Qu'est-ce que le « Grand Amour », tant
vanté, recherché et cause de tant de déceptions, dépressions,
suicides ? Suicides qui témoignent d'un phénomène social qui
touche des dizaines de milliers de personnes, et classé à tort
comme individuel, personnel ?
Il dérive d'une situation générale marquée par
une dramatique carence affective, un manque d'amour cuisant qui
conduit souvent à chercher la réponse dans une relation binaire. On
cherchera dans une femme unique, un homme unique, la compensation
d'un manque général. D'où viendra une dérive, un excès : « tu
es tout pour moi », « je ne peux pas vivre sans toi ».
Qu'est-ce à dire ? Devrait-on être dépendant d'un autre à ce
point ? Le moins qu'on puisse dire est que ça ne relève pas d'une
relation équilibrée. Et le "Grand Amour" produit d'une
situation négative et triste ne risque pas d'abonder en positivité.
Cet excès dans le besoin de l'autre, conduisant à
des drames nombreux, des souffrances nombreuses, quand il se
matérialise en une relation vécue représente le triomphe de la
misère. On manque d'amour. On va chercher à trouver celui-ci dans
une compagne, un compagnon. La tension causée par une telle exigence
fera tôt ou tard chavirer la relation.
Faire de l'autre, d'un autre, une autre, sa « bouée
de sauvetage » sentimentale fera qu'on s'y attachera avec
d'autant plus de fureur qu'on n'apercevra pas d'autres « bouées
de sauvetage » à l'horizon. D'où jalousie, possessivité par
crainte de « perdre » l'autre.
Si on fait de l'autre une composante « vitale »
de son existence, on en conclura qu'il faut partager le maximum de
son temps avec. Pour cela, très souvent sans tenir compte des
réalités, on décidera d'emblée qu'il faut vivre ensemble.
Partager le même logement, quand bien-même cette idée paraîtrait
peu attrayante pour diverses raisons. On est « ensemble »,
il faut donc vivre ensemble. Ce choix pourra augmenter la tension
centrifuge au sein de la relation.
Un élément particulièrement vénéneux qui
viendra très fréquemment empoisonner la relation est ce qu'on
baptisera « sexualité », « accord sexuel ».
L'acte sexuel par lui-même n'est qu'un aspect de la vie parmi
d'autre. Pour être bienvenu, il ne doit être fait qu'en cas de
désir réel et réciproque. On en fera une institution. Si on est
« ensemble » il faut en passer par là. Et renouveler
régulièrement, à la façon d'une sorte de loyer de l'amour. Cette
manière d'agir est stupide et dévastatrice. Faire l'amour sans en
avoir vraiment envie, quand bien-même la chose serait
« techniquement » possible est une des pires choses qui
soit. Elle détruit à terme la relation.
On ajoutera à ces diverses erreurs un paquet
d'interdits divers et variés, baptisés souvent « concessions ».
Ce mot faisant moins peur qu'« interdits ».
Enfin, ce qui n'arrangera rien, on proclamera la
relation à la face du monde. En introduisant ainsi toutes sortes de
pressions extérieures sensées avaliser et donner des forces à ce
qu'on aura baptisé du nom de « couple » ou « amour ».
Basile, philosophe naïf, Paris le 21 février
2014
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