J'avouais hier dans
ce blog comment, il y a environ cinquante ans de cela, ma sœur
m'avait invité à assister à son bain. J'ai hésité à mettre cet
aveu en ligne. Pourtant, comme il paraît anodin comparé aux
confidences diverses, affabulées ou non, qu'on trouve aujourd'hui un
peu partout sur le Net ! En parcourant le Net dès qu'il s'agit de
relations « pas catholiques » entre sœur et frère, on
trouve abondance de comptes-rendus de vécus horribles divers. Et
aussi quelques autres genres de témoignages sur des relations plus
paisibles.
A croire certains,
sortir des cadres de la morale traditionnelle consisterait à glisser
dans l'orgie permanente. Quand on parle de « révolution
sexuelle » on y voit le synonyme de « tout le monde baise
avec tout le monde ». Quelle belle ânerie ! Pourquoi ? Parce
que faire des orgies n'a absolument rien de « révolutionnaire ».
De tous temps, on a vu d'un côté la masse devoir se conformer à
une morale encadrante et rigoriste et une minorité vautrée dans le
sexe tous azimuts. Depuis Messaline et Héliogabale, Théodora ou
l'impératrice allemande de Russie Catherine II, dite Catherine la
Grande, les « grands de ce monde » ont toujours baisé
dans tous les coins. Les imiter n'a rien de révolutionnaire.
Révolutionner c'est agir autrement, porter un regard neuf sur des
choses anciennes, avec des réponses rares jusqu'à présent.
Quand j'ai vu ma
sœur nue dans son bain, j'ai eu envie de me mettre nu aussi, la
rejoindre peut-être aussi dans sa baignoire. J'ai aussitôt écarté
l'idée comme inadmissible. Pourquoi ? Parce que j'étais en érection
et avais honte d'être vu par elle dans cet état.
Cette honte venait
de loin. Ce genre de réaction non contrôlée, incompréhensible les
premiers temps qu'elle survenait, me dérangeait. Je ne l'avais pas
choisi. Et la ressentais comme indécente car liée aux choses du
sexe dont on évitait soigneusement de parler dans ma famille.
La première fois
que ça m'était arrivé en urinant, j'en avais conclu que j'étais
malade. Et, comme il s'agissait d'une maladie vénérienne, il était
bien sûr exclu que j'en parle avec mes parents !
Plus tard,
rapprochant cette réaction bizarre et nouvelle avec un passage
incompréhensible du roman « Moravagine » de Blaise
Cendrars, j'ai compris de quoi il s'agissait.
Blaise Cendrars
écrivait dans ce passage : « L'amour, ça commence par la
crevaison d'une membrane. » Une membrane ? Ça me disait
quelque chose dont j'avais entendu parler. J'ai consulté le très
pudibond « Petit Larousse » à la définition du mot
« hymen ». J'ai alors compris le pot-au-roses. Si mon
sexe durcissait, c'était pour entrer dans le sexe féminin crever
ladite membrane ! Ce rapprochement inattendu entre deux organes à
mon avis « sales » car destinés à pisser, m'a tout de
suite paru dégoutant.
Mon éducation
faisait que je considérais à l'époque le sexe sale, honteux. Et le
montrer en cet état durci inavouable. C'est pourquoi je n'ai pas osé
me retrouver nu et rejoindre ma sœur dans son bain.
Par la suite, j'ai
été abusé par l'éducation régnante qui prétend que si on
connait une érection celle-ci est dévolu à la pénétration de la
femme.
Pourquoi ce propos
courant est en fait résolument faux ? Pour la raison suivante que
j'ai mis des décennies à comprendre : en fait le plaisir seul peut
provoquer une érection. Par exemple la vue d'une jolie fille nue.
Mais cette érection est non intromissive la plupart du temps. Ce qui
signifie qu'elle ne s'accompagne pas du tout d'un sentiment très
particulier. Ce sentiment c'est le désir de pénétrer sexuellement
l'autre.
Mais, l'éducation
aidant, on se retrouve le crâne bourré et convaincu que si on bande
il faut y aller. De l'erreur du départ d'avoir honte d'être vu en
érection par une jeune fille, je suis passé par la suite à une
autre erreur. Croire que si je bandais cela signifiait qu'il était
bien, souhaitable, désirable de « faire l'amour »,
cependant que je n'en éprouvais pas l'envie. Et que c'était juste
un raisonnement intellectuel.
Ce raisonnement
intellectuel triomphe dans le domaine de la pornographie, qui est
caricaturale et ridicule. On y voit les bons petits soldats du sexe
entrer et sortir les uns des autres. Sur leur visage s'inscrit le
plus souvent l'ennui et l'indifférence. C'est de la mécanique pure,
de la plomberie sexuelle. Les corps sont beaux. Leur agitation est
factice. On fait comme si on avait envie de s'accoupler. Et les
spectateurs font comme s'ils voyaient des individus « faire
l'amour ». Alors qu'ils ne font que se mettre l'un dans
l'autre, se secouer et faire semblant de jouir en échange d'un
chèque.
Quand à 22 ans j'ai
eu ma première « petite amie », tous les soirs nous
faisions la chose. On mettait le truc dans le machin, on secouait,
terminait l'acte, et ensuite dodo. C'était absurde, artificiel, fait
avec la meilleure volonté du monde de part et d'autre. Une seule
fois pour moi ce fut différent et vraiment extraordinaire. Pour elle
je crois que ça n'a jamais été vraiment passionnant.
Bien plus tard, je
me souviens d'une autre « petite amie ». La première
fois qu'on a fait la chose, j'en ai pris l'initiative. Elle ne s'y
est pas opposée. Mais son expression était faite d'incompréhension
et étonnement. En fait, bien plus tard, en y réfléchissant, j'ai
compris qu'elle n'avait rien ressenti. Elle avait juste rempli le
rôle qu'elle croyait devoir être le sien. Quand on est une jolie
fille nue qui accorde des bisous sur la bouche, dans l'intimité, le
monsieur met son engin dans la dame, voilà. Il faut qu'il entre. Et
comment faire autrement si tous les messieurs proches veulent faire
ça ?
En l'absence de vrai
désir ça se passe comme dans un petit théâtre où chacun rempli
son rôle. Et l'un des deux se dit qu'il « fait l'amour »,
cependant que l'autre attend sagement que la petite affaire soit
terminée.
Mais ça ne marche
pas ainsi longtemps. La Nature a horreur d'être maltraitée. Et, à
la longue nait une terrible agressivité chez l'un des deux acteurs,
le moins motivé des deux, souvent la femme. A cette agressivité va
répondre l'agressivité de l'autre en retour. Ce qui explique que
les séparations sont souvent tendues et conflictuelles.
Une petite amie
subissant patiemment le sort d'amante non désirante avait projeté
une rupture d'avec moi très violente moralement. Elle n'a ensuite
pas agi ainsi. M'en a parlé. Et à ma question : « pourquoi
une telle violence morale ? » n'a pas su quoi répondre. Quatre
mois plus tard elle réussissait sa séparation. C'était la
meilleure et la plus juste des choses qu'elle avait à faire.
J'ai mis des
dizaines d'années à comprendre le phénomène. A présent, je sais
que c'est une très grande erreur de chercher à « faire
l'amour » sans en avoir vraiment envie. Et, débarrassé des
faux désirs artificiels, ne me suis jamais senti autant libre et en
paix avec moi-même et les autres.
L'erreur
fondamentale est croire qu'on a besoin d'aimer et être aimé, d'où
la soi-disant nécessité de concrétiser en « faisant
l'amour ». En fait, on a besoin de se sentir aimé et
être aimé, ce qui n'implique rien de précis à faire ou réaliser.
On aime un homme, une femme, un enfant, un chat ou un plat de
spaghettis, il y a de l'amour mais rien de précis en plus là-dedans.
Le sexe c'est autre chose, qui a sa vie particulière et son
fonctionnement qu'il importe de respecter. Faire semblant de faire
l'amour ne sert à rien et mène droit dans le mur. Aimer simplement
à l'amour suffit.
Basile,
philosophe naïf, Paris le 7 janvier 2014
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