Quand on cherche à
comprendre l'être humain, on rencontre des livres théoriques qui
prétendent vous aider de manière décisive à le faire. On voit
aussi des spécialistes se pencher sur l'étude et l'analyse des
autres. Il est pourtant un domaine essentiel pour chercher à
comprendre. C'est celui de nos souvenirs. Sans aller voir ailleurs
que dans notre mémoire, il est essentiel de nous rappeler de notre
enfance et de l'époque de notre arrivée dans ce moment de la vie où
les facultés sexuelles reproductives se mettent en route en nous.
Deux souvenirs que j'ai,
éclaire pour moi bien des choses.
Jusqu'à l'âge de six
ans environ, les grandes personnes prennent la peine de rentrer leur
main par le col de mon vêtement. Et me caresser la peau nue du dos.
J'adore ça. Cette caresse est rapide, juste un aller-retour de la
main. Et voilà subitement que cette caresse n'a plus court. On cesse
de me la faire, sans explications. J'en souffre, ne comprend pas cet
arrêt et n'ose pas me plaindre. Garde ça pour moi. En fait, je l'ai
compris seulement bien des dizaines d'années après : si on a cessé
de me caresser ainsi, c'est parce qu'on a considéré que j'étais
devenu « grand ».
Autre souvenir qui doit
dater de mes treize ans environ. Voilà que je commence à avoir tout
le temps envie d'uriner. Je vais aux toilettes. Et au lieu d'émettre
de l'urine, de mon pénis coule à chaque fois juste un peu d'une
substance visqueuse et transparente. C'est fort énervant. Je n'en
parle pas. En fait, je l'ignore absolument, il s'agit alors de la
mise en route de mes glandes de Cowper.
Et quelques temps plus
tard, je vais uriner et simultanément à cet acte, j'ai la surprise
de voir mon membre subitement s'allonger et durcir. Ce phénomène
surprenant et incompréhensible se répète plusieurs fois. Et quand
je me mets nu, même chose.
Je suis gêné par cette
réaction que j'imagine maladive. « Je suis malade », me
dis-je. Et n'ose en parler à mes parents. Car c'est une maladie
honteuse, vénérienne. C'est comme ce liquide visqueux.
Je cesse de me laisser
voir nu par des tiers. Ferme la porte de la salle de bains quand je
prend mon bain, pour ne pas être vu dans cet état.
Ce que je réalise en me
remémorant ces moments de ma vie, c'est l'abandon total où j'étais
laissé face à ces phénomènes pourtant prévisibles qui
m'arrivaient.
On arrête brutalement la
tendresse. Et, des années après, on me laisse parfaitement seul
pour essayer de me déterminer face à ces nouveautés troublantes.
Et, quand j'ai atteint
l'âge de vingt-deux ans, notre médecin de famille, le Docteur J.
R****, utilisant des sous-entendus m'a prescrit de « faire
l'amour ». Ce qui ne m'était jamais arrivé. Ma mère m'a jeté
dans les bras de la première jeune fille venue rencontrée dans mon
entourage.
Cette histoire a duré
six mois. Puis s'est terminée. Mais, mal parti que j'étais,
trimballé dans une direction que je n'avais pas choisi, je ne
pouvais guère aller où cela me convenait. J'avais souffert de
déséducation sexuelle. Comme bien d'autres on m'avait caché tout
ou presque du domaine de la « sexualité ». Puis on
m'avait précipité dedans sans crier gare. A moi de me débrouiller.
Se remémorer des
souvenirs anciens, les étudier, me paraît des plus utiles pour
rectifier notre comportement. Et comprendre où cela nous convient
d'aller.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 7 janvier 2014
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