.
La manière de considérer la femme et son rôle de
mère anime un débat étrange en France, celui de la procréation
médicalement assistée, dite PMA.
On voit s'affronter partisans et adversaires de la
procréation artificielle chez les femmes seules ou vivants en
couples homosexuels. Doit-on ou non autoriser pour elles la PMA ?
Vaste débat, mais la question est mal posée.
La procréation artificielle ne nécessite pas
forcément l'aide de la médecine. Certes, si la fécondité du
sperme concerné est réduite, la centrifugation de celui-ci est un
acte médical. Mais la fécondation artificielle artisanale n'est
soumis à aucune loi et ne nécessite aucun diplôme médical.
Éjaculer dans un entonnoir relié à une éprouvette, recueillir le
sperme avec une seringue ordinaire en plastique, dépourvue de son
aiguille, pénétrer avec un vagin et appuyer sur le piston ne
requiert aucun diplôme. C'est ainsi que cela se fait pour certains
animaux d'élevage. Et que fait par exemple un citoyen hollandais qui
se targue d'avoir aujourd'hui 200 enfants ! Il a pris l'habitude de
donner ainsi de sa personne pour des lesbiennes souhaitant enfanter.
J'ai lu son histoire dans un journal français, il y a une ou deux
années de cela.
Sachant ces informations, faciles à trouver, on ne
comprend pas le fond du débat sur la PMA. Ses partisans comme ses
adversaires font comme s'il fallait avoir fait dix ans d'études
médicales pour manier un entonnoir, une éprouvette et une seringue
sans aiguille.
La manière de considérer les femmes reste
surprenante dans notre société paraît-il évoluée. Lors de
l'affaire du Sofitel de New York, un éminent journaliste évoquant
le possible viol d'une femme de menage s'est exclamé : « il ne
s'agit que d'un troussage de domestique ! » Et un ancien
ministre a dit : « il n'y a pas mort d'homme ».
Sous-entendu, quoiqu'il ai pu se passer effectivement, viol ou pas,
ça n'est pas bien grave.
Pour ma part j'ai eu des fois l'occasion d'entendre
des hommes dirent par exemple : « la femme est faite pour
l'amour » ou bien encore : « quand une femme se fait
violer, c'est qu'elle le veut bien ».
Ceux qui tenaient ces propos n'étaient pas
visiblement des grosses brutes, mais avaient l'apparence de gens
aimables et civilisés.
Rencontrant une masse d'individus de ce genre, il
devient très difficile pour une femme de se situer. Les regards
qu'elle rencontre lui renvoient une image déformée de ce qu'elle
est effectivement. Le mensonge fréquent, l'hypocrisie rencontrée
déstabilise, égare, rend difficile de se faire des convictions,
trouver de l'assurance, génère de l'agressivité.
Le manque de miroir objectif est un problème pour
les femmes, tant est grand le nombre d'hommes stupides qui n'arrivent
pas à considérer la femme comme un être humain. Il existe, de-ci,
de-là, quelques hommes qui ne partagent pas cette stupidité
répandue. Peut-être, pour remédier à cette carence de miroir,
devrait-on imaginer la formation de cercles de taille réduite, moins
de vingt personnes, composés de femmes clairvoyantes et de
quelques-uns de ces très rares hommes ? La question mérite débat.
Basile, philosophe naïf, Paris le 22 février
2014
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